Acte III - Scène VII
Le Général, La Môme, Etienne, puis Gabrielle
Le Général (qui tient sous son bras deux épées enveloppées dans leur fourreau )
C'est bon ! Eh bien ! maintenant, allez prévenir le docteur que le général le demande.
Etienne (précisant )
Le Général… et madame !
Le Général
Non !… non ! ne parlez pas de madame ! Dites le général tout simplement.
Etienne (reluquant avant de sortir la paire d'épées que le général tient maintenant par les poignées, les pointes à terre )
Quel drôle de parapluie !
(Il sort par la droite.)
Le Général (tout en posant ses épées contre la chaise à droite de la baie )
Et maintenant, nous allons tout arranger !
(Il pose son chapeau sur la table.)
La Môme
Oui, oh ! ben !… Si vous croyez qu'il tient tant que ça à me voir !
Le Général
Mais si ! Mais si ! Mais, au fait, il vaut peut-être mieux que je lui parle avant !… Tenez ! entrez donc par là dans le petit salon. Je vous appellerai au moment voulu.
(Il la fait passer n° 2.)
La Môme (au général qui la conduit jusqu'à la porte de droite )
C'est ça, mon oncle ! vous m'appellerez !
(Elle sort.)
Le Général (descendant à droite de la table )
Ah ! bien, il va en avoir une surprise ! (On frappe à la porte de gauche, deuxième plan.)
Entrez !
Gabrielle (passant la tête par la porte entre-bâillée )
La conférence est terminée ?
Le Général (à part )
Sapristi ! la folle !
Gabrielle (à part )
Le Général !
Le Général (à part )
Mais qu'est-ce qu'elle fiche toujours chez mon neveu, celle-là ?
Gabrielle (gagnant, toute sautillante, jusqu'à la gauche de la table )
Ah ! général ! que je suis heureuse !…
Le Général (frappant la table d'un violent coup du plat de la main, ce qui arrête net l'élan de Gabrielle )
Ah ! je vous en prie, madame ! Après ce qui s'est passé entre nous !…
Gabrielle (minaudant )
Quoi, général, vous y pensez encore ?
Le Général
Comment, si j'y pense !… Ma parole, vous ne me paraissez pas avoir la moindre conscience de la gravité de vos actes.
(Il descend un peu à droite.)
Gabrielle (de même )
Oh ! si, mon oncle !
Le Général (se retournant et flanquant une nouvelle tape sur le coin de la table )
Ah ! et puis, ne m'appelez pas "mon oncle" ! (Un temps.)
Appelez-moi "général".
(Il s'assied dans le fauteuil à droite de la table et face à elle.)
Gabrielle (de même )
Quoi ? vous ne voulez pas que je sois votre nièce ?
Le Général
Non !… (Prononcer "nan".)
Avant l'incident, j'ai bien voulu me prêter !… mais maintenant !…
Gabrielle (au milieu )
Vous êtes donc intraitable ! Ah ! si vous saviez combien je regrette ce qui s'est passé.
Le Général
Il est bien temps, madame !
Gabrielle
Mais, vous savez, j'étais déjà très énervée par l'apparition de tous ces revenants !
Le Général (avec un grand coup de poing sur la table qui fait sursauter Gabrielle )
Ah ! non, hein ! Je vous en prie ! (Se levant.)
Ne faisons pas intervenir des blagues dans les choses sérieuses !
Gabrielle
Des blagues ! mais, général, je vous jure !…
Le Général
Tenez, voulez-vous que je vous donne un bon conseil ? Eh ! bien, quand il vous arrivera d'en voir encore, des apparitions, prenez donc une bonne trique ; et flanquez-lui une roulée à votre apparition ; vous verrez ce qu'il en restera !
Gabrielle (gagnant légèrement la gauche )
Oh ! général, pouvez-vous blasphémer !
Le Général
Parfaitement ! (Tout en venant à elle.)
Ca vous édifiera sur la valeur de vos croyances, et évitera pour l'avenir de vous faire commettre des actes… que vous déplorez ensuite.
Gabrielle (avec élan )
Oh ! oui, général, de tout mon cœur ! et je vous en demande bien sincèrement pardon.
Le Général (promène un instant sur elle un regard de côté, puis sur un ton radouci )
Allons ! soit, madame ! (Lui donnant une petite tape amicale, sur la joue.)
devant l'expression de vos regrets…
Gabrielle (même jeu )
Ah ! général !…
Le Général (l'arrêtant court )
Mais ceci, bien entendu, à la condition que votre mari confirme vos excuses en y ajoutant les siennes !
(Il passe n° 1 devant Gabrielle.)
Gabrielle
Oh ! si ce n'est que ça, il vous les fera.
Le Général
Vous comprenez, moi… j'ai giflé votre mari !
Gabrielle
Hein ! aussi ? Il ne me l'avait pas dit.
Le Général
Tiens parbleu ! il ne s'en est pas vanté ! (Remontant fond droit.)
Moi, au fond, je ne lui en veux pas.