Acte III - Scène VI



(POCHET , AMÉLIE , MARCEL , IRÈNE , ETIENNE , MOUILLETU AU FOND , RANGEANT LES REGISTRES , PUIS VAN PUTZEBOUM .)

IRÈNE(qui arrive la dernière, à la suite du défilé. )
Bonjour, Marcel !

MARCEL
Ah ! te voilà !

IRÈNE
Oui, j'ai voulu voir ça.

AMÉLIE
Bonjour, madame !… Madame va bien? (A mon père.)
Papa, Madame !

POCHET(passant dos au public avec force courbettes à l'adresse d'Irène; cela l'amène au 3. )
Madame, oui… oui… j'ai aperçu tout à l'heure… Et madame vient au linche, oui?

IRÈNE
Merci, Pochet ! Non ! vraiment !

POCHET
Oh ! chez Gilet, madame ! Madame ne me refusera pas !… Ne serait-ce qu'un doigt de madère et un guillout.

IRÈNE
Merci, Pochet ! Non, vraiment !

POCHET(passant devant elle avec force courbettes, dos au public, ce qui le porte au 4. )
Oh ! je suis contristé ! je suis contristé !

IRÈNE
Je suis désolée, mon pauvre Pochet.

MARCEL(passant son bras autour de celui d'Amélie. )
Et tu as vu, hein ? Quand on nous a unis ?

IRÈNE
Oui, je suis arrivée pour ça ; ça m'a semblé tout drôle !

MARCEL
C'était rigolo, en effet.

IRÈNE
Eh ! bien, ça a réussi ! le parrain a marché ?

MARCEL
Et comment !

POCHET
Ce qu'il a pu donner dans le piano !

IRÈNE
Alors, plus d'ennuis? Plus d'embêtements?

MARCEL(avec chaleur. )
Plus d'ennuis ! plus d'embêtements ! (Rire sardonique d'Etienne dans son coin. Riant à son exemple.)
Ah ! qu'est-ce qu'il a à rire, celui-là?

IRÈNE
Te voilà riche.

MARCEL
Oh ! ma Rérène !
(Il veut l'embrasser.)

IRÈNE(reculant. )
Oh !

MARCEL
Eh ! ben, quoi? C'est le mariage !

IRÈNE
Au fait ! c'est vrai !
(Elle se laisse embrasser par Marcel.)

AMÉLIE(voyant Van Putzeboum qui arrive par la baie, à Marcel. )
Attention ! le parrain !

MARCEL
Oh !
(Ils se dégagent.)

IRÈNE(bas à Marcel en le quittant. )
Je t'attends dans l'atrium. Elle remonte par la droite, traverse le fond et sort par la baie.

VAN PUTZEBOUM(qui est descendu près du groupe et suit le départ d'Irène des yeux. Une fois sa sortie, passant, dos au public, jusqu'à Marcel. )
Qu'est-ce que ça est donc?

MARCEL
Rien ! rien ! une parente de province !

POCHET
Sa sœur de lait.

VAN PUTZEBOUM
Ouye ! je te félicite ! on fait ça bien en province.

MARCEL
N'est-ce pas?

VAN PUTZEBOUM
Mais c'est pas tout, ça, filske, maintenant que le monde est parti, je te fais une fois aussi mes compliments.

MARCEL ET AMÉLIE
Oh ! parrain… merci !

POCHET
Vous venez au linche, naturellement.

VAN PUTZEBOUM(allant à Pochet. )
Ça, tu penses que je vais ! et les mariés aussi, hein donc ! vous venez, hé?

MARCEL
Oh ! non, non, les mariés ils ne paraîtront pas au lunch; ils vont chez eux… Vous devez comprendre, n'est-ce pas…?

VAN PUTZEBOUM(malicieux. )
Oui, oui, je comprends. Alleï ! Alleï ! Mais avant, ça tu permets, une bise, hein?

MARCEL(le faisant passer au 2 en le poussant vers Amélie. )
Oh !… Bisez, parrain ! bisez !

POCHET
Y a pas ! c'est une incontinence chez lui !

MOUILLETU(venant du fond droit et descendant, à Marcel. )
Voici votre livret de mariage.

MARCEL(interloqué. )
Mon liv… (Agitant son livret à proximité de son visage et dans la direction d'Etienne en manière de menace comique.)
Ah ! ce mâtin d'Et… (A Mouilletu.)
Merci, mon ami !
(Il lui met une pièce dans la main.)

MOUILLETU
Merci, monsieur ! tous mes vœux !
(Il remonte.)

MARCEL
Le livret de mariage ! (Dans la direction d'Etienne.)
Ce mâtin d'Etienne, il a pensé à tout !

ETIENNE(sur un ton qui en veut dire long. )
A tout.

VAN PUTZEBOUM(qui s'est approché de Marcel, curieusement. )
A tout quoi?

MARCEL(surpris. )
Hein ! A tout… à tout rien.
(Il le fait passer à sa gauche. A ce moment le Général, arrivant du fond, descend n° 1, tenant grand ouvert et prêt à jeter sur les épaules, le manteau d'Amélie.)

LE GÉNÉRAL
Madame, si vous voulez…?

AMÉLIE
Ah ! c'est juste ! (A mi-voix à Marcel, tout en passant le manteau que lui tend le Général.)
Eh bien, je file, moi, avec le Général. Son Altesse m'attend.

MARCEL
Ah ! oui.

AMÉLIE(avec une révérence. )
Mon époux permet?

MARCEL
Comment donc !

AMÉLIE
Nous sommes des mariés pas ordinaires ! (Au Général.)
Vous y êtes, Général?

LE GÉNÉRAL
Je suis à vos ordres.
(Ils remontent vers le fond gauche.)

VAN PUTZEBOUM(les voyant partir et se dirigeant vers eux en traversant la scène par-devant. )
Hein? Eh bien, quoi? Vous partez?

AMÉLIE(tout en partant. )
Oui, oui !

MARCEL(qui est remonté à la suite d'Amélie. )
Oui, en avant ! en avant ! Je dois aller la rejoindre.

VAN PUTZEBOUM(qui est arrivé ainsi au fond. )
Ah ! bon ! Alors, je vais aller chercher mon paletot, moi ! Maintenant que tu as rempli la condition, je vais à l'hôtel et je t'apporte ton chèque.

MARCEL
(le poussant machinalement dehors. )
C'est ça ! c'est ça !

POCHET(qui pendant ce qui précède est remonté par la droite et a gagné la gauche par le fond. )
Ah ! bien, tout le monde file, je file aussi.

MARCEL(même jeu. )
C'est ça ! C'est ça !
(Sort Van Putzeboum.)

POCHET
Chez Gilet, hein? On se retrouve chez Gilet.

MARCEL
Chez Gilet, c'est ça ! Moi j'y vais pas ! mais bon appétit !

POCHET
Merci.
(Il sort.)

Autres textes de Georges Feydeau

Un fil à la patte

"Un fil à la patte" est une comédie en trois actes de Georges Feydeau. Elle raconte l'histoire de Fernand de Bois d'Enghien, un homme qui souhaite rompre avec sa maîtresse,...

Un bain de ménage

"Un bain de ménage" est une pièce en un acte de Georges Feydeau. Elle se déroule dans un vestibule où une baignoire est installée. La pièce commence avec Adélaïde, la...

Tailleur pour dames

(Au lever du rideau, la scène est vide.)(Il fait à peine jour. Étienne entre par la porte de droite, deuxième plan.)(Il tient un balai, un plumeau, une serviette, tout ce...

Séance de nuit

(JOSEPH PUIS RIGOLIN ET EMILIE BAMBOCHE Au lever du rideau, Joseph achève de mettre le couvert. Par la porte du fond, qui est entr'ouverte, et donne sur le hall où...

Par la fenêtre

Un salon élégant. Au fond, une porte donnant sur un vestibule : à gauche, premier plan, une fenêtre ; — à droite, second plan, une cheminée, surmontée d'une glace ; ...


Les auteurs


Les catégories

Médiawix © 2024