Acte II - Scène IV
(LES MÊMES , PUIS VAN PUTZEBOUM)
VOIX DE VAN PUTZEBOUM
Alleï ! alleï, laissez, puisque je vous dis que je suis le parrain.
MARCEL(bondissant à la voix de Van Putzeboum. )
Nom d'un chien, le parrain ! Allez ! Fous le camp, n… de D… ! fous le camp.
AMÉLIE
Mais où ça ?
MARCEL(la poussant par le bas des reins comme à l'arrivée d'Irène. )
Mais sous le lit, donc !
(Il se précipite vers la porte pour écouter.)
AMÉLIE(se rattrapant au moment de tomber du lit sous la poussée de Marcel. )
Ah ! non, zut ! j'en ai assez !
(Elle se renfonce dans le lit.)
MARCEL(revenant au lit et y retrouvant Amélie. )
Mais vas-tu fiche le camp ! (Au même moment on voit tourner le bouton de la porte du fond.)
Non, trop tard !
(Marcel n'a que le temps de sauter sur le lit et d'un même mouvement, lui et Amélie rabattent le drap sur leur tête. A ce moment précis paraît Van Putzeboum.)
VAN PUTZEBOUM( qui est entré juste à temps pour apercevoir le jeu de couverture, reste un instant bouche bée, puis fait un geste de la tête comme pour dire: "Eh ben !" puis, au public, avec un geste prometteur de la main. )
Attends un peu, donc !
(Il s'approche du lit sur la pointe des pieds, puis, d'un mouvement brusque, découvre Marcel et Amélie.)
MARCEL ET AMÉLIE(ensemble et vivement. )
On n'entre pas !
VAN PUTZEBOUM(ahuri, reconnaissant Amélie. )
Mademoiselle Amélie d'Avranches !
AMÉLIE
Hein ! oui… oui, je passais.
MARCEL(à Amélie, comme s'il la rencontrant dans la rue. )
Ah ! Tiens ! c'est vous ! Oh ! comment ça va?
(Il lui tend la main.)
AMÉLIE(lui serrant la main. )
Quelle charmante surprise !
VAN PUTZEBOUM
Et dans le lit donc, ensemble !
MARCEL
Oh ! Si on peut dire !…
AMÉLIE
On passait ! On passait !
VAN PUTZEBOUM(hochant la tête d'un air moqueur. )
Oui ! oui !… Eh ! bé ! Eh ! bé !
MARCEL
Quoi ?
VAN PUTZEBOUM
Ça va bien, pour une fois !
MARCEL
Mais pas mal, mon parrain ! Vous aussi, je vois !
VAN PUTZEBOUM
Vous avez eu bon ? Oui ? Oui ?
MARCEL
Oh ! mon parrain !
VAN PUTZEBOUM(descendant un peu en scène. )
Ah ! Goldferdeck ! Tu ne l'as pas encore mariée, ta femme, et tu profites déjà sur !
TOUS DEUX
Hein !
VAN PUTZEBOUM
Eh ! bé, filske !
MARCEL(descendant du lit. )
Mon parrain, je vais vous expliquer…
AMÉLIE(toujours dans le lit. )
Je vous assure, monsieur, que…
VAN PUTZEBOUM(levant les bras au ciel. )
Hou là ! Mais qu'est-ce que c'est donc? C'est votre affaire, savez-vous !
MARCEL(qui a pris la veste de son pyjama et l'a enfilée. Redescendant n° 3. )
Hein ! Oui, je sais bien.
VAN PUTZEBOUM
Ca est comme qui dirait une avance sur titre… Tu touches avant; ça te regarde ! (Allant au lit.)
Et ça va, la jeune fiancée?
AMÉLIE(rieuse. )
Mais vous voyez… le parrain !
VAN PUTZEBOUM
Ouyouye ! Ah ! tout de même, le garnement !… Quand c'est que je pense que vous étiez si innocente donc il y a quinze jours !
AMÉLIE(bien sainte nitouche. )
Moi !
VAN PUTZEBOUM
Comme on dit à Paris… il a fait vite de vous déssalei.
AMÉLIE
Oh !
VAN PUTZEBOUM(à Marcel; en lui envoyant une poussée avec son ventre qui le fait tomber sur le canapé. )
Etre de perdition, va !… Et le papa, alors ! M. d'Avranches? Ça, qu'est-ce qu'il dit donc?
MARCEL(vivement, allant à lui. )
Oh ! il ne sait pas ! il ne faut pas lui dire… ni à personne ! hein?… Surtout… surtout à personne !…
VAN PUTZEBOUM
Alleï, Alleï ! Qu'est-ce que tu penses, hein ! Est-ce que ça est même à dire, ces choses-là.
AMÉLIE
D'ailleurs, il n'y a rien, vous savez… On… on dormait.
VAN PUTZEBOUM(moqueur. )
Ouie ! ouie ! Ca, je me doute… Ah ! Tout de même, non ! écoutez; je vous demande une fois pardon d'être entré… comme ça jusque dans le lit, mais ça, je ne savais pas, n'est-ce pas?
AMÉLIE
Oh ! mais…
VAN PUTZEBOUM
Je voulais seulement faire la surprise de mon retour.
MARCEL
Ah ! le fait est que je ne m'attendais pas !… Vous êtes de passage à Paris? Oui !… Evidemment.
VAN PUTZEBOUM
Espère donc ! Ca est la surprise justement. Je me suis dit: "Vraiment, en souvenir de son père, et pour son amitié, je ne sais pas laisser faire le mariage pour que je n'y sois pas."
MARCEL
Hein !
VAN PUTZEBOUM
Alors, je me suis arrangé ! J'envoie mon fondé de pouvoir pour qu'il me remplace en Amérique et je vais une fois le rejoindre après la noce. Que tu saisis, fils?
MARCEL(ahuri. )
Ap… ap… ap…
VAN PUTZEBOUM
Ap… ap… ap… Tu broubelles (broubeulles)
à présent?
MARCEL
Quoi ?
VAN PUTZEBOUM
Tu broubelles?… Tu es bégue ?
MARCEL
Non, je dis: "Ap… après la noce ?"
VAN PUTZEBOUM
Oui… Comme ça, je pourrai te remettre de la main ta fortune, que je suis dépositaire.
MARCEL
Aha? Ah ! ben, voilà une surprise !
AMÉLIE
Le fait est que pour une surprise !
MARCEL
Ca, c'est une surprise !
(Il s'effondre sur le canapé.)
VAN PUTZEBOUM(s'asseyant près de lui sur le canapé. )
Oui? Ça te plaît, ça?
MARCEL(sur le canapé. )
Oh ! je suis radieux !
VAN PUTZEBOUM(sur le canapé. )
Eh bé, ça te faut dire, savez-vous !… car, quand je te regarde, ce que tu peux, une fois, avoir l'air lugubre, quand tu es radieux !
MARCEL
Qu'est-ce que vous voulez, ça dépend des natures.
VAN PUTZEBOUM
Oui, ça, je sais ! J'en ai eu un comme ça, quand il était joyeux… Ça était triste ! il gémissait, il gémissait !
MARCEL
Là ! ben, vous voyez !
VAN PUTZEBOUM
Et il me léchait ! il me léchait !
MARCEL(le regardant, ahuri. )
Hein !
AMÉLIE
Qui ?
VAN PUTZEBOUM
N'poleion premier donc ! Mon bouledogue. (Caressant machinalement la nuque de Marcel.)
Si vous aviez vu la gueule qu'il avait !
MARCEL(dégageant sa tête avec humeur. )
Allons ! voyons donc !
VAN PUTZEBOUM
Ah ! C'était ça une bonne bête !
MARCEL
Je suis vraiment heureux de vous l'avoir rappelé.
VAN PUTZEBOUM(se levant, et tout en parlant gagnant jusqu'au lit pour parler à Amélie. )
Mais je bavarde, je bavarde, ça est pas tout à fait ça, filske ! Maintenant que je t'ai vu… ta fiancée se faut s'habiller, n'est-ce pas? Et moi, je gêne !
MARCEL(qui s'est précipité sur la canne et le chapeau de Van Putzeboum que celui-ci à déposés, en entrant, sur la console. Les lui passant par-dessus l'épaule et devant le nez, afin que rien ne retarde son départ. )
Oh ! vous partez !… déjà ! Oh ! vraiment !
VAN PUTZEBOUM(se retournant de son côté et prenant les objets qu'on lui présente. )
Oui ! En attendant, je vais savoir faire une course ou deux, et je passe dans la demi-heure vous reprendre tous les deux. On fera la promenade jusqu'au dîner, hein donc?
MARCEL(le poussant sans avoir l'air vers la porte. )
C'est ça ! bon ! c'est ça !
AMÉLIE
Vous nous gâtez vraiment ! Vous nous gâtez !
VAN PUTZEBOUM
Alleï ! Alleï !… Ça est pour moi le plaisir !… Et alors on prévient le papa, hein donc? qu'il dîne avec nous !
MARCEL(de même. )
Entendu, entendu !
VAN PUTZEBOUM
Alleï ! Ne vous dérangez pas ! s'il vous plaît !
MARCEL(de même. )
C'est ça ! Au revoir ! au revoir ! (Lui fermant la porte sur le dos, puis à Amélie.)
Eh bien ! nous sommes propres !
AMÉLIE
Comment vas-tu sortir de là, maintenant?
MARCEL(descendant en scène. )
Eh ! C'est fini ! Ma combinaison est dans l'eau ! C'est la catastrophe !
AMÉLIE(sortant du lit et allant à lui. )
Allons, allons ! s'agit pas de se démonter !
MARCEL(passant n° 1. )
Quoi ! il veut assister au mariage… Je ne peux pas le lui donner, moi, le mariage ! C'est au-dessus de mes moyens.
AMÉLIE
Ah ! oui, dame, ça !
VAN PUTZEBOUM(rentrant en flèche. )
Le papa ! Voilà le papa !
MARCEL
Quoi ?
AMÉLIE
Quel papa ?
VAN PUTZEBOUM
Ton papa à vous; il monte l'escalier !
MARCEL
Eh bien ! Après ?…
VAN PUTZEBOUM
Mais alleï, cachez-vous !
AMÉLIE
Moi ?
VAN PUTZEBOUM
S'il vous voit comme ça, il va se douter… Cachez-vous.
MARCEL
Hein ! Ah ! Oui ! oui !
AMÉLIE(que Van Putzeboum fait passer n° 3. )
C'est vrai ! Ah ! malheureuse que je suis !
VAN PUTZEBOUM(la poussant, suivi de Marcel, vers le cabinet de toilette. )
Non ! non ! ne soyez pas désoléï ! Ça n'est pas le moment, savez-vous ! Alleï, alleï, entrez là !
(Il lui indique le cabinet de toilette et retourne vers Marcel.)
AMÉLIE(entre ses dents, au moment d'entrer. )
Oh !… Vieille colle, va !
(A peine est-elle sortie que Pochet fait irruption par le fond.)