Acte III - Scène III



(LES MÊMES , PÂQUERETTE , GISMONDA , PUIS DEUX PHOTOGRAPHES)

VALÉRY(apercevant Pâquerette et Gismonda qui, sur les derniers mots, sont arrivées de gauche et traversant au fond. )
Tiens, voilà Pâquerette et Gismonda.

GABY
Ah ! oui… (Leur faisant signe.)
Eh !…

VALÉRY ET MOUCHEMOLLE(de même. )
Hep ! hep !

PÂQUERETTE(à Gismonda. )
Ah ! les copains !

GISMONDA
Tiens ! Ca va bien?

GABY(leur faisant signe de venir près d'elle. )
Vous venez là?

GISMONDA ET PÂQUERETTE
Oui.

MOUILLETU(aux deux femmes qui s'engagent dans le rang des chaises. )
Pas sur les chaises, mesdames, pas sur les chaises !

PÂQUERETTE(sur un ton gouailleur. )
Qu'est-ce qu'il a, celui-là !

GISMONDA
Oh ! bien, vous n'avez pas de place…

PÂQUERETTE(qui est descendue à l'avant-scène. )
Si on se casait au fond, on serait mieux pour l'entrée du cortège…

VALÉRY
Oh !… Si vous voulez !

GABY
Moi, je veux bien.

MOUCHEMOLLE
Allons !
(Les deux hommes se dirigent vers la banquette de gauche, tandis que les femmes iront peu à peu, lentement, tout en causant.)

GABY
Vous êtes restés encore tard cette nuit?

PÂQUERETTE
Ne m'en parlez pas: six heures du matin !…

GISMONDA
On s'est quitté en se donnant rendez-vous ici; mais toute la bande était si vannée, qu'elle a, bien sûr, dû rester au lit !

VALÉRY(qui est près de la banquette adossée au mur. )
C'est là qu'on se met !

PÂQUERETTE
Oui ! on sera très bien.

GISMONDA
Il paraît que c'est un nommé Toto Béjard qui fait le maire?

VALÉRY ET MOUCHEMOLLE
Toto Béjard?

PÂQUERETTE
Un type de la Bourse, oui.

GABY(à Valéry. )
Ah ! tu vois. (Aux deux femmes.)
N'est-ce pas que Marcel nous a dit, pour son mariage, que c'était une blague qu'on faisait à son parrain.

PÂQUERETTE ET GISMONDA
Absolument !

GABY
Là !

VALÉRY
Eh bien, qu'est-ce que tu veux, ça me dépasse.

UN PHOTOGRAPHE(son appareil sous le bras, fendant pour passer, le rassemblement formé par Valéry, Gaby, Pâquerette, Gismonda et Mouchemolle, et qui obstrue le passage. )
Pardon, messieurs ! Pardon, mesdames ! (A part.)
Oh ! nom d'un chien, il y a du linge ! (Arrivé à Mouilletu, à l'avant-scène droite.)
Dites-moi: le cortège entre par là, naturellement?

MOUILLETU
Dame ! par où voulez-vous qu'il entre?

MOUILLETU
Ah !… Très bien, monsieur !…

UN DEUXIÈME PHOTOGRAPHE(après avoir accompli le même trajet que son confrère, surgissant dans le dos de ce dernier, pour s'adresser à Mouilletu. )
Dites-moi, garçon… (Reconnaissant l'autre photographe qui s'est retourné.)
Tiens ! vous !

PREMIER PHOTOGRAPHE
Bien oui, je viens pour le Matin.

DEUXIÈME PHOTOGRAPHE
Et moi pour le Journal !

LES DEUX PHOTOGRAPHES(en chœur. )
Naturellement !
(Ils remontent. Pendant ce qui précède, Mouilletu a gagné la gauche en passant derrière les photographes.)

VALÉRY(à Mouilletu qui est arrivé près de lui. )
Dites-moi, garçon !

MOUILLETU
Monsieur?

VALÉRY
C'est bien à trois heures, le mariage?

MOUILLETU
Oui, monsieur.

LE MAIRE(passant la tête par la porte. )
Mouilletu ! Mouilletu !

MOUILLETU
Voilà, monsieur le maire !
(Le maire rentre chez lui.)

TOUS(étonnés. )
Mouilletu?

MOUILLETU(se rapprochant de Valéry, pour s'excuser. )
Je vous demande pardon !

GABY(le retenant par la manche. )
Dites donc ! "Mouilletu", c'est à vous qu'il demande ça?

MOUILLETU
Oui, madame ! C'est mon nom.

GABY(riant. )
Quelle drôle d'idée !

MOUILLETU(tandis que tout le groupe rit. )
Je n'en suis pas plus fier !… Je vous demande pardon !
(Il les quitte pour aller chez le maire.)

MOUCHEMOLLE
Oh ! bien, si c'est à trois heures: il est moins trois…

VALÉRY
Ca ne peut être long.

GISMONDA
D'ailleurs, quand nous sommes arrivés, il y avait déjà des voitures en bas qui entraient.

VALÉRY
Oh ! bien, alors !…
(A ce moment, on entend dans l'atrium l'orchestre qui attaque la marche du Prophète.)

GABY
La musique ! Voilà la musique !

GISMONDA
C'est les mariés ! C'est les mariés qui arrivent !

TOUS
C'est les mariés !

MOUILLETU(sortant de chez le maire et courant vers l'entrée. )
Le cortège, mesdames, messieurs ! voici le cortège !

LES DEUX PHOTOGRAPHES(qui étaient à l'affût dans l'atrium, accourant en scène. )
Le cortège ! voilà le cortège !
(Mouilletu a disparu dans l'atrium.)

TOUT LE MONDE
Le cortège ! Voilà le cortège !
(Un des photographes s'est mis contre le manteau d'arlequin gauche; l'autre grimpe sur une banquette. Tous deux, l'appareil braqué sur l'entrée.)

GABY
Allons voir l'entrée. Allons voir l'entrée.

TOUT LE GROUPE
Allons ! Allons !
(Ils grimpent les marches de la baie qu'ils obstruent complètement. Dans la salle, les gens sont debout sur les banquettes.)

MOUILLETU(revenant de l'atrium et repoussant les gens qui embarrassent l'entrée. )
Place, messieurs-dames ! place pour le cortège ! rangez-vous !

GABY(indiquant la banquette de gauche. )
Là ! là !

TOUT SON GROUPE
C'est ça ! C'est ça !
(Gaby, Gismonda et Pâquerette grimpent sur la banquette. Les deux hommes, debout devant, se collent contre elles. A ce moment, entrée du cortège. En tête, Amélie en mariée, donnant le bras à son père qui est en habit, le chapeau à la main, la croix de commandeur de Palestrie au cou. Derrière, Marcel, donnant le bras à Virginie Pochet, sœur de Pochet. Derrière, Adonis en smoking, donnant la main à une petite fille de six ans, tenant un bouquet de demoiselle d'honneur. Derrière, les quatre témoins: Etienne, Van Putzeboum, le général et Bibichon. Puis les invités: Valcreuse, Yvonne, Boas et Palmyre.)

MOUILLETU(les recevant sur le pas de la porte. )
Par ici, messieurs les mariés ! par ici !

DES VOIX DANS L'ASSISTANCE
Oh ! qu'elle est bien !… quelle jolie toilette !… comme elle est en physique !… etc. (Ils descendent par la gauche pour gagner la droite en traversant la scène, conduits par Mouilletu. Les photographes prennent des instantanés. Au moment où Amélie passe devant Valéry, Gaby et la bande… chacun lui fait un compliment:)
"Oh ! délicieuse !… épatante !… Tu as une robe qui te va !… compliments !… etc., etc." (A chacun Amélie répond par un:)
"Merci… Merci bien…"

MOUILLETU(gagnant la droite en tête du cortège. )
Par ici, messieurs dames !

AMÉLIE(qui est arrivée avec Pochet à l'avant-scène gauche, s'arrêtant en voyant Pochet dont la figure se contracte d'émotion. )
Tu pleures, papa?

POCHET(contenant mal son trouble. )
Non !… Oui !… Qu'est-ce que tu veux : l'émotion !… C'est pas des larmes positivement ; c'est plutôt comme quand on épluche un oignon sous son nez, ça vous…

AMÉLIE
Oui ! Oui !

POCHET
N'est-ce pas, sentir sa fille en fleur d'oranger… comme ça… sous l'oeil de la foule !…

AMÉLIE
Mais puisque c'est une blague.

POCHET
Je sais bien, mais, tout de même !… (Il se mouche bruyamment, puis.)
Ah ! le mariage est une belle institution !

AMÉLIE
Allons, calme-toi !…

MOUILLETU(de l'extrême droite, voyant qu'on ne l'a pas suivi. )
Suivez, messieurs dames ! suivez !

POCHET
Voilà ! Voilà !
(Ils gagnent par la suite jusque devant la table du maire.)

VIRGINIE(à Marcel, à qui elle donne le bras. Parlant tout en suivant. )
Je vous dirai que ça dépend ! A domicile, pour faire les ongles, je prends huit francs; mais, pour les amis, c'est cent sous.

MARCEL
Oh ! c'est tout à fait intéressant !

ADONIS(tirant la petite qui marche en regardant derrière elle. )
Mais suis donc, la gosse ! Tu es tout le temps à te faire traîner.

LA PETITE
Mais je suis !

ADONIS(DÉPITÉ . )
Oh ! C't'idée aussi de m'avoir collé la môme à la concierge comme demoiselle d'honneur. Je suis ridicule !
(Ils vont s'asseoir sur les deux chaises qui forment la tête du premier rang.)

MOUILLETU(indiquant à chacun sa place respective. )
La mariée ici, le marié là !

VAN PUTZEBOUM(à Etienne. )
Ça est le grand jour, hein donc ! les chers petits, ils doivent être très émus.

ETIENNE
Oui !… (Les dents serrées.)
Les chers petits !

MOUILLETU
Monsieur le père, ici ! Madame la mère.

POCHET
La mère? Y en a pas ! .

VIRGINIE
Non, je suis la tante.

MOUILLETU
Eh bien ! madame la tante, là !

LE GÉNÉRAL(à Bibichon, gauche de la scène. )
C'est-à-dire que, si je suis témoin, c'est que Son Altesse Royale m'a délégué…

BIBICHON
En vérité !… Eh bien ! moi, c'est à cause… (En se donnant une bonne tape sur la cuisse)
de ma respectabilité.

MOUILLETU
Messieurs les témoins !

LES QUATRE TÉMOINS(s'avançant. )
Voilà ! Voilà !

MOUILLETU(leur indiquant leurs places. )
Les témoins de la mariée, ici ; les témoins du marié, là !

VAN PUTZEBOUM (VOYANT SA PLACE PRISE PAR ADONIS)
Alleï, les petits ! débarrassez, hein, donc?
(Adonis va s'asseoir sur la première chaise du deuxième rang; la petite reste debout, près d'Amélie.)

YVONNE
(à Boas qui, derrière, donne le bras à Palmyre. Tous les quatre sont à l'extrême gauche. )
Dis donc, ce mariage, ça ne te donne pas envie d'en faire autant?

BOAS
Avec toi ?

YVONNE
Avec moi.

BOAS
Eh bien ! tu sais, j'y penserai !

PALMYRE
Moi, si je voulais, je n'aurais qu'un mot à dire, n'est-ce pas, chéri ?

VALCREUSE
Ah ? possible; mais pas avec moi, toujours.

PALMYRE
Ah ! animal ! Tu me disais l'autre jour…

VALCREUSE
Pardon, l'autre nuit !… et la nuit il y a bien de choses qu'on dit…

BOAS(achevant sa pensée. )
… par politesse.

MOUILLETU
Monsieur le garçon d'honneur et la demoiselle?

LA PETITE(se précipitant vers Adonis et le tirant par la main. )
C'est nous, mon cher !

ADONIS(entraîné par la petite. )
Oh ! "mon cher", non, pigez-moi, c'te larve !… si ça ne fait pas transpirer !

MOUILLETU(indiquant la petite banquette à droite de la scène. )
Ici, monsieur le garçon d'honneur et sa demoiselle.

ADONIS(à la petite, tout en s'asseyant à droite de la banquette. )
Non, mais à quelle heure qu'on te couche !

LA PETITE
A huit heures, mon garçon !

ADONIS
Oh ! là, là ! le biberon ! Allez, tâche de te la clore.

LA PETITE
Quoi ?

ADONIS
La ferme !

MOUILLETU(au restant du cortège. )
Si vous voulez prendre place sur les chaises?… (Boas, Palmyre, Valcreuse et Yvonne s'asseyent aux places indiquées.)
M. le maire est à vous dans un instant.
(Il entre chez le maire. Conversation générale en sourdine.)

MARCEL(après un temps, à Etienne. )
Dis donc ?

ETIENNE
Quoi ?

MARCEL(à Etienne. )
C'est toujours Toto Béjard, le maire?

ETIENNE(sur un ton qui en dit long, mais dont l'intention échappe à Marcel. )
C'est Toto Béjard ! Oui.

MARCEL
Dis donc, Amélie !

AMÉLIE
Quoi ?

MARCEL
C'est toujours Toto Béjard, le maire.

AMÉLIE
Eh bien ! oui, je sais.

POCHET(curieux. )
Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ?

AMÉLIE
Non, rien ! Il me dit que c'est Toto Béjard, le maire.

POCHET
Ah ! oui ! (Se tournant vers Virginie.)
C'est Toto Béjard le maire ! VIRGINIE . Eh?… eh ben ! après?… je m'en fiche !

VAN PUTZEBOUM(à Etienne. )
Comment vous dites le bourgmestre? Toto Béjard?

ETIENNE(interloqué. )
Hein ! non, oui ! Ca n'a pas d'importance.
(Un temps. Puis grand éclat de rires dans la bande, Yvonne, Palmyre, Boas et Valcreuse.)

YVONNE(riant. )
Idiot, va !

BOAS(riant. )
Oh ! ben, quoi, si on ne peut plus être spirituel !

AMÉLIE(se levant et se retournant, un genou sur son fauteuil, riant de confiance. )
Quoi? Quoi? Qu'est-ce qu'il y a?

BOAS(riant. )
Rien, rien !

PALMYRE(riant. )
C'est Boas qui fait des plaisanteries d'un goût douteux.

AMÉLIE(curieuse. )
Ah ! quoi? Quoi?
(Ensemble)

VALCREUSE
Il demande…

YVONNE
Il demande…

PALMYRE
Il demande…

YVONNE( cédant la parole à Palmyre. )
Non, toi !

PALMYRE
Toi !

AMÉLIE
Eh bien ! quoi? Qu'est-ce qu'il demande?

VALCREUSE(se levant. )
Il demande pourquoi tu n'as pas mis d'oranges dans ta couronne !

AMÉLIE
Oh ! que c'est fin ! Oh ! que c'est spirituel !
(Elle se rassied.)

POCHET(se levant et se retournant vers eux. )
C'est Gueuledeb qui a trouvé ça?… Ah ! c'est distingué, oui !

BOAS(assez content de lui. )
Ben, mon Dieu !…

POCHET
Allons, allons ! circulez ! Où croyez-vous donc z'être ! hein? Où croyez-vous donc z'être !
(Il se rassied. On entend les autres répéter en sourdine en riant: "Où croyez-vous donc z'être." Un temps.)

VALÉRY(assis sur la dernière banquette, à Gaby. )
Eh bien ! mais y a qu'à lui demander… (Appelant Bibichon.)
Eh ! Bibichon?

BIBICHON(se levant. )
Eha ?

VALÉRY
Est-ce que tu es du dîner, demain, chez Fifi-l'andouille?

BIBICHON
Ah ! non !

GABY PAQUERETTE,VALÉRY,GISMONDA,MOUCHEMOLLE(ensemble. )
Ah?

YVONNE(se levant. )
Tu n'en es pas?

BIBICHON
Non.

PALMYRE(se levant. )
Nous en sommes nous.
(Elles se rasseyent.)

BIBICHON
Oh ! mais ça ne fait rien ! On mange bien chez elle, je m'invite !

GABY
Ah ! bravo !

BIBICHON
Mais, dame ! (Il se rassied pour se relever aussitôt, et, à ceux du fond.)
Allô !… Merci du renseignement.
(Il s'assied. Mouilletu, sortant de chez le maire, monte sur l'estrade.)

ADONIS(à la petite qui lui parle à l'oreille. )
Quoi?… Qu'est-ce que tu dis? (La petite lui reparle.)
Hein !… Ah ! zut ! Non !… tout à l'heure ! quand on s'en ira.

AMÉLIE
Qu'est-ce qu'il y a?

ADONIS
Non, rien !

AMÉLIE
Mais quoi?

ADONIS
Rien, c'est la gosse qui…
(N'osant pas achever tout haut, il se lève et va parler bas à Amélie, après quoi il redescend pour retourner à sa place.)

AMÉLIE(pendant qu'Adonis redescend. )
Eh ! bien, quoi? Conduis-la, mon petit !

ADONIS
Moi ! Ah ! ben non, alors ! tu m'as pas regardé.
(Il s'assied.)

POCHET
(se levant et, curieux, à Amélie. )

AMÉLIE
Non, rien, papa ! C'est la petite qui…
(Elle lui parle bas.)

POCHET
Ah?

ADONIS(sur un ton indigné. )
Oui !

POCHET
Eh bien ! quoi? C'est humain.

AMÉLIE(allant à Mouilletu qui est debout sur l'estrade du milieu. )
Dites donc, garçon !

MOUILLETU
Mademoiselle?…

AMÉLIE
Pourriez-vous nous indiquer…
(Elle achève sa phrase à voix basse dans l'oreille de Mouilletu.)

ADONIS(vexé, pendant qu'Amélie parle bas à Mouilletu. )
Non, comme c'est agréable !

MOUILLETU
Oh ! rien de plus facile, mademoiselle. (Indiquant Adonis.)
C'est pour monsieur?

ADONIS(furieux. )
Hein? Mais non ! mais non !

MOUILLETU(descendant de l'estrade du maire. )
C'est pour la petite demoiselle ! Tenez, par ici, mademoiselle.
(Précédant la petite fille, il se dirige vers le rang de chaises.)

LA PETITE(qui déjà suivait Mouilletu, s'apercevant qu'Adonis ne vient pas avec elle, courant à lui et le tirant par la main. )
Eh ben ! tu viens?

ADONIS
Mais, fiche-moi la paix !

AMÉLIE
Eh ben ! quoi? Va avec elle !

ADONIS
Moi !

POCHET
Un garçon d'honneur ne lâche pas sa demoiselle d'honneur.

ADONIS
Ah ! ben, non, zut !

AMÉLIE
Je te dis d'y aller… tu ne peux pas laisser cette petite toute seule.

ADONIS(rageant. )
Oh !

POCHET
Quoi, c'est pas la mer à boire.

ADONIS(se laissant entraîner par la petite en maugréant. )
Non ! De quoi que j'ai l'air, moi? De quoi que j'ai l'air?

MOUILLETU(s'engageant entre le premier et le deuxième rang de chaises, suivi par la petite et Adonis, sur un ton pompeux et rythmé. )
Laissez passer la demoiselle d'honneur ! Laissez passer la demoiselle d'honneur !
(Dans le rang, chacun se lève à son tour pour laisser passer.)

ADONIS(furieux. )
Oh ! c't averse ! (A la petite.)
Tu pouvais pas prendre les précautions avant, toi !

MARCEL(au moment où Adonis passe derrière lui. )
Va donc, petit Soleilland !

ADONIS(rageur. )
Oh ! oui ! oh !

MOUILLETU
Par ici, tenez, par ici !

ADONIS
Sale gosse, va ! (Arrivés au seuil de la porte du fond, Mouilletu, avec forces gestes, lui indique le chemin à prendre. Adonis, sur les charbons.)
Oui, c'est bon; pas de gestes, monsieur ! pas de gestes !… je trouverai bien ! merci ! Sale gosse, va !
(Ils sortent.)

VAN PUTZEBOUM(qui s'est levé sur le départ d'Adonis et l'a suivi des yeux, à Etienne qui se lève également pour se dérouiller les jambes. )
Où c'est ça qu'ils vont donc?

ETIENNE
Rien, c'est la petite qui… Il achève sa phrase à l'oreille de Van Putzeboum.

VAN PUTZEBOUM
Ah ! oui, oui… Meneken !… Meneken… pssse !…

ETIENNE
Vous y êtes.

VAN PUTZEBOUM(joyeux et prenant le bras d'Etienne. )
Oh ! ça est tout de même un mariage vraiment parisien !
(Ils gagnent l'extrême gauche.)

MARCEL(étalé dans son fauteuil, après un temps, regardant sa montre. )
C'est pas pour dire, mais il nous fait poser, Toto Béjard.

AMÉLIE
Tu parles !… et moi, tu sais… je veux bien qu'on s'épouse, mais faut pas oublier que j'ai rendez- vous à quatre heures à la maison avec le prince.

MARCEL
A quatre heures?… Oh ! bien, tu as de la marge.

AMÉLIE
C'est que, depuis le temps que je la fais droguer, la malheureuse… !

MARCEL
Quelle… "malheureuse"?

AMÉLIE
Eh ! ben, Son Altesse !… C'est du féminin.

MARCEL
Ah?… C'est juste !

MOUILLETU(montant sur l'estrade. )
Voici Monsieur le Maire.
(Il descend se mettre à la table la plus près de l'avant-scène tandis que Van Putzeboum et Etienne regagnent vivement leurs places.)

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