Acte II - Scène IX
(LES MÊMES , POCHET , PUIS KOSCHNADIEFF)
POCHET
Voilà ! elle a choisi.
LE PRINCE
Ah ! très heureux ! (Koschnadieff à ce moment sort de la chambre de droite.)
Ah ! Koschnadieff !
KOSCHNADIEFF(s'arrêtant 4 sur le pas de la porte du cabinet de toilette. )
Altessia?
LE PRINCE
Moïa marowna ! Tetaïeff polna coramaï momalsk scrowno? (Avance un peu ! A-t-on trouvé le costume voulu?)
KOSCHNADIEFF
Stchi ! A spanié co ténia, Monseigneur, co rassa ta swa lop ! (Certes ! un costume tailleur, Monseigneur, qui lui va comme un gant.)
LE PRINCE
Très bien !
LE GÉNÉRAL(la main à son front, dans l'attitude militaire. )
Swoya Altessia na bouk papelskoya mimi? (Votre Altesse n'a plus besoin de moi?)
LE PRINCE
Nack. (Le général redescend.)
. Woulia mawolsk twarla tschikopné, à la logeur là, euh !… (Voulez- vous donner au logeur, là, euh !…)
MARCEL(entendant qu'on parle de lui. )
Ca y est ! v'lan ! "le logeur" !
LE PRINCE
… Quantchi prencha. (Vingt francs ! Il gagne l'extrême gauche.)
LE GÉNÉRAL
Oh ! stchi ! (Oh ! oui ! Il fouille dans sa poche de gilet, en tire sa bourse et y prend vingt francs.)
MARCEL(à Pochet. )
Qu'est-ce qu'il dit encore de moi? Qu'est-ce qu'il dit?
LE GÉNÉRAL(mettant un louis dans la main de Marcel. )
Quantchi prencha; voilà !
MARCEL(ahuri. )
Qu'est-ce que c'est que ça !
POCHET(facétieux. )
Prenchi, prencha; c'est un louis.
MARCEL
Un louis ! (Au prince.)
Eh ! ben, qu'est-ce que vous voulez que j'en fasse?
LE PRINCE
Pour le logement donc !
MARCEL
Comment, pour le logement ! Ah çà ! Son Altesse plaisante?
LE PRINCE
Quoi? Quoi? C'est cinq francs, je vous donne vingt !
LE GÉNÉRAL
On vous donne vingt !
MARCEL(allant vers le prince, en passant devant le général. )
Hein? Mais justement ! mais pas du tout !… Je ne veux pas ! en voilà une idée.
LE PRINCE
Comment ! Quoi? Qu'est-ce que?
MARCEL(s'échauffant et voulant absolument forcer le prince à reprendre son louis. )
Mais je ne suis pas tenancier ! reprenez ça !
LE PRINCE(scandalisé de ce sans-façon vis-à-vis de lui. )
Eh là ! eh là !
LE GÉNÉRAL(saisissant Marcel par le bras et le faisant passer. )
Quelles sont ces façons !… Quand son Altesse… !
POCHET(même jeu, le faisant passer. )
Eh ! Ne compliquez pas !…
MARCEL(furieux. )
Mais je ne veux pas de son louis, moi !
POCHET(lui prenant le louis des mains. )
Eh ! bien, ce n'est pas une raison pour faire tant d'histoires. (Au prince, la main qui tient le louis tendue vers lui comme pour le lui rendre.)
Excusez-le monseigneur !… ce manque d'usage… ! (Il met le louis dans son gousset.)
Ah ! là, là !
LE PRINCE(de loin à Marcel. )
Je suis très mécontent, vous savez ! Jamais, entendez-moi ! jamais, je ne reviendrai plus chez vous.
POCHET(à Marcel. )
Là !…
MARCEL(à part. )
Tu parles !
LE PRINCE
Et maintenant, allez ! je vous ai assez vu !
MARCEL
Que je m'en aille?
POCHET(abondant dans le sens du prince par flagornerie. )
Oui, allez-vous-en ! ça vaut mieux. (Au prince.)
N'est-ce pas?
LE PRINCE
Oui !… Et vous aussi.
POCHET
Ah ? Et moi aussi ?
LE PRINCE
Allez ! tous les deux !
POCHET
Bon !… bon, bon !…
MARCEL(se tordant d'un rire nerveux. )
Aha ! C'est le comble… Il me fiche à la porte de chez moi !…
POCHET
;(prenant le bras de Marcel. )
Allons-nous-en, alors, puisqu'y dit… !
(Ils se dirigent tous deux bras-dessus bras-dessous vers le cabinet de toilette.)
LE PRINCE(criant à les faire sursauter. )
Non !
POCHET ET MARCEL(se retournant au cri. )
Quoi?
LE PRINCE
Pas par là !… j'ai loué !…
MARCEL(rebroussant chemin ainsi que Pochet. Avec le même rire: )
Il a loué ! Ca devient comique ! Ma parole, ça devient comique !…
POCHET(à Marcel. )
Où va-t-on alors?
MARCEL
Je ne sais pas !… Allons à la lingerie.
POCHET
Allons à la lingerie !… On comptera le linge !…
MARCEL
C'est ça ! on comptera le linge.
(Ils sortent par le fond.)
LE GÉNÉRAL(la main à son front, au prince qui arpente nerveusement la chambre.)
Swoya Altessia na jabo dot schalipp as madié? (Votre Altesse n'a pas d'ordres à me donner?)
LE PRINCE(s'arrêtant, et après une seconde d'hésitation. )
Nack. (Non.)
LE GÉNÉRAL
Lovo, sta Swoya Altessia lo madiet, me pipilski teradief. (Alors, si Votre Altesse le permet, je vais me retirer.)
LE PRINCE
Bonadia Koschnadieff ! (Bonjour, Koschnadieff.)
LE GÉNÉRAL
Arwalouck, Motjarnié ! (Au revoir, Monseigneur. Sortie du général.)