Acte II - Scène XV
(LES MÊMES , MOINS VAN PUTZEBOUM .)
MARCEL
Ouf ! crampon, va ! (A Etienne.)
Hein, crois-tu?
AMÉLIE
Le v'là revenu !
ETIENNE(faisant l'innocent. )
Mais oui, j'en suis baba ! Qu'est ce qu'il fait ici? Je le croyais en Hollande.
MARCEL
Ah ! mon ami, ne m'en parle pas !
AMÉLIE
Il rapplique pour notre mariage.
ETIENNE(feignant de tomber de son haut. )
Qu'est-ce que vous dites?
POCHET
Et il vient assister à la cérémonie.
AMÉLIE ET MARCEL
Oui !
ETIENNE
Oh ! nom de nom ! Oh ! mes pauvres enfants ! (A Marcel.)
Mais alors, tu es flambé?
MARCEL(avec un geste découragé. )
Ah !… à moins d'un miracle…
(Il va s'adosser contre le pied du lit.)
POCHET
… c'est dans le lac !
ETIENNE
Oh ! mais pas du tout ! Il ne s'agit pas de se laisser abattre. Il faut trouver une solution ! Ce miracle, il faut l'accomplir !
MARCEL
Mais quoi ? Quoi?
AMÉLIE
Comment veux-tu ?
ETIENNE
Ah ! je ne sais pas ! Mais il ne sera pas dit que je laisserai un ami… (avec intention)
un bon ami comme toi dans l'embarras.
(Et ce disant il serre la main de Marcel à le faire crier.)
MARCEL(ne pouvant réprimer un petit cri de douleur. )
Aha ! (Tout en faisant manœuvrer ses phalanges endolories.)
Ce cher Etienne !
ETIENNE(avec un sourire qui en dit long. )
Oui ! mon vieux !… (Changeant de ton.)
Bien, ma foi, je ne vois qu'une chose : Il veut assister au mariage. Eh bien ! ce mariage… (avec énergie)
il faut le lui donner !
MARCEL(quittant le pied du lit et descendant vers Etienne. )
Hein ! Tu veux que j'épouse Amélie?
AMÉLIE
Tu veux me marier à Marcel?
MARCEL
Ah ! non ! J'aime bien Amélie, mais de là à l'épouser !…
POCHET(avec dignité et comme un argument sans réplique. )
Quoi ! J'ai bien épousé sa mère !
MARCEL
Ah ! Je ne vous dis pas, mais Amélie !… Ah ! non !
ETIENNE
Mais, là ! là !, il ne s'agit pas de ça ! Ah ! bien, merci ! te donner Amélie ! elle, si bonne !… si droite !… si fidèle !…
(Sur chaque qualificatif, il donne un baiser à Amélie, avec plus l'envie de la mordre que de l'embrasser.)
AMÉLIE(sur les mots "si fidèle", gênée. )
Tais-toi ! Tais-toi !
MARCEL
Oui, tais-toi !
ETIENNE(se complaisant à tourner le fer dans la plaie. )
Non, non ! je tiens à le dire !… Eh bien ! de quoi s'agit-il? De rouler ton parrain? Eh bien ! on le roulera. (Prenant Amélie et Marcel par la main et les faisant descendre quelque peu.)
Et voici !… ce que je propose:
TOUS(anxieux. )
Quoi, quoi?
ETIENNE(à Marcel. )
Nous allons à la mairie avec Putzeboum, de façon qu'il assiste à tout ; nous publions les bans.
MARCEL(avec un sursaut de surprise. )
Pour de vrai?
ETIENNE
Pour de vrai.
AMÉLIE
Mais alors… c'est le mariage.
ETIENNE
Mais non ! c'est les formalités… obligatoires du mariage, mais ça ne le rend pas obligatoire pour ça ! ton parrain est convaincu : désormais il est à nous.
AMÉLIE ET MARCEL(ne comprenant pas. )
Oui !
POCHET(avec admiration. )
C'est épatant !
MARCEL ET AMÉLIE
Quoi ?
POCHET(interloqué. )
Hein?… Je ne sais pas !… ce qu'il a trouvé.
MARCEL(haussant les épaules. )
Ah ! là !…
AMÉLIE
Voyons, papa !
MARCEL
Allez, circulez !
ETIENNE
Suis-moi bien !… A la mairie même, pour la date fixée, je loue la salle des fêtes.
TOUS
Oui.
ETIENNE
Bon ! J'ai loué ; je suis chez moi ; je fais ce que je veux !
TOUS
Oui.
ETIENNE
Bien ! Je prends un ami à moi; tiens : un de la Bourse; Toto Béjard, par exemple.
MARCEL
Toto Béjard?
ETIENNE
Oui ! tu ne connais pas (à Pochet et Amélie)
; vous ne connaissez pas.
POCHET
A la Bourse, je connais Chaminet.
ETIENNE
Oui, eh bien ! c'est pas lui. (Reprenant son exposé.)
Je dis à Toto Béjard, qui est un blagueur à froid…, je lui dis: "Tu vas être le maire !" Il ceint l'écharpe; et dès lors, devant ton parrain réuni, nous célébrons ton mariage avec Mlle Amélie d'Avranches ici présente et couverte d'oranger.
TOUS(ravis et sautant de joie. )
Ah ! Ah ! Ah ! bravo !
(Marcel, Amélie et Pochet font une ronde bruyante et joyeuse autour d'Etienne.)
ETIENNE(pendant qu'ils dansent autour de lui, avec des hochements de tête et des sourires significatifs. )
Oui, mon vieux ! Danse ! danse !
MARCEL(serrant les mains d'Etienne avec effusion. )
Ah ! Etienne, tu me sauves la vie ! Quel ami ! ah ! quel ami !…
ETIENNE(sardonique. )
Mais… autant que tu en es un, toi-même.
MARCEL
Ah ! comment te remercier !
ETIENNE
Laisse donc !… Tu me remercieras plus tard !(Reprise de la ronde autour d'Etienne.) ( RIDEAU)