Acte de mariage - Scène VI



(LES MÊMES , VAN PUTZEBOUM)

VAN PUTZEBOUM
Ah ! te voilà, filske ! Je te demande pardon que je te relance ainsi donc ; mais une dépêche ça j'ai reçu qu'il faut que je parte ce soir. Alors, je t'apporte vite le chèque.

MARCEL
Le chèque ?…

VAN PUTZEBOUM
Du fidéicommis donc ! Tu as rempli les conditions, voilà l'argent: douze cent mille francs de principal, plus les intérêts composés: deux cent septante mille nonante-trois francs et cinq.

MARCEL(un peu déconcerté par ce flux de chiffres. )
Quoi ? Quoi ?

VAN PUTZEBOUM(lui remettant le chèque. )
Oh ! ça est le compte ! ça est le compte !

MARCEL(jetant un coup d'oeil sur le chèque.)
… Nonante-trois francs et cinq… Oui, oui !… c'est parfait !

AMÉLIE(paraissant à la porte du cabinet de toilette. )
Ah ! le parrain !
(Elle descend n° 3)

MARCEL(qui a aperçu Amélie. )
Et maintenant, mon parrain, j'ai l'honneur de vous annoncer…

VAN PUTZEBOUM(s'inclinant d'avance. )
Compliments, hein donc !

MARCEL
Non ! non !

VAN PUTZEBOUM(rengainant ses félicitations. )
Ah ?

MARCEL
mon prochain divorce avec Mademoiselle Amélie d'Avranches, femme Courbois, que j'ai surprise en flagrant délit d'adultère avec M. Etienne de Milledieu, mon meilleur ami.

VAN PUTZEBOUM
Hein ?

MARCEL(à Amélie. )
N'est-ce pas?

AMÉLIE
Absolument.

VAN PUTZEBOUM(voulant reprendre le chèque que Marcel tient toujours à la main. )
Ah ! mais alors…

MARCEL(écartant la main de Van Putzeboum et mettant le chèque dans la poche intérieure de son habit. )
Ah ! pardon, parrain !… Les conditions ont-elles été remplies?

VAN PUTZEBOUM(gauloisement. )
Ca !… Elles ont même été remplies avant.

MARCEL
Alors, ça ne vous regarde plus !
(A ce moment sortent du cabinet de toilette Etienne et le commissaire discutant ensemble.)

ETIENNE
Mais enfin, monsieur le commissaire… ! LE

LE COMMISSAIRE
Non monsieur ! Ça ne me regarde pas ! Ça ne me regarde pas !
(Il a son carnet à la main sur lequel il achève d'écrire.)

MARCEL
Allons, venez, parrain !
(Van Putzeboum et le commissaire sortent et s'arrêtent sur le pas de la porte à la voix d'Etienne.)

ETIENNE(qui est descendu n° 5 )
C'est une infamie ! (A Marcel.)
Tu m'en rendras raison.

MARCEL
A tes ordres. Au revoir, Amélie !
(Il l'embrasse.)

AMÉLIE
Au revoir, Marcel.

ETIENNE(voyant tout le monde sur le point de se retirer. )
Eh bien, et moi, alors, qu'est-ce que je deviens?

MARCEL(prenant Amélie par les épaules et la poussant gaiement vers Etienne. )
Eh bien, mon vieux ! Occupe-toi d'Amélie !
(Il sort précédé par Van Putzeboum et le commissaire.)

ETIENNE(ahuri, se laissant choir sur le canapé. )
Qu'est-ce qu'il a dit?

AMÉLIE(s'asseyant sur ses genoux. )
Occupe-toi d'Amélie !

ETIENNE(confondu. )
Ah ! (RIDEAU)(Ce truc pourrait s'exécuter ainsi que le personnage l'explique lui-même, mais cela aurait plusieurs inconvénients dont le plus grave serait, étant donné l'angle aigu que formait la ficelle autour du pied du lit, de voir cette ficelle se rompre sous l'action du frottement, ce qui rendrait la continuation de l'acte impossible. Voici donc comment il s'effectue: Dans le décor, sous le lit, à gauche dans l'angle formé par le pied et le cadre du lit)
, percer deux trous horizontalement parallèles, distants de cinq ou six centimètres l'un de l'autre et à une hauteur du sol égale à celle du dessous de lit qui doit être de trente-cinq centimètres environ. En regard de ces trous, à chaque traverse du sommier (qui doit être en bois et creux)
, visser deux pitons. A l'envers du couvre-pied ouaté (côté tourné vers la tête du lit)
, à dix centimètres du bord et bien au milieu de ce bord, coudre solidement deux languettes d'étoffe bien résistantes, longues de huit centimètres sur quatre de large et placées parallèlement à cinq ou six centimètres de distance dans le sens de la longueur du couvre-pied. A chacune de ces languettes fixer solidement deux anneaux de rideau (cela fait quatre en tout)
, le second cinq centimètres au-dessus du premier. Avoir deux pelotes de ficelle solide (fouet)
, ayant chacune un peu plus que le métrage nécessaire au trajet de la tête du lit au pied du lit et du pied du lit au cabinet de toilette, intérieurement. De la coulisse, passer chacun de ces fils par chacun des trous percés dans le décor et ensuite par chacun des pitons correspondants du sommier. (Eviter d'emmêler les fils.)
Après quoi, contourner extérieurement le pied gauche du lit avec les deux fils parallèles, les faire monter le long du devant du lit, les passer par-dessus la barre de traverse, les glisser sous le couvre-pied et les attacher chacun d'abord au second anneau, puis au premier anneau (pour lequel on a réservé un peu de fil avant de faire le nœud de sa languette respective. Après quoi, tirer le pied du couvre- pied, de façon qu'il retombe en biais sur le devant du lit, de manière à cacher la ficelle au public et en même temps à permettre à Amélie de tirer la couverture à elle quand elle est sous le lit. Pour le reste, l'accessoiriste chargé de la manœuvre n'a qu'à lâcher du fil quand Amélie s'en va avec la couverture, et à tirer le fil à lui quand il s'agit de faire revenir le couvre-pied. S'assurer que tout fonctionne bien avant le lever du rideau et aussi que les ficelles passées par les pitons ne traînent pas par terre, afin qu'Amélie, quand elle se glisse sous le lit, ne s'empêtre pas dedans. Nota: Il est préférable aussi bien dans l'intérêt du décor dont la toile aurait à souffrir par l'usage que dans l'intérêt même de la manœuvre du fil, de fixer derrière le décor, à l'endroit où il est percé, une petite armature en bois percée également des mêmes trous dans lesquels on aura serti deux oeillets en verre ou en métal, ce qui permettra un glissement plus facile.) (FIN)

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