Acte II - Scène XIII
(CHARLOTTE , VAN PUTZEBOUM , PUIS ETIENNE)
CHARLOTTE
Ah ! C'est bien ! Entrez, monsieur, puisque vous êtes le parrain !
VAN PUTZEBOUM
Eh ! oui donc ! (Entrant et croyant trouver tout son monde.)
Alléï là ! Est-ce qu'on est prêt? (Ne voyant personne.)
Eh bé !… Ma où sont donc?…(Appelant. )
Eh ! la fille !
CHARLOTTE(qui est déjà dans le vestibule, reparaissant.)
Monsieur?
VAN PUTZEBOUM
La file de quartier !
CHARLOTTE(à part, tout en descendant un peu en scène. )
Comment est-ce qu'il m'appelle?
VAN PUTZEBOUM
Où sont donc, qu'il y a personne.
CHARLOTTE
Ah ! Tiens?… On était là tout à l'heure !
VAN PUTZEBOUM
Ma ne sont plus donc !
CHARLOTTE(faisant mine d'aller au cabinet de toilette. )
Je vais voir par là !… (On sonne.)
Oh ! pardon ! on a sonné !
(Elle rebrousse chemin et sort du fond pendant ce qui suit.)
VAN PUTZEBOUM
Bon ! Oui ! Allez !… (Une fois Charlotte sortie, au public.)
Qu'est-ce que tu paries qu'il est encore quéqué part à faire caresse à sa fiancée, donc ! Ah ! ça est un homme de tempérament, mon fileul ! Ça on sait dire !
(Il a gagné jusqu'à l'extrême gauche.)
VOIX D'ETIENNE
Mais oui… mais oui !… inutile de m'annoncer !…
VOIX DE CHARLOTTE
Mais, monsieur !…
VAN PUTZEBOUM
Qu'est-ce que ça est, hein? Cette voix, je connais !
ETIENNE(entrant carrément en scène. )
Bonjour, Marcel ! (Ne rencontrant que Van Putzeboum.)
Ah ! je vous demande pardon !
VAN PUTZEBOUM
Monsieur Chopart !
ETIENNE(qui n'y est pas. )
Quoi?… (Se rappelant.)
Ah ! oui !…
VAN PUTZEBOUM
Et qu'est-ce que vous faites là? Je vous croyais une fois militaire?
ETIENNE(allant poser son chapeau sur la table. )
Libéré ! je suis libéré !… Cause d'oreillons !…
VAN PUTZEBOUM
Tiens ! Tiens !
ETIENNE
Ah ! la belle maladie !
VAN PUTZEBOUM
Oui… et vous venez voir alors votre futur cousin.
ETIENNE(ne comprenant pas au premier moment. )
Mon fut…? Ah ! oui, oui !… Il n'est pas là?
VAN PUTZEBOUM
Si donc ! qu'on a dû le prévenir.
ETIENNE
Mais, vous-même? Amélie m'avait écrit que vous étiez reparti en Hollande.
VAN PUTZEBOUM
Oui ! parti, ça j'étais !… mais aussi revenu, ça je suis.
ETIENNE
Ah !
VAN PUTZEBOUM
Oui… Ça me cause une fois beaucoup de dérangement hein, donc ! mais j'ai pensé que ça ferait peut-être de la peine à Marcel si je n'assistais pas pour son mariage.
ETIENNE(ahuri. )
Hein?
VAN PUTZEBOUM
Et alors, en souvenir de son père donc, je me suis arrangé pour; et alors, voilà; pour le mariage je reste.
ETIENNE(à part. )
Oh ! nom de nom de nom ! (Haut.)
Et Marcel ! Marcel, qu'est-ce qu'il dit de ça?
VAN PUTZEBOUM
Marcel? Oh ! Ça l'a profondément touché, savez-vous !…
ETIENNE(n'en croyant pas ses oreilles. )
Ah ? Aha !
VAN PUTZEBOUM
Oui ! Ça j'ai senti !
ETIENNE(à part. )
Oh ! le malheureux ! Quel pétrin, mon Dieu ! quel pétrin !
VAN PUTZEBOUM
Et c'est dans trois semaines le mariage, il paraît.
ETIENNE(de plus en plus ahuri. )
Aha !
VAN PUTZEBOUM
Oui. (Avec malice.)
Et même que je pense que ça n'est pas trop tôt, donc… (Riant.)
parce que…
ETIENNE(dressant l'oreille. )
Parce que quoi?
VAN PUTZEBOUM(faisant le discret. )
Hein? Non, rien… Ça te dire je sais pas !…
ETIENNE(flairant la vérité. )
Quoi?… Mais si, mais si, quoi?
VAN PUTZEBOUM
Non, non ! Je ne sais pas ! Il m'a fait promettre que je dise à personne.
ETIENNE
Oh ! oui, oui !… Mais, voyons ! à moi…
VAN PUTZEBOUM
Oui, ça est vrai !… A toi… Toi tu n'es pas tout le monde ! Je sais ! Tu es son meilleur ami ; il te vous dit tout; alors… comme il te vous le dira aussi bien, n'est-ce pas?
ETIENNE(sur les charbons. )
Mais évidemment, évidemment !
VAN PUTZEBOUM
Oui, mais seulement tu promets que tu le dis à personne?
ETIENNE(rongeant son frein. )
Mais oui ! mais parbleu, voyons !
VAN PUTZEBOUM
Ah ! Parce que, tu comprends, ça ferait des ruses avec Marcel, et moi je ne veux pas des ruses, hein donc !
ETIENNE(même jeu. )
Bien oui ! Bien oui !
VAN PUTZEBOUM
Eh ! bé… Ça je te dis bien entre nous: je crois qu'il est assez bien temps qu'on les marie !…
ETIENNE
Hein?… Pourquoi?
VAN PUTZEBOUM
Mais parce qu'il ne peut plus attendre, donc ! et la petite aussi !… (Ravi.)
Et que les tourtereaux, ils ont déjà profité sur !
ETIENNE(bondissant. )
Qu'est-ce que vous dites?
VAN PUTZEBOUM
… même que tout à l'heure je les ai trouvés couchés dans le lit, là !…
ETIENNE
Dans le lit !
VAN PUTZEBOUM
Oui… elle est fameuse ! hein?
ETIENNE(éclatant. )
Ah ! n… de D… !
VAN PUTZEBOUM(faisant un bond en arrière. )
Qu'est-ce qu'il y a?
ETIENNE(le saisissant au collet et le secouant comme un prunier. )
Vous les avez trouvés couchés dans le lit ?… Vous les avez trouvés couchés dan le lit?…
VAN PUTZEBOUM(cherchant à se dégager. )
Hein ! Mais laisseï-moi !…
ETIENNE(même jeu. )
Vous les avez trouvés…
VAN PUTZEBOUM(se dégageant d'un geste brusque. )
Mais qu'est-ce que ça vous fait donc?
ETIENNE(remontant avec rage. )
Ah ! les cochons ! les cochons ! les cochons !
VAN PUTZEBOUM
Mais puisqu'ils font mariage, alleï ! Qu'est-ce que ça sait une fois te faire?…
ETIENNE
Quand je pense que j'avais confiance en lui !… Que je lui avais laissé Amélie en me disant: "Avec lui je peux être tranquille !…"
VAN PUTZEBOUM
Ah ! Godferdom ! Ah ! bien, si j'avais su savoir !
ETIENNE(redescendant à proximité de Van Putzeboum. )
Et voilà… voilà ce qui se dit un ami !…
VAN PUTZEBOUM(piteux et suppliant. )
Chopart ! voyons Chopart !
ETIENNE(avec une brusquerie furieuse qui fait bondir Van Putzeboum en arrière. )
Ah ! fichez-moi la paix avec votre Chopart ! Il n'y a plus de Chopart ! (Arpentant la scène.)
Ah ! les cochons ; les cochons ! les cochons !
VAN PUTZEBOUM
Mais comme il est pointilleux pour sa cousine, donc !
ETIENNE(qui est arrivé au lit. )
Je n'ai pas plutôt le dos tourné qu'on les trouve cou-chés-en-sem-ble !
(Il scande chaque syllabe des deux derniers mots d'un coup de poing rageur sur le matelas du lit.)
VAN PUTZEBOUM
Non… écoute donc ! écoute !… Il ne faut pas tout de même juger comme ça…
ETIENNE
Ouais ! Ouais !
VAN PUTZEBOUM
Après tout, s'ils étaient couchés, peut-être que…
ETIENNE(le narguant. )
Que quoi ? que quoi ?
VAN PUTZEBOUM(bien bête. )
Mais, je ne sais pas dire ! Ils étaient peut-être fatigués !…
ETIENNE(L ' IMITANT .)
Fatigués ! fatigués !… Ah ! Ah ! C'est vous qui m'avez l'air fatigué !… Oh ! mais ça ne se passera pas comme ça !… Oh ! ils me le paieront !
(Tout en parlant, il a gagné l'extrême droite.)
VAN PUTZEBOUM
Hein? Ah ! non ! non ! écoute ça, non !… Ah ! bien ! Si j'avais su !… Ecoute ! qu'est-ce que tu m'as promis; que, si je te disais, tu ne dirais à personne !…
ETIENNE(avec un ricanement nerveux. )
Ah ! ah ! c'est ça qui m'est égal !
(Il remonte par l'extrême droite pour redescendre ensuite par le milieu de la scène.)
VAN PUTZEBOUM(remontant parallèlement à lui de l'autre côté de la table, puis redescendant ensuite avec lui.)
Ah ! non ! non ! Ça elle est mauvaise !… Ça est me mettre dans les patates, tu sais, et ça, je veux pas !…
ETIENNE(arpentant sans l'écouter. )
Oh ! les cochons ! les cochons !
VAN PUTZEBOUM
Ecoute, Chopart ! ça tu ne sais pas faire !… J'ai fait un pataquès… j'aurais pas dû te dire… mais toi aussi, tu sais, tu m'as promis…
ETIENNE
Ouais ! ouais !
VAN PUTZEBOUM
J'ai ta parole, Chopart… ça tu dois pas faire… ça tu dois pas, Godferdom !… Et puis enfin, puisqu'ils font mariage !
ETIENNE(le saisissant par les revers à l'encolure de sa jaquette. )
… mariage !… mariage ! mais espèce de c… (Brusquement, d'un mouvement sec imprimé au revers du veston, envoyant, comme avec un ressort, pirouetter Van Putzeboum au loin, puis comme frappé d'une idée lumineuse.)
Oh ! qu'elle serait pommée, celle-là !
(Il continue à combiner intérieurement.)
VAN PUTZEBOUM(après avoir repris tant bien que mal son équilibre, se rapprochant et, frappant doucement sur l'épaule d'Etienne. )
Chopart ! Voyons ! Réponds !
ETIENNE(se retourne vers lui, le toise une seconde fois, puis comme un homme qui prend une détermination.)
Soit ! vous avez raison ! Je vous ai promis ! c'est bien ! je ne dirai rien.
VAN PUTZEBOUM(soulagé d'un poids. )
Ah ! A la bône heûre !
ETIENNE(sardonique. )
Mais comment donc !
VAN PUTZEBOUM
D'autant que je te répète, il n'y a peut-être rien eu !
ETIENNE(même jeu. )
Mais oui ! mais oui !… A la réflexion, parbleu !… Ils n'étaient peut-être que fatigués !
VAN PUTZEBOUM
Mais absolument donc !
ETIENNE(les dents serrées à grincer. )
Mais c'est évident, ces chers petits !
VAN PUTZEBOUM(s'épongeant, tout en gagnant la gauche. )
Ouf ! Je suis tout en chaud, moi !
(Ne pas prononcer le t final de "tout".)
ETIENNE(à part. )
Ah ! saligauds !… Ah ! vous me le paierez ! et… bien !…
(Il ponctue le dernier mot d'un geste du poing plein de menace.)
VAN PUTZEBOUM(à part. )
Heureusement qu'au fond il est gôbeur !