ACTE III - SCENE II



LES MEMES, AUGUSTE.
(AUGUSTE entre vivement comme un homme qui se sait attendu avec impatience.)

SOPHIE (anxieuse, allant au-devant de lui.)
Ah ! Auguste… Eh bien ?

AUGUSTE (son chapeau melon à la main, avec un air navré.)
Eh ! bien… rien, Madame.

SOPHIE
Rien ?

AUGUSTE
Non !… J'ai bien fait tout ce que Madame m'a dit : D'abord, la tournée des restaurants ; tous fermés !… Chez Maxim, j'ai trouvé des garçons qui balayaient… et un pochard qu'on balayait… (Sur un mouvement de SOPHIE, d'un air désolé.)
Ce n'était pas Monsieur…(SOPHIE pousse un soupir.)
De là, j'ai été, comme Madame m'a dit, à la Préfecture ; j'ai fait la déclaration… au bureau des objets perdus…

SOPHIE (qui adossée à la table, écoute effondrée ce rapport, redressant une tête effarée.)
Comment, des objets perdus ?

AUGUSTE (calme, mais d'une voix triste.)
Oui, c'est le même bureau aujourd'hui… Pour cause d'économie du gouvernement, on a réuni les deux services ; comme c'est dans le même ordre d'idées… ! De là, j'ai été à la morgue…

SOPHIE (anxieuse.)
Ah ?

AUGUSTE
On n'y avait pas encore vu Monsieur.

SOPHIE (avec un soupir de soulagement.)
Ah ! tant mieux !

AUGUSTE (en manière de consolation.)
Mais enfin, on m'a dit qu'il ne fallait pas désespérer, qu'il était encore de bonne heure !… (Sophie lève les yeux au ciel, en poussant un nouveau soupir, il fait un pas comme pour remonter, puis s'arrêtant dans la position de biais où il est.)
Alors, j'ai laissé le signalement de Monsieur : taille ordinaire… nez moyen… parlant couramment le français, l'anglais, l'espagnol… (Nouveau pas pour remonter, nouvel arrêt.)
J'ai donné le numéro du téléphone, en cas qu'on aurait la chance…

SOPHIE (traversant la scène, et sur un ton désolé.)
C'est bien ! Merci, mon pauvre Auguste !…(On sonne.)
On a sonné !…

AUGUSTE (avec l'espoir dans les yeux.)
C'est peut-être Monsieur !

SOPHIE (sans aucune illusion, se laissant tomber sur le canapé.)
Non, il a sa clé… Ce doit être M. Belgence. Vous le ferez entrer.

AUGUSTE
Oui, Madame.
(Il sort.)

SOPHIE (sans grand espoir.)
Toujours rien, Marthe ?

MARTHE (du balcon, d'une voix douloureuse.)
Rien, Madame… Ça, c'est la vérité… je dirais le contraire que je mentirais.
(Elle continue sa surveillance avec faculté de disparaître par moment aux yeux du public.)

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