ACTE I - SCENE IX
FRANCINE, MASSENAY.
(Un temps pendant lequel FRANCINE regarde son mari s'en aller, tandis que MASSENAY, debout à l'angle du piano et du canapé, et tournant le dos à FRANCINE, manipule un bibelot quelconque comme un homme qui occupe son attente.)
FRANCINE (brusquement et toute radieuse, aussitôt que la porte est retombée sur CHANAL.)
Tu as loué l'entresol ?
MASSENAY (se retournant à sa voix.)
Oui.
FRANCINE (se précipitant dans ses bras.)
Ah ! chéri ! chéri ! comme c'est gentil!…
MASSENAY
Dis que ce n'est pas une bonne idée ?… Je t'ai vue si troublée hier d'être venue chez moi, rue du Colisée ; si tremblante à penser que peut-être on t'avait aperçue…
FRANCINE
Et comme j'avais raison !… Regarde un peu : Juste un ami de mon mari qui demeure dans la maison.
MASSENAY
Non ?
FRANCINE
Oui !… et qui est venu tout à l'heure… Il m'a vue entrer ou sortir… alors, la fâcheuse gaffe !… heureusement, mon mari n'y a pas fait attention : mais vois-tu tout de même si…
MASSENAY (rétrospectivement angoissé.)
Ne m'en parle pas! Oh! mais maintenant plus rien de tout cela à craindre !… plus de risque d'être vue, d'être compromise ; (Appuyant sur chaque mot souligné.)
tu n'auras plus à sortir de chez toi, nous nous aimerons, ici !… dans la maison. C'est bien plus pratique !
(Il l'embrasse dans le cou.)
FRANCINE (pendant qu'il l'embrasse.)
Oh ! oui ! Et plus convenable pour mon mari !… Oh ! mon chéri, que je t'aime !
MASSENAY
Ma Francine !
(On frappe à la porte de gauche, les deux personnages s'écartent brusquement l'un de l'autre, vont s'asseoir, MASSENAY sur le canapé, FRANCINE à gauche de la table, et prennent l'air correct de gens en visite, puis)
FRANCINE (d'une voix détachée.)
Entrez !
(La porte s'entrebâille et COUSTOUILLU s'insinue timidement.)
MASSENAY (de sa place, comme s'il poursuivait une conversation commencée.)
Il est certain qu'aux Galeries Lafayette… le sort des demoiselles de magasin…