MASSENAY, FRANCINE, HUBERTIN sous la couverture, puis COUSTOUILLU.
FRANCINE (qui est allée à leur suite jusqu'à la porte, la refermant avec violence; puis, sur place, se retournant vers MASSENAY effondré sur son canapé. Bien posément, bien amère, en se croisant les bras.)
Eh! ben?…
MASSENAY (écartant de grands bras.)
Eh! ben?…
FRANCINE (redescendant.)
Vous pouvez vous vanter de m'avoir mise dans une jolie situation.
MASSENAY (tout penaud.)
Ma chère amie, je suis désolé!…
FRANCINE (remontant jusqu'au meuble d'appui où elle va chercher son chapeau.)
Ah! "je suis désolé" ! Si vous trouvez que ça arrange quelque chose !
MASSENAY
Bien oui, je sais bien, mais qu'est-ce que vous voulez?
(Il se remet à essayer de se chausser.)
FRANCINE (redescendant jusqu'au-dessus du canapé, son chapeau à la main, prête à le mettre.)
Eh ! mon cher ami, quand un galant homme a en mains l'honneur d'une femme, c'est le moins qu'il lui doive de le sauvegarder.
MASSENAY (tout à ses souliers.)
Mais qu'est-ce que je pouvais faire?
FRANCINE
Ah! tenez, vous m'agacez!… Mais, finissez donc de mettre vos souliers, voyons!… Si vous n'avez pas de corne, prenez une fourchette…
(Ayant mis son chapeau, elle pique nerveusement dedans son épingle à chapeau.)
MASSENAY
Mais oui! C'est une idée!
FRANCINE
Mais dame! Enfin, c'est élémentaire.
MASSENAY (se levant et se dirigeant vers le cabinet de toilette avec une démarche ridicule, due à ses souliers non enfoncés.)
Une fourchette? J'en ai par là!
FRANCINE (le montrant, avec un geste de dédain.)
Ah ! la la, regardez-moi ça. (MASSENAY est sorti.)
Ça veut être un amant et ça ne sait même pas qu'on peut se chausser avec une fourchette.
(Elle remonte au fond et passe son manteau en se plaçant de façon à tourner le dos à HUBERTIN pendant le jeu de scène suivant.)
HUBERTIN (à moitié endormi, sortant sa tète de dessous le couvre-pied.)
Mon Dieu qu'on est mal dans ce fauteuil.
(Il prend le parti de se lever; pour ce faire, de ses deux bras tendus au-dessus de sa tête, il bran- dit le couvre-pied qu'il tient par les deux extrémités d'un des côtés, de façon à s'en faire de dos un grand bouclier derrière lequel il disparaît… Ainsi il grimpe sur le lit et s'y étale sur le ventre complètement recouvert par la couverture.)
FRANCINE (qui a achevé de mettre son manteau, se dirigeant vers la porte de sortie.)
Ah ! quelle expiation ! Quelle expiation ! (Elle a ouvert la porte et va s'en aller, quand, s'arrêtant.)
Mais enfin qu'est-ce qu'il fait, voyons? (Laissant le battant ouvert et descendant par l'extrême- droite jusqu'à proximité du cabinet de toilette.)
Enfin, y êtes-vous?
VOIX DE MASSENAY
Voilà! voilà!
FRANCINE (lasse d'attendre.)
Ah ! non, mon ami, non ! je descends; vous me rejoindrez dans l'escalier!
(Elle remonte vers le fond et arrivée à la porte, se cogne dans COUSTOUILLU qui fait irruption.)
COUSTOUILLU
Vous !
FRANCINE (affalée contre le chambranle de la porte et comprimant les palpitations de son cœur.)
Oh! c'est bête! vous m'avez fait une peur !
COUSTOUILLU (avec des larmes dans la voix.)
Vous!… vous!…
FRANCINE
Eh bien, oui, moi! Qui vous a dit que j'étais ici?
COUSTOUILLU (avec des larmes dans la voix.)
Votre mari… il m'avait dit… va!… va la retrouver, 21, rue du Colisée… Alors, à l'instant en bas… il m'a dit : elle est là-haut… avec son… avec son… amant… Oh!
(Il se met à sangloter.)
FRANCINE (qui n'est pas en humeur de faire du sentiment.)
Ah ! non, mon ami, non! pas de nerfs, j'ai assez des miens!…
(Elle sort vivement.)
COUSTOUILLU (voulant la suivre.)
Madame !…
FRANCINE (lui fermant la porte sur le nez.)
Au revoir !
(Elle sort.)
COUSTOUILLU (désespéré gagnant le milieu de la scène.)
Oh! Un amant ! elle avait un amant ! Ah ! si je le tenais !… (A ce moment ses yeux tombent sur le lit près du pied duquel il est, et il gagne entre la cheminée et le lit à hauteur du milieu de ce dernier. Avec rage.)
Et dire que c'est là!… là!… là! (A chaque "là! ", il donne un coup de poing sur les reins d'HUBERTIN dissimulé sous le couvre- pied. Soudain le couvre-pied se dresse au grand ébahissement de COUSTOUILLU qui a un mouvement de recul, et HUBERTIN surgit, à genoux sur le lit.)
HUBERTIN
Oh! What is it?
COUSTOUILLU
Hubertin! son amant! (Il prend du champ et appliquant un soufflet sur la joue d'HUBERTIN. ')
Tiens!
HUBERTIN
Oh!… god damn!
(Il n'a pas plus tôt proféré ce juron qu'il tire un coup de revolver sur COUSTOUILLU qui détale affolé.)
COUSTOUILLU (se sauvant.)
Oh ! là, là ! Oh ! là, là !
(Pendant ce temps HUBERTIN s'est mis debout sur le lit et tire aussitôt un second coup de revolver sur COUSTOUILLU au moment où il disparaît par la porte. Après quoi, ramassé sur lui-même comme le chasseur aux aguets, il attend.)
MASSENAY (accourant.)
Hein! Il tire encore! (Nouveau coup de revolver.)
Au secours ! au secours ! (Il se sauve en courant, passe devant le canapé, saisit au passage le pardessus et le chapeau qui y sont, remonte toujours courant par le milieu de la scène et gagne la porte en se faisant aussi petit que possible et en s'abritant la nuque avec son chapeau.)
Ah ! quelle nuit !
(Au rappel, quand le rideau se relève, HUBERTIN est toujours sur le lit, dans la même position de chasseur aux aguets, et quand FRANCINE, MASSENAY et COUSTOUILLU viennent saluer le public, il décharge une dernière fois son revolver sur ces personnages qui se sauvent en débandade.)
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