ACTE II - SCENE XIV
CHANDEBISE (du haut de l'escalier. )
Le… le fou est parti ?… (Descendant tout en parlant.)
Ah ! là, là !… Qu'est-ce que j'ai pris ! Ah ! bien, si c'est comme ça qu'il accueille la clientèle, on ne doit pas revenir deux fois !… Quel énergumène ! (Allant jusqu'à la patère à laquelle FERRAILLON avait accroché ses vêtements.)
Ah !… Eh ! bien… et ma jaquette ?… et mon chapeau qu'il avait accrochés là ?… Eh ! bien, qu'est-ce qu'ils sont devenus ?…
(Il cherche par terre, autour de lui. Sur ces derniers mots, du haut de l'escalier qu'ils descendent quatre à quatre, surgissent RAYMONDE et TOURNEL.)
RAYMONDE (tout en dégringolant l'escalier. )
Nous l'avons dépisté !… Vite, une voiture !…
TOURNEL (id., à la suite de RAYMONDE. )
Ah ! bien, tenez, voilà le garçon !
RAYMONDE
Ah ! oui, le garçon !
CHANDEBISE (toujours penché, cherchant ses effets. )
Ah ! bien, celle-là, par exemple !…
RAYMONDE (arrivée à CHANDEBISE qui lui tourne le dos. )
Vite ! Poche, une voiture.
CHANDEBISE
Quoi ?
TOURNEL
Une voiture !
CHANDEBISE (, bondissant à la vue de RAYMONDE. )
Ma femme !
TOURNEL
Hein !
RAYMONDE (bondissant. )
Mon mari ! C'était lui ! C'était lui !
(Elle se sauve éperdue.)
CHANDEBISE
Et Tournel avec elle !
TOURNEL (médusé. )
C'était lui !
CHANDEBISE (sautant à la gorge de TOURNEL. )
Qu'est-ce que tu fais ici, hein ? Qu'est-ce que tu fais ici avec ma femme ?
(Les deux mains au collet, il le fait pirouetter de façon à l'envoyer à sa gauche.)
TOURNEL (à moitié étranglé. )
Mais, mon ami, tu le sais.
CHANDEBISE
Quoi ? quoi ?
TOURNEL
Nous t'avons expliqué tout à l'heure.
CHANDEBISE (l'acculant contre la banquette sur laquelle la perte de l'équilibre le fait s'effondrer. )
Quoi ! tu m'as expliqué… (Le secouant.)
Veux-tu me répondre, hein ? Veux-tu me répondre ?…
TOURNEL (effaré. )
Allons ! Voyons ! Allons ! Voyons !
FERRAILLON (sortant en coup de vent de la chambre. )
Ah ! çà ! vous n'avez pas bientôt fini ce potin ? (Il attrape CHANDEBISE par le bras droit et l'envoie ainsi à l'extrême gauche. TOURNEL libéré en profite pour détaler au plus vite.)
Poche ! encore Poche !
CHANDEBISE
Le fou !
FERRAILLON (comme dans une scène précédente, lui envoyant un coup de pied à chaque invective. )
Ah ! salaud !
CHANDEBISE (sautant en l'air. )
Eh ! là ! eh ! là !
FERRAILLON (id. )
Animal !
CHANDEBISE (id. )
Oh !
FERRAILLON (id. )
Cochon !
CHANDEBISE (id. )
Allons, voyons !
FERRAILLON
Tu n'en as pas encore reçu assez ?
CHANDEBISE (détalant.)
Si ! Si ! Au secours ! Au fou ! Au fou !
FERRAILLON (courant à sa suite pendant que l'autre grimpe l'escalier au galop. )
Je vais t'en donner du fou, espèce d'ivrogne. Allez ! dans ta turne ! et je t'y enfermerai moi-même et tu y resteras jusqu'à demain matin à cuver ton vin !… Allez ! Allez ! et plus vite que ça !…
(Ils disparaissent à l'étage supérieur, l'un poursuivant l'autre.)