ACTE II - SCENE VII


TOURNEL (sautant hors du lit à la vue de BAPTISTIN. )
Ah !
(Affolé, ahuri, ne comprenant rien à ce. qui lui arrive, pendant un bon moment, il va, vient comme un écureuil en cage avec des regards effarés à droite, à gauche, au lit, comme un homme qui a littéralement perdu le nord.)

BAPTISTIN (entonnant son refrain coutumier. )
Oh ! mes rhumatismes !

TOURNEL (retrouvant sa salive. )
Qu'est-ce que c'est que ça ?

BAPTISTIN
Mes pauvres rhumatismes !

TOURNEL (à BAPTISTIN. )
Qu'est-ce que vous faites là, vous ? D'où sortez-vous ? Par où êtes- vous entré ?

BAPTISTIN (se redressant sur son séant et l'air bien abruti. )
Hein ?

TOURNEL
Et Raymonde !… Raymonde ! Mais où est-elle ? (Courant ouvrir la porte donnant sur le hall, appelant.)
Raymonde! Raymonde ! (A part.)
Personne ! (Il réintègre la chambre dont il laisse la porte ouverte et, tout en gagnant le cabinet de toilette, appelant.)
Raymonde ! Raymonde !
(Il disparaît dans le cabinet de toilette.)

RAYMONDE (sortant comme une folle de la chambre du fond droit où la tournette l'a transportée. )
Qu'est-ce qui s'est passé ?… Où suis-je ? Oh ! mon Dieu ! (Appelant.)
Tournel !
Tournel ! (A part.)
Ah ! Non ! assez ! assez de cet hôtel ! filons ! filons !
(Elle se précipite dans l'escalier. A peine a-t-elle disparu que RUGBY fait irruption hors de sa chambre.)

RUGBY
Alloh ! boy ! (Ne trouvant personne à qui parler)
Nobody here ! (Il est arrivé à la cage de l'escalier, appelant en se penchant par-dessus la rampe.)
Boy ! Boy !

RAYMONDE (surgissant dans l'escalier dont elle a regrimpé les marches quatre à quatre. —)
Ciel ! mon mari !… Mon mari dans l'escalier. (Voyant la porte de RUGBY ouverte, elle se précipite dans la chambre.)

RUGBY (la regarde un instant ahuri, puis sa figure prend un air émoustillé et s'élançant à sa suite. )
Ah ! that's a darling, hurrah !
(Il traverse la scène à grandes enjambées et pénètre dans la chambre dont la porte se referme sur lui.)

POCHE (de l'escalier descendant en scène. )
Je suis bête ! Je ne trouve pas le vermouth ! pas
(étonnant ! Je l'ai donné hier à Baptistin. Appelant en se dirigeant vers la chambre fond droit.)
Baptistin ! Eh !

BAPTISTIN (qui dans son lit, son binocle sur le nez, parcourt son journal. )
Ici !

POCHE (redescend et, sur le pas de la porte.)
Tiens ! t'es là, toi ?… Dis donc, vieux, qu'est que t'as fait du vermouth ?

BAPTISTIN
Dans la chambre à côté… tu sais, sur l'armoire.

POCHE
Ah ! bon.
(Il remonte et entre dans la pièce indiquée.)

TOURNEL (sortant du cabinet de toilette et gagnant le hall après avoir pris en passant son chapeau sur la table. )
Personne ! Enfin, où est-elle ?
(Il remonte dans la direction de l'escalier. A ce moment font irruption de la chambre de gauche RAYMONDE et RUGBY, celle-là luttant pour se dégager de l'étreinte de l'autre.)

RUGBY
Aoh ! darling ! darling ! don't go ! remain with me !

RAYMONDE
Voulez-vous me laisser ! Voulez-vous me laisser, espèce de satyre!

TOURNEL (redescendant. )
Ah ! la voilà !
(A ce moment RAYMONDE, du plat de ses deux mains, a repoussé RUGBY et, prenant du champ, lui envoie une gifle; TOURNEL, qui surgit entre eux, arrive juste à temps pour l'encaisser.)

TOURNEL (se frottant la joue. )
Oh ! encore !

RUGBY
Aoh ! thanks !

TOURNEL (saluant rapidement RUGBY, tout en poussant RAYMONDE dans la direction de la chambre. )
Bonjour, Monsieur !
(RUGBY rentre chez lui en marmonnant, tandis que RAYMONDE, effondrée, a pénétré dans la chambre suivie de TOURNEL.)

TOURNEL (refermant la porte sur lui. )
Ah ! Raymonde ! Raymonde !

RAYMONDE
Ah ! mon ami, c'est trop d'émotion ! Mon mari…

TOURNEL (cependant sans comprendre. )
Oui !

RAYMONDE
Mon mari qui est ici !

TOURNEL (effondré, dit machinalement. )
Oui ! (Comprenant subitement.)
Quoi !…
Chandebise ?

RAYMONDE
Victor-Emmanuel, oui ! déguisé en domestique !… Comment ? Pourquoi ? Je ne sais pas !… Pour nous pincer, c'est sûr !

TOURNEL (affolé. )
Ce n'est pas possible, voyons !…

BAPTISTIN (par acquit de conscience. )
Ah ! mes rhumatismes !… mes pauvres…

RAYMONDE (poussant un cri. )
Ah !

TOURNEL (sursautant. )
Quoi ?

RAYMONDE (indiquant BAPTISTIN. )
Qu'est-ce que c'est que celui-là ? TOURNEL.
Hein !
Où ça ? là ? Je ne sais pas. C'est un malade ! Il a surgi tout à coup !… (A BAPTISTIN.)
Qu'est-ce que vous faites là, vous ?

BAPTISTIN
Mais c'est vous qui m'avez fait venir.

TOURNEL
Moi ?

RAYMONDE (remontant jusqu'au lit. )
Mais enfin, faites-le partir, voyons, faites-le partir.

TOURNEL
Mais absolument !… (A BAPTISTIN.)
Allez ! Allez ! fichez-moi le camp !

BAPTISTIN
Non mais, si je vous gêne, vous savez, pressez sur ce bouton-là… Je retournerai là d'où je suis venu !…

TOURNEL
Ah ! bien sûr, alors !… et que ça ne va pas traîner !
(Il presse sur le bouton gauche du lit.)

RAYMONDE (pendant que la tournette fonctionne. )
Ah ! non ! non ! ça, c'est le comble, par exemple ! introduire des spectateurs !…

TOURNEL
Mais, ma chère amie, ce n'est pas de ma faute !… Je vous assure que…
(Pendant qu'ils discutent, là, en plein au milieu de la scène, devant et tout contre la marche du lit, la tournette a agi, emportant le lit contenant BAPTISTIN pour y substituer l'autre lit sur lequel est assis POCHE, un litre de vermouth à la main.)

POCHE (le coude encore en l'air comme un homme qui a été surpris en train de boire. )
Eh ! là ! Eh ! là ! Eh ! bien, quoi donc ?

RAYMONDE (bondissant à l'extrême droite. )
Dieu !

TOURNEL (bondissant à l'extrême gauche. )
Chandebise!

RAYMONDE
Mon mari ! Je suis perdue !

TOURNEL (allant vivement au lit et les mains jointes, à POCHE qui, toujours assis sur le lit, les considère abruti. )
Mon ami ! Mon ami ! Ne crois pas ce que tu vois !…

RAYMONDE (id. )
Grâce ! Grâce ! Ne condamne pas sans m'entendre.

POCHE (ahuri. )
Hein ?

TOURNEL (avec volubilité. Tout ce qui suit, d'un personnage à l'autre, bien chaud, bien serré.)
Les apparences nous accablent, mais je te jure que nous ne sommes pas coupables.

RAYMONDE (id. )
Oui ! Il dit la vérité ! Nous ne pensions ni l'un ni l'autre à nous rencontrer.

TOURNEL (id. )
Tout ça, c'est la faute de la lettre !

RAYMONDE (id. )
La lettre, oui !… C'est moi, moi qui suis cause de tout. Je l'avais fait écrire parce que…

TOURNEL
Voilà ! voilà ! c'est l'exacte vérité !

RAYMONDE (s'agenouillant sur la marche. )
Oh ! je t'en demande pardon !… Je croyais que tu me trompais.

POCHE
Moi !

RAYMONDE
Ah ! dis-moi, dis-moi que tu me crois, que tu ne doutes pas de ma parole.

POCHE
Mais oui ! Mais oui ! (Se tordant.)
Mais qu'est-ce qu'ils ont ?

RAYMONDE (reculant effrayée par ce rire idiot qui lui paraît sardonique, avec énergie. )
Ah ! je t'en prie, Victor-Emmanuel… ne ris pas comme ça !… ton rire me fait mal.

POCHE (à qui l'injonction de RAYMONDE a coupé le rire tout net. )
Mon rire ?

RAYMONDE (revenant à lui. )
Ah ! oui ! Je vois !… Je vois !… tu ne me crois pas.

TOURNEL (faisant pendant à RAYMONDE de l'autre côté de POCHE. )
C'est pourtant l'évidence même.

RAYMONDE
Ah ! mon Dieu !… Comment te convaincre ?

POCHE (brusquement, se levant et descendant en scène. )
Ecoutez ! je vous demande pardon, mais il faut que j'aille porter ce vermouth au 4.
(Il fait mine de gagner la porte.)

RAYMONDE (qui est descendue à sa suite, le faisant pivoter par le bras et l'amenant face à elle, impérativement. )
Victor-Emmanuel !… qu'est-ce que tu as ?

POCHE (étonné. )
Moi ?

TOURNEL (qui a suivi le mouvement faisant pivoter POCHE à son tour de façon à le retourner face à lui. )
Je t'en prie, mon ami !… Dans un instant aussi grave, nous parler de vermouth !…

POCHE
Mais faut bien, le 4 l'attend ! Tenez, v'là la bouteille.

RAYMONDE
Ah ! non, assez ! Assez de cette comédie !… Ah ! tiens ! injurie-moi, bouscule- moi, bats-moi ! (Elle tombe à ses pieds.)
Mais j'aime mieux tout que ce calme effrayant.

TOURNEL (tombant comme RAYMONDE aux pieds de POCHE. )
Ah ! tiens ! bats-moi aussi !

POCHE (les regardant tous les deux à ses pieds, elle à sa gauche, lui , à sa droite. )
Ah ! bien ! celle-là, par exemple ! (A RAYMONDE.)
Mais je vous assure, Madame…

RAYMONDE (douloureusement. )
Ah ! tu vois ! tu vois ! tu ne me tutoies plus.

POCHE
Moi ?

RAYMONDE (lui saisissant les mains et sur un ton suppliant. )
Oui, dis-moi tu !…

TOURNEL (id., de l'autre côté. )
Dis-lui tu !

POCHE (tout en se mettant également à genoux, pour être à leur hauteur. )
Ah ?… Oh ! moi, je veux bien !… (Reprenant.)
Mais je t'assure, Madame…

TOURNEL
Oh ! mais pas "Madame", tu as l'air de parler belge… Appelle-la Raymonde, voyons !

POCHE
Ah ! bon… (Reprenant.)
Je t'assure, Raymonde…

RAYMONDE
Ah ! Dis… dis que tu me crois !

POCHE (avant tout ne voulant pas la contrarier. )
Mais oui, je te crois !

TOURNEL
A la bonne heure !

RAYMONDE (avec élan. )
Alors embrasse-moi, voyons, embrasse-moi.

POCHE (n'en croyant pas ses oreilles. )
Hein ! moi ?

RAYMONDE
Embrasse-moi !… ou je croirai que tu m'en veux toujours !

POCHE
Oh ! je veux bien !…
(Toujours sur les genoux, il se tourne face à elle et, après s'être essuyé les lèvres avec le revers de la main, lui passant ses deux bras autour du cou, cela sans lâcher le litre qu'il tient à la main, il embrasse RAYMONDE sur les deux joues.)

RAYMONDE (radieuse. )
Ah !

TOURNEL (les exhortant. )
C'est ça ! c'est ça !

RAYMONDE (baisant les mains de POCHE. )
Ah ! merci ! merci !

POCHE (se pourléchant les lèvres. )
Elle a la peau douce !

TOURNEL (qui s'est relevé et, reculant d'un pas pour se donner du champ, avec lyrisme. )
Et moi aussi !… embrasse-moi !

POCHE (tout en se relevant, ainsi que RAYMONDE. )
Ah ! Aussi ?

TOURNEL
Oui ! pour me prouver que tu ne doutes pas de moi non plus.

POCHE
Bon ! (Il va pour embrasser TOURNEL.)
Nom d'un chien ! qu'il est grand!
(Il monte sur la marche du lit et embrasse TOURNEL.)

TOURNEL (un poids de moins sur la conscience. )
Ah ! ça fait du bien !

POCHE
Oui !… la dame surtout.

RAYMONDE
"La dame" !

POCHE (faisant mine de gagner la porte. )
Et maintenant… je vais porter le vermouth au 4.

RAYMONDE
Encore ?

TOURNEL (qui l'a arrêté au passage et ramené où il était. )
Ah ! çà ! voyons ! Qu'est-ce que c'est que cette plaisanterie ?

RAYMONDE (le tirant à elle par le bras. )
Es-tu mon mari, oui ou non ?

POCHE
Moi ? Ah ! non ! Je suis le garçon de l'hôtel.

TOURNEL (reculant ahuri. )
Quoi ?

RAYMONDE (reculant de même. )
Mon Dieu ! Victor-Emmanuel a un transport au cerveau.

POCHE
Mais non ! Mais pas du tout ! Tout ça, c'est des aqui-propos; d'abord, je m'appelle Poche ! Et puis, si vous ne me croyez pas, demandez plutôt à Baptistin.
(Il remonte vers le lit.)

RAYMONDE (remontant un peu vers le lit. )
Baptistin ?

TOURNEL (remontant également de façon à occuper le 2. )
Quel Baptistin ?

POCHE
Le vieux monsieur malade. Attendez !
(Il appuie sur le bouton à gauche du lit, la tournette fonctionne, amenant le lit dans lequel BAPTISTIN est couché.)

BAPTISTIN
Oh ! mes rhumatismes !… mes p…

POCHE (s'asseyant sur le pied du lit. )
Non ! Il ne s'agit pas de ça ! Dis un peu qui que je suis.

BAPTISTIN (se mettant sur son séant. )
Comment, qui que t'es !… Tu ne le sais donc pas ?

POCHE
Moi, si !… mais c'est pour madame !

RAYMONDE (passant devant TOURNEL de façon à prendre le 3. )
Oui ! qui est monsieur ?

BAPTISTIN
Mais c'est Poche !

TOURNEL et RAYMONDE (avec un même recul d'étonnement.)
Poche !

BAPTISTIN
Le garçon de l'hôtel !

POCHE
Là ! qué qu'j'ai dit ?

RAYMONDE (n'y voyant plus clair. )
Ah ! çà ! voyons, voyons ! Comment, il serait vrai ?…

FERRAILLON (du haut de l'escalier qu'il descend, appelant. )
Poche !

TOURNEL
Une ressemblance pareille !… voyons ! Ce n'est pas possible tout cela, c'est un coup monté.

FERRAILLON (appelant. )
Poche ! Eh ! Poche !

POCHE (répondant de la chambre à l'appel de FERRAILLON. )
Chef ! (Aux autres.)
Je vous demande pardon ! Le patron m'appelle.

RAYMONDE (au moment où il va sortir, l'attrapant par le bras et le faisant pivoter pour se livrer passage. )
Le patron ! Ah ! bien ! Nous allons savoir !
(Elle gagne le hall.)

TOURNEL (de même que RAYMONDE attrapant POCHE par le bras et le faisant pivoter. —)
Mais ôtez-vous donc de là.
(Il emboîte le pas derrière RAYMONDE.)

RAYMONDE (à FERRAILLON. )
Monsieur ! Monsieur !

FERRAILLON
Madame ?

RAYMONDE
Veuillez, je vous prie, nous dire qui est monsieur ? (Elle indique POCHE qui vient de sortir de la chambre.)

TOURNEL
Oui !

FERRAILLON (regardant du côté indiqué. )
Poche !

POCHE (à RAYMONDE et à TOURNEL. )
Là !
,

RAYMONDE et TOURNEL (se regardant ahuris.)
Poche !

FERRAILLON (marchant sur lui. )
Poche ! ici ! et une bouteille à la main ! (Le saisissant par le bras droit et lui allongeant un coup de pied à chaque épithète, ce qui fait tourner POCHE autour de lui comme autour d'un pivot et finit, au dernier coup de pied, par le ramener à sa place primitive.)
Ah ! animal ! ah ! brute ! ah ! poivrot !
(A chaque coup de pied, POCHE, toujours tenu par le bras, saute en l'air en poussant un "Oh !". A chaque coup de pied également, TOURNEL et RAYMONDE, qui se tiennent serrés l'un contre l'autre, subissent pour ainsi dire le contrecoup, poussant un "Oh !" avec un petit sursaut comme s'ils recevaient le coup en même temps.)

POCHE (à peine lâché par FERRAILLON, à RAYMONDE et à TOURNEL. )
Là ! vous voyez ce que je vous disais !

FERRAILLON (lui arrachant le litre des mains. )
Voilà que tu recommences !

RAYMONDE et TOURNEL
Hein ?

POCHE
Mais patron, c'est pour le 4.

FERRAILLON (revenant à la charge. )
Je vais t'en donner, moi, du 4 !… (Même jeu de coups de pied que précédemment.)
Tiens ! Tiens ! Tiens ! et tiens !

POCHE
Mais patron !…

FERRAILLON (lui montrant l'escalier. )
Et fous-moi le camp un peu vite !

POCHE (détalant. )
Oui, patron ! (Au moment de s'engager dans la descente de l'escalier)
Là, vous voyez ce que je vous disais !…
(Il disparaît.)

FERRAILLON (aux autres. )
Je vous demande pardon, Monsieur, Madame, c'est notre garçon, une espèce d'alcoolique.
(Il sort par le couloir de gauche, laissant RAYMONDE et TOURNEL, complètement effondrés, l'œil fixe et la bouche bée.)

RAYMONDE (après un temps, hochant la tête. )
Le garçon ! C'était le garçon d'hôtel !

TOURNEL (adossé contre la console, brusquement.)
Raymonde !

RAYMONDE
Quoi ?

TOURNEL
Nous avons embrassé le garçon d'hôtel !

RAYMONDE
Eh ! ben, je le sais bien !… Je viens de le dire.

TOURNEL
J'avais pas entendu !… Ah ! je suis abasourdi !… une ressemblance pareille ! C'est pas possible !

RAYMONDE
Et pourtant, il faut bien se rendre à l'évidence !… Ah ! si je n'avais pas vu le patron le traiter comme il l'a traité, je douterais encore ! Mais des coups de pied quelque part !…
Oh ! non !… même pour me donner le change, Victor-Emmanuel n'irait pas jusqu'à accepter des coups de pied dans le…

TOURNEL (froidement. )
Dos !…

RAYMONDE
Oui !

TOURNEL
C'est évident !

RAYMONDE (effondrée, se traînant jusqu'à la banquette sur laquelle elle se laisse tomber. —)
Ah ! mon ami ! Quelle émotion !… j'ai la gorge sèche !… De l'eau ! donnez-moi un peu d'eau.

TOURNEL (brusquement empressé, machinalement, il tâte ses poches. )
De l'eau ? De l'eau !

RAYMONDE
Mais pas dans vos poches !…

TOURNEL
Oui ! oui !… où ça, de l'eau ?

RAYMONDE (se levant. )
Mais dans la chambre.

TOURNEL (gagnant avec empressement la chambre. )
Oui, oui ! de l'eau !… (A BAPTISTIN.)
Où y a-t-il de l'eau ?

BAPTISTIN (s'interrompant de lire son journal. )
Mais dans le cabinet de toilette !

TOURNEL
Merci !
(Il gagne le cabinet de toilette.)

RAYMONDE (dolente, à BAPTISTIN, en passant devant lui et sans s'arrêter pour attendre sa réponse. )
Hein, croyez-vous ? C'était le garçon d'hôtel !

BAPTISTIN (pour répondre quelque chose. )
Y a de ces choses dans la vie !…
(Elle va jusqu'à la fenêtre qu'elle entrouvre afin de respirer un peu d'air. BAPTISTIN, philosophe, se replonge dans son journal.)

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