ACTE II - SCENE III
RUGBY (sortant en trombe de sa chambre et allant droit à FERRAILLON qui, un pied sur la première marche de l'escalier, lui tourne le dos. )
Nobody called ?
FERRAILLON (sursautant et pivotant vivement sur lui-même. )
Hein ?
RUGBY
Listen, it's the second time that I ask if anybody called for me !
FERRAILLON
Eh ! non !… Nobodé, zut !
RUGBY
Aoh !… thanks !
(Il réintègre sa chambre comme il est venu.)
OLYMPE (après la sortie de RUGBY. )
L'amour d'homme !
FERRAILLON
Il a une façon de sortir comme un diable d'une boîte.
OLYMPE
C'est vrai, il vous donne des couleurs !
FINACHE (paraissant dans l'escalier, venant des dessous. )
Bonjour, colonel !
FERRAILLON, OLYMPE
Ah ! Monsieur le docteur.
FINACHE (descendant entre eux. )
Bonjour, Madame Ferraillon ! Vous avez une chambre ?
OLYMPE
Toujours pour vous, Monsieur le docteur.
FINACHE
On n'est pas venu me demander ?
FERRAILLON
Pas encore, Monsieur le docteur.
FINACHE
Ah ! tant mieux !
FERRAILLON
Monsieur le docteur est en bonne fortune ?
FINACHE
Oh ! en bonne fortune !… Je suis en petit collage.
OLYMPE
Ah ! bien, ce n'est pas pour dire, mais voilà plus d'un mois !…
FINACHE
J'ai un peu papillonné à droite et à gauche.
FERRAILLON
C'est mal, ça, de ne pas être fidèle.
FINACHE
Ah ! mais avec la même ! avec la même !
FERRAILLON
Oh ! je ne parle pas de la dame, je parle pour nous.
FINACHE
Ah ! bon.
FERRAILLON
Ah ! bien ! si on devait être fidèle en amour, nous n'aurions plus qu'à fermer la maison.
FINACHE
Très judicieux. (Changeant de ton.)
Dites-moi donc, on entre comme dans un bois dans votre hôtel. (Remontant légèrement.)
Je n'ai pas vu votre garçon au bureau.
OLYMPE
Poche ?
FINACHE (redescendant. )
Quoi, Poche ? Non, Gabriel, le beau Gabriel.
FERRAILLON
Ah ! c'est vrai ! vous ne savez pas… Evidemment, depuis le temps! Nous l'avons congédié, Gabriel.
FINACHE
Oh ! pourquoi ? Il était si décoratif !
FERRAILLON
Justement, trop ! Il était trop joli garçon.
OLYMPE
Il faisait des béguins dans la clientèle.
(Elle remonte un peu.)
FINACHE (passant au 3. )
Voyez-vous ça !
FERRAILLON (gagnant vers FINACHE. )
Vous comprenez que c'était inacceptable! Si un client ne peut plus amener sa maîtresse sans risquer de se la voir soulever par le personnel !… Ah ! non, nous sommes une maison de confiance.
FINACHE (qui s'est assis sur la banquette, approuvant. )
Comment, si vous êtes…
FERRAILLON
Aussi, faut de la discipline ! Je ne connais que ça, moi ! C'est que j'ai été militaire, moi, tel que vous me voyez.
FINACHE
Oui-da ! Alors, c'est donc vrai, votre grade, colonel ?
OLYMPE (qui est descendue au 1. )
Comment, si c'est vrai !
FERRAILLON
Tiens !… Je suis ancien sergent-major au 29e de ligne ; c'est pour ça qu'on m'appelle colonel.
FINACHE
Oui, oui !… vous êtes colonel… au civil.
FERRAILLON (avec bonhomie. )
Oh ! bien, n'est-ce pas ? dans la vie privée, un grade de plus ou de moins !… (A OLYMPE.)
Veux-tu voir, mon chou, le n° 10 pour Monsieur le docteur ?
OLYMPE
Oui.
(Elle gagne l'escalier dont elle gravit les marches pendant ce qui suit.)
FINACHE (indiquant la chambre de droite. )
Eh ! quoi, le 5, là, n'est pas libre ?
FERRAILLON
Hélas ! non.
FINACHE (désappointé. )
Oh !
FERRAILLON
Mais le 10, c'est la même disposition, juste au-dessus.
FINACHE
Bah ! va pour le 10.
OLYMPE (qui est presque au haut de l'escalier. )
Je vais le faire préparer.
FERRAILLON
C'est ça. Va, ma chérie.
(Elle sort.)