ACTE I - SCENE XII


LUCIENNE (arrivant suivie de RAYMONDE. )
Ah ! vous étiez là, mon ami.

HOMENIDES (s'efforçant de paraître calme.)
Oui, y'étais là ! y'étais là !

RAYMONDE (passant devant LUCIENNE pour aller à HOMENIDES. )
Oh ! bonjour, M. de
Histangua !

HOMENIDES
Bonyour, Madame… Ça va bien, oui ?… lé mari ?…

RAYMONDE
Mais oui, merci !

HOMENIDES
Les enfants ?

RAYMONDE
Mais… je n'en ai pas.

HOMENIDES
Ah ! ah ! Dommage !… Alors, bueno !… ce sera pour une autre fois.

RAYMONDE (riant. )
Evidemment ! Evidemment !

LUCIENNE (qui l'observe depuis un instant. )
Qu'est-ce que vous avez ?

HOMENIDES (avec une rage contenue.)
Yo n'ai rien, quoi ? yo n'ai rien !…

LUCIENNE (peu convaincue. )
Ah !… je sors avec Raymonde. Vous n'avez pas besoin de moi ?

HOMENIDES (même jeu.)
Non ! non ! allez, yo vous prie… Allez !

LUCIENNE
Alors, au revoir !

RAYMONDE
Au revoir, cher Monsieur.

HOMENIDES (rageur.)
Au revoir, Madame, au revoir.

LUCIENNE (qui veut en avoir le cœur net. )
Que tienes, querido mio ? que te pasa por que me pones una cara asi ?

HOMENIDES (d'autant plus nerveux qu'il veut persuader qu'il n'a rien.)
Te aseguro que no tengo nada.

LUCIENNE
Ah ! Jésus ! Que caracter tan insoportable tienes !
(Elles sortent.)

HOMENIDES (aussitôt les femmes sorties, éclatant.)
Oh ! sin verguenza ! oh ! la garça ! la garça ! la garça !
(Il est arrivé à l'extrême droite quand on entend tambouriner à la porte de droite premier plan. Bondissant jusqu'à la porte.)

HOMENIDES
Assez ! là, ou yo tire !
(Le bruit cesse. Il remonte nerveusement par la droite et arrive à proximité de la porte du fond, quand celle-ci s'ouvre pour livrer passage à TOURNEL.)

TOURNEL (à HOMENIDES. )
M. Chandebise n'est pas là ?

HOMENIDES (à part, serrant les dents.)
L'autre à présent, le Tournel. (Haut, avec des sourires sous lesquels on sent l'envie de mordre.)
Non, mossieur, non, il n'est pas là.

TOURNEL (sans s'apercevoir de l'état d'HOMENIDES. )
Ah ! bien. Si vous le voyez, ayez l'obligeance de lui dire que j'ai laissé toutes les pièces sur le bureau, il n'aura qu'à relever les noms.

HOMENIDES (bien face à TOURNEL.)
Oui, mossieur, oui !

TOURNEL
Quant à moi… je ne peux pas l'attendre plus longtemps.

HOMENIDES (nerveux à travers son amabilité affectée.)
C'est ça, allez, allez !

TOURNEL (étonné. )
Comment ?

HOMENIDES (s'emportant.)
Allez ! ou yo vous… !
(Ses mains, à portée du cou de TOURNEL, se crispent comme pour l'étranger.)

TOURNEL
Ou je vous quoi ?

HOMENIDES (se maîtrisant sur-le-champ.)
Mais rien du tout, mossieur, rien du tout. (Très aimable.)
Allez ! Allez !

TOURNEL
Ah ! (Remontant.)
Drôle d'individu ! (Saluant.)
Monsieur !
(TOURNEL sort du fond.)

HOMENIDES
Ah ! Y'étouffe. (Apercevant le verre dans lequel trempe le palais de CAMILLE et courant vers lui.)
Ah ! (Il en avale goulûment le contenu)
Ah ! ça fait dou bien !(Soudain, se rendant compte du goût de ce qu'il a bu.)
Pouah !… qu'est-ce qu'ils ont fourré là- dedans qui l'est salé ?
(Il dépose avec dégoût le verre vide sur la table et redescend par l'extrême droite.)

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