ACTE III - SCENE XII
LES MEMES, LE MARQUIS
LE MARQUIS
(sortant rapidement du presbytère.)
Qu'est-ce qu'on me dit : ma fille… (Restant coi devant le tableau qu'il a devant les yeux.)
Ah !
HUGUETTE
(courant se jeter dans les bras de son père.)
Papa !
MAURICE
Mon oncle !
ETIENNETTE
(passant devant MAURICE et allant vers LE MARQUIS.)
Monsieur le marquis, pardonnez-moi de m'être mêlée de ce qui ne me regarde pas !
LE MARQUIS
(surpris.)
Comment ?
ETIENNETTE
Je viens de fiancer deux êtres faits l'un pour l'autre.
LE MARQUIS
(interloqué.)
Hein !… Vous ?
ETIENNETTE
(s'efforçant de dissimuler sa douleur.)
J'ai donc l'honneur de vous demander oh ! pour dans un an… un an et demi !… la main de Mademoiselle votre fille pour son cousin Maurice.
LE MARQUIS
(suffoqué.)
Comment !… c'est vrai?
HUGUETTE
Puisque madame le dit.
LE MARQUIS
(n'en croyant pas ses oreilles.)
Ce n'est pas possible ! J'en tombe des nues.
Allons ! C'était notre beau projet d'autrefois ! Mais je le croyais bien dans l'eau. (A ce moment HUGUETTE quitte son père et se sauve en courant vers le presbytère.)
Eh ! bien, quoi donc ! Huguette ! où vas-tu ? où vas-tu ?
(Il cherche à la rattraper, mais s'arrête sur la première marche du perron.)
HUGUETTE
(tout en courant.)
Je reviens ! je reviens. (Elle sort.)
MAURICE
(ahuri.)
Qu'est-ce qu'elle a ?
ETIENNETTE
(qui pendant toute cette scène a souffert visiblement un véritable calvaire, allant à MAURICE et avec une émotion contenue.)
Et maintenant, mon petit Maurice, il faut être bien raisonnable et me laisser m'en aller.
MAURICE
(sursautant.)
Hein ! Tu pars ?
ETIENNETTE
Je ne saurais rester davantage. Ma place n'est plus ici.
MAURICE
Oh ! alors, attends-moi; je rentre avec toi.
ETIENNETTE
(vivement.)
Non ! non ! Toi, tu partiras ce soir.
MAURICE
(suppliant.)
Etiennette !
(LE MARQUIS, comprenant la scène, reste à l'écart et prend un air absent.)
ETIENNETTE
Si ! si ! Tu vas être bien mignon et faire ce que je te dis.
MAURICE
(avec angoisse.)
Etiennette, tu ne penses pas à me quitter ?… Tu rentres à Paris, mais une fois là-bas…?
ETIENNETTE
(luttant contre ses larmes.)
Mais oui, mais oui !… Tu sais bien que je t'aime.
MAURICE
A demain, alors ?
ETIENNETTE
A demain. (MAURICE tend ses lèvres vers elle pour l'embrasser, elle le repousse doucement.)
Allons ! allons ! sage !…
MAURICE
Etiennette !
ETIENNETTE
Chut ! Chut ! Demain !
(Elle a gagné doucement à reculons jusqu'à la porte de. droite. - An moment de la franchir, à MAURICE qui la regarde littéralement terrassé, elle envoie un baiser et sort. Elle n'est pas plus tôt dehors qu'HUGUETTE paraît tirant LA COMTESSE par la main: à leur suite, L'ABBE, EUGENIE, HEURTELOUP.)