ACTE II - SCENE XI
LES MEMES, ROGER
ROGER
(entrant, avec une lettre sur un plateau.)
Madame !
ETIENNETTE
(1 avec humeur.)
Allez-vous-en ! Laissez-nous !
ROGER
(2 à mi-voix en présentant le plateau.)
C'est monsieur Musignol qui a fait monter cette lettre.
ETIENNETTE
(vivement.)
C'est bien.
(Elle prend la lettre d'un geste brusque.)
ROGER
Il attend la réponse en bas.
ETIENNETTE
(l'œil fixé sur MAURICE.)
Bon ! bon !… Je vous sonnerai pour la réponse !
Allez !
ROGER
Bien, madame.
(Il sort.)
ETIENNETTE
(elle jette un regard de défi sur MAURICE, puis, cyniquement, froidement comme quelqu'un qui pose les conditions d'un marché, tendant sa lettre non décachetée.)
C'est de mon amant ! Je n'ai pas besoin de lire. Il me demande pardon et me supplie de le laisser revenir. Dois- je lui faire dire qu'il peut monter ?
MAURICE
(ne pouvant retenir ce cri du cœur.)
Oh ! non !…
ETIENNETTE
(se rapprochant de lui comme une chatte.)
Que vous importe ? Ce n'est pas l'intérêt de mon salut qui vous préoccupe encore, je suppose ?
MAURICE
(essayant de se donner le change à lui-même.)
Pourquoi pas ?
(Il rencontre le regard d'ETIENNETTE et détourne les yeux.)
ETIENNETTE
Allons donc ! (Derrière lui tout contre, et figure contre figure.)
Mais ayez donc le courage de regarder la vérité en face. Croyez-vous que j'aie pu me méprendre sur le cri que vous venez de pousser ? Mais c'est le cri de la chair, fait d'amour, de jalousie et de désir.
Vous voyez bien que vous m'aimez, (Le faisant retourner face à elle d'un geste brusque.)
tu le vois bien que tu m'aimes !
MAURICE
(sans force.)
Non ! non ! (D'une voix suppliante.)
laissez-moi ! laissez-moi !
ETIENNETTE
(d'un ton sec.)
C'est bien !
(Elle appuie sur la poire électrique suspendue au paravent et attend sur place.)
MAURICE
(avec angoisse.)
Qu'allez-vous faire ?
(ROGER entre.)
ETIENNETTE
(2 à ROGER 1.)
Faites dire à M. Musignol qu'il peut monter.
MAURICE
(douloureusement, et d'une voix à peine perceptible, presque dans l'oreille d'ETIENNETTE.)
Oh ! non…
ETIENNETTE
(vivement.)
C'est bien ! Faites dire qu'il n'y a pas de réponse.
(Sortie de ROGER.)
MAURICE
Oh ! mon Dieu ! pourquoi m'avez-vous abandonné ?
ETIENNETTE
(s'élançant vers lui.)
Mais viens donc ! Grand enfant !
(Elle l'enlace dans ses bras et tous deux s'effondrent sur le sofa; leurs lèvres se joignent.)
(RIDEAU)