ACTE I - SCENE IV



LES MEMES, MAURICE
La porte de MAURICE s'ouvre à ce moment et l'on voit paraître le jeune homme, les yeux encore lourds de sommeil, les cheveux décoiffés par le contact de l'oreiller. Il est revêtu d'un pyjama de molleton violet foncé qui laisse apercevoir sa chemise de nuit; aux pieds des pantoufles. Sur le pas de la porte, il s'arrête et s'étire discrètement.

TOUS
(à son entrée, lui faisant accueil.)
Ah !

LA COMTESSE
(qui depuis la fin de la scène est debout derrière la bergère de droite, accourant vers son fils.)
Oh ! Tu t'es levé !

MAURICE
(gagnant la gauche accompagné par sa mère qui le couve. Gaiement et gentiment.)
Oui, maman, ça va mieux ! Ce peu de repos m'a fait du bien.

EUGENIE
(empressée.)
Tu ne veux pas t'asseoir ?

MAURICE
(avec insouciance.)
Oh !

LA COMTESSE
Si, si. (Au marquis.)
Onfroy ! le rocking ! le rocking !

LE MARQUIS
(tirant le rocking à lui, de façon à amener le pied de ce meuble entre le fauteuil gauche de la cheminée et le tabouret.)
Voilà ! voilà !

MAURICE
Oh ! mon oncle, je vous en prie !

LE MARQUIS
Laisse donc ! laisse donc ! Tiens, étends-toi.

MAURICE
Oh ! Je suis confus !
(Il s'assied sur le rocking.)

LA COMTESSE
(le calant avec des coussins.)
Et tiens ! sous ta tête ! sous tes reins!

MAURICE
(gentiment.)
Mais, maman, je vous assure ! Vous allez me faire prendre pour plus malade que je ne suis.
(Il s'étend.)

LA COMTESSE
(s'asseyant sur le tabouret près de son fils.)
Allons, allons, veux-tu te laisser soigner.
(LE MARQUIS s'assied sur le fauteuil près de la cheminée, EUGENIE est debout devant le fauteuil à droite de la table.)

MAURICE
Et puis il va être l'heure de mon bain de mer.

LA COMTESSE
Tu vas prendre un bain après avoir été souffrant ?

MAURICE
Mais je crois bien, maman. Cela me fait tant de bien ! Qu'est-ce que j'ai ? de la faiblesse. Eh ! bien, rien ne me remonte comme cela ! Regardez, hier je n'ai pas pris de bain à cause du temps et aujourd'hui, le ressort m'a manqué.

LA COMTESSE
En tout cas, tout à l'heure, doit venir un médecin que ton oncle a eu la gentillesse de mander; je te prie d'attendre qu'il t'ait vu avant de te baigner.

MAURICE
(soumis et indifférent.)
Bien, maman. (Avec intérêt.)
Monsieur le curé n'est pas venu ?

LA COMTESSE
Il a fait dire qu'il passerait te voir dans la matinée. Il ne tardera pas.

MAURICE
Oh ! oui; sa visite me fera du bien. J'ai tant, tant à lui dire !

LA COMTESSE
Eh ! mon Dieu, toi !…

LE MARQUIS
Ah ! bien !… qu'est-ce que je dirais, moi !

LA COMTESSE
Toi, mon pauvre enfant !

MAURICE
Oh ! maman, on a beau faire !… on est des pécheurs tout de même.

EUGENIE
(avec un soupir profond.)
Hélas !
(Elle gagne la droite et va s'asseoir dans la bergère.)

LE MARQUIS
(avec le même soupir, mais ironique.)
Eh ! oui !

MAURICE
(apercevant HUGUETTE, qui, un peu au-dessus de la table, avait été masquée jusque-là à son cousin par la présence d'EUGENIE.)
Ah ! Huguette. Je ne te voyais pas.(HUGUETTE descend entre le fauteuil à droite de la table et la table.)
Eh ! qu'est-ce qui t'est arrivé ?

EUGENIE
(tricotant.)
Ah ! oui, gronde-la ! Elle a encore fait de ses folies.

MAURICE
(sur un ton de reproche affectueux.)
Oh !

HUGUETTE
(à EUGENIE.)
Oh ! vous n'avez pas besoin d'inciter Maurice à me gronder; il est déjà assez porté à voir tous mes défauts !

MAURICE
(avec douceur.)
Tu m'en veux encore de ce que hier je me suis cru autorisé par l'affection que je te porte…

HUGUETTE
(sur un ton où perce un peu de dépit.)
Mais pas du tout !… seulement je sens que je suis tellement indigne ! …

MAURICE
Comme tu me parles durement ! Jadis nous étions si bons camarades !

HUGUETTE
(même ton.)
C'est que jadis tu étais un garçon comme tout le monde. Maintenant tu es un saint !

MAURICE
(se défendant en souriant.)
Oh !

HUGUETTE
Mais si ! Tout le monde est d'accord là-dessus. Eh ! bien, moi, je ne suis pas une sainte; alors, n'est-ce pas, je sens tellement la distance !…
(MAURICE pousse un soupir.)

LA COMTESSE
(sur un ton de reproche.)
Huguette ! mon enfant.

LE MARQUIS
(se levant et affectueusement grondeur.)
Voyons, Huguette !

HUGUETTE
(allant à la tricoteuse prendre son chapeau.)
Qu'est-ce que vous voulez, ma tante ? on est ce qu'on est ! Je ne peux pas me refaire. (Brisant la discussion.)
Allons, je vais me changer ! Comme cela on ne verra plus les traces de mes folies ! A tout à l'heure.

LE MARQUIS
(avec un geste, amical de la main.)
A tout à l'heure.
(Il remonte par la gauche de la table.)

HUGUETTE
(sort dans le hall; à peine sortie, elle repasse la tête.)
Tenez ! voici mon cousin
Hector qui rentre ! Je vous le passe !
(Elle disparaît à droite. Pendant les répliques suivantes on voit HEURTELOUP arriver dans le hall.)

LE MARQUIS
(au-dessus et à droite de la table.)
Elle est drôle, cette petite.

LA COMTESSE
(avec une moue.)
Tu trouves !

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