ACTE II - SCENE VII



LES MEMES, ETIENNETTE

EUGENIE
(voyant ETIENNETTE.)
Elle !
(LA COMTESSE et EUGENIE se lèvent. Celle-ci prend son air le plus pincé.)

ETIENNETTE
(accourant vers LA COMTESSE mais s'arrêtant respectueusement à une certaine distance.)
Vous, madame la comtesse, chez moi !…
(Dans son mouvement, son regard tombe sur EUGENIE, elle s'incline légèrement, EUGENIE répond par un salut à peine esquissé.)

LA COMTESSE
Oui, moi !… Je comprends : ma visite a lieu de vous étonner. Evidemment, je pourrais la justifier par de vagues prétextes : invoquer l'accident dont vous avez été victime chez moi, qui me fait un devoir, étant de passage à Paris, d'aller m'informer de vos nouvelles !…
Non ! j'aime mieux aborder les choses franchement.

ETIENNETTE
(avec angoisse.)
Mon Dieu ! ce sont les visites de monsieur votre fils qui vous déplaisent et vous venez me signifier…

LA COMTESSE
(la rassurant.)
Moi ! quelle idée ! Non ! il ne s'agit pas de ça !

ETIENNETTE
(ne sachant que croire.)
Ah ?… alors je ne vois pas… (Brusquement et tout en se portant au-dessus du fauteuil qui est près du paravent pour l'avancer de façon à ce qu'il tienne le milieu entre les deux tabourets.)
Oh ! mais je vous en prie madame, asseyez-vous donc.

LA COMTESSE
(gagnant le fauteuil que lui présente ETIENNETTE.)
Pardon !

ETIENNETTE
(qui est descendue aussitôt à droite, indiquant le tabouret de gauche à EUGENIE.)
Madame !

LA COMTESSE
(présentant.)
Ma cousine, madame Heurteloup.

ETIENNETTE
(très aimable, faisant des frais.)
Mais je crois déjà avoir eu le plaisir d'entrevoir madame. C'est au moment où je prenais congé de madame la comtesse; madame est entrée si je ne me trompe et alors…! Seulement je n'avais pas eu l'honneur de… de, euh ! (Interloquée par l'attitude d'EUGENIE, qui a écouté tout cela, l'air dédaigneux, la bouche en cul de poule, le regard dans le vague et avec ces dodelinements de tête tels qu'en ont les vieilles filles.)
Asseyez- vous donc, madame, je vous en prie.
(LA COMTESSE et EUGENIE s'asseyent sur les meubles indiqués, ETIENNETTE sur le tabouret de droite.)

LA COMTESSE
(avec effort.)
Ah ! madame, la démarche que je viens faire près de vous est d'un ordre tellement délicat…!

EUGENIE
(entre ses dents.)
Ça !…

LA COMTESSE
… que vraiment, au moment de l'aborder, j'hésite : un trouble m'envahit.

ETIENNETTE
(inquiète.)
Eh ! mon Dieu, quoi donc, madame ?

LA COMTESSE
J'espère que vous ne prendrez pas ce que je vais vous dire en mauvaise part et que vous me tiendrez compte de l'effort que je m'impose; nous sommes femmes; au fond de toute femme, il y a une mère !… Vous me comprendrez.

ETIENNETTE
(empressée.)
Parlez, madame ! je serai trop heureuse si vous m'apportez une occasion de reconnaître tout ce qui a été fait pour moi dans votre famille.

LA COMTESSE
Merci de ces bonnes paroles !… C'est une pauvre mère affolée qui vient vous trouver. Il s'agit d'une question où je suis tellement incompétente…! Si vous saviez : les uns me disent : "il faut faire ceci ! ", les autres me répètent : "n'en faites rien ! " Je ne sais plus à quel saint me vouer. Alors j'ai pensé à m'adresser à vous comme on s'adresse… à un avocat consultant. Vous avez tant d'expérience !…

ETIENNETTE
(un peu ébaubie.)
Moi, madame ! et en quelle matière ?

LA COMTESSE
Eh ! bien, voilà !… il s'agit de mon fils.

ETIENNETTE
De monsieur l'abbé ?

LA COMTESSE
Oui ! (Bas à EUGENIE.)
L'écrin…! (Celle-ci, qui a assisté à toute cette scène, comme si elle planait dans d'autres régions. a un sursaut, tel quelqu'un qu'on rappelle à la réalité. LA COMTESSE après un temps.)
Passe-moi l'écrin !
(EUGENIE fait une moue de victime résignée, et ouvrant son réticule en tire successivement : un mouchoir, un paroissien, puis un chapelet; en le voyant, elle lève un regard au ciel, esquisse un signe de croix avec le chapelet tout cela très discrètement pendant que LA COMTESSE donne des signes d'impatience.)

LA COMTESSE
(voyant qu'EUGENIE n'en finit pas)
(avec un sourire gêné, à ETIENNETTE.)
Tout de suite, madame !
(Nouveau signe d'impatience à EUGENIE. Celle-ci a enfin trouvé l'écrin. Elle le passe à LA COMTESSE, honteusement, les bras tendus vers la terre et en détournant la tête. Après quoi, elle range bien soigneusement son chapelet, son paroissien, son mouchoir et, ayant refermé son réticule, reprend son air pimbêche.)

LA COMTESSE
(aussitôt qu'EUGENIE lui a remis l'écrin.)
Mais d'abord laissez-moi vous offrir cette petite bagatelle.

ETIENNETTE
A moi ?… Oh ! madame, mais non…! Il n'y a aucune raison…

LA COMTESSE
Si, si ! je sais ! Mon frère qui est bien renseigné m'a dit qu'il était d'usage…!
Et puis n'est-il pas naturel que l'avocat-conseil perçoive des honoraires ?…

ETIENNETTE
(qui a ouvert l'écrin.)
Oh ! madame, je suis confuse…! la belle bague !

LA COMTESSE
Vous la garderez comme un souvenir des émotions que nous avons traversées ensemble ! C'est mon fils en quelque sorte qui vous l'offre par mes mains.

ETIENNETTE
A ce titre, elle me sera chère par-dessus tout.
(Elle se soulève pour déposer l'écrin sur la petite table près du paravent et vient aussitôt reprendre sa place.)

LA COMTESSE
(après un temps embarrassé. Brusquement, sans préparation.)
Il est bien souffrant, le pauvre petit.

ETIENNETTE
Qui ? monsieur l'abbé ?

EUGENIE
(ne pouvant se contenir.)
Je t'en prie, Solange.

LA COMTESSE
(à mi-voix avec humeur, à EUGENIE.)
Ah ! laisse-moi, Eugénie ! (A ETIENNETTE Subitement radoucie.)
Puisque vous voyez Maurice, il ne lui est jamais arrivé chez vous d'être pris d'une faiblesse ?… d'avoir une syncope ?

ETIENNETTE
En effet, il y a trois jours. Cela nous a assez inquiétés.

LA COMTESSE
Eh ! bien, voilà !… Il paraît que c'est le résultat d'un excès de santé.

ETIENNETTE
Ah ?

LA COMTESSE
Oui.

ETIENNETTE
Je ne saisis pas.

LA COMTESSE
Oui, évidemment !… à première vue cela a l'air d'un paradoxe; mais il paraît qu'en la matière, le trop est aussi préjudiciable que le pas assez !… Oh ! ces enfants quelle cause de souci !… Il a de la neurasthénie, comprenez-vous ? la sève… la nature, le… le bourgeon, je ne suis comment vous expliquer…! ( Bien ingénument.)
Il faut qu'il marche !

EUGENIE
(un coup au cœur.)
Oh !

ETIENNETTE
(se rejetant en arrière, estomaquée.)
Comment ?

LA COMTESSE
(vivement.)
Ce n'est pas moi qui parle, c'est le docteur ! une façon de dire qu'il faut que… que…

ETIENNETTE
Oh ! je comprends.

LA COMTESSE
(avec une admiration pleine d'humilité.)
Ah ! vous comprenez ! Comme vous êtes instruite ! Moi, sur le moment, je ne comprenais pas. Eugénie non plus. (EUGENIE pince les lèvres.)
Mais quand on m'a mis les points sur les i !… (Avec émotion.)
Ah ! madame de Marigny, vous ne savez pas ce que c'est pour une maman, quand on vient lui dire brutalement : "Eh ! bien, voilà : vous avez un fils qui est un ange de vertu; désormais il n'en faut plus de cette vertu et à partir de maintenant il est désirable que… que…"

ETIENNETTE
(affolée à cette perspective.)
Oh ! mais il ne faut pas ! Il ne faut pas !

EUGENIE
(se dressant triomphante.)
Ah ! tu entends ! tu entends ce que dit madame ?

LA COMTESSE
Eh ! est-ce que cela n'a pas été mon premier cri du cœur : "Il ne faut pas"? cri de révolte, d'indignation devant ce qui me paraissait une monstruosité!… (Avec amertume.)
Et puis… quand j'ai vu tout le monde se mettre de la partie, se liguer contre moi…!

EUGENIE
(qui s'est rassise pendant ce qui précède.)
Ah ! pas moi.

LA COMTESSE
Non, pas toi : mais le docteur, mon frère, monsieur le curé lui-même ! (La voix dans le grave.)
Oui, madame, monsieur le curé ! Alors, peu à peu, j'en suis arrivée à me demander où était mon devoir ? Je me suis raisonnée; je me suis dit que la santé de mon enfant était en jeu; que peut-être j'étais une égoïste à vouloir pour mon fils un bien qui n'était apparemment pas celui qui lui convenait; que si son tempérament devait être une entrave continuelle à ce qu'il avait cru être sa vocation, ce tempérament, en somme, c'était Dieu qui le lui avait donné; que s'il l'avait fait ainsi, c'est qu'il le réservait peut-être pour une autre mission; qu'on n'allait pas contre la volonté céleste…! et alors, insensiblement, je me suis résignée au sacrifice qu'on attendait de moi…! je l'ai accepté…! j'ai fini par le souhaiter ! (Approchant son fauteuil légèrement d'ETIENNETTE et toute honteuse, sombrant la voix. )
J'ai fini par chercher à le provoquer… Ah ! vous ne savez pas ce dont l'amour d'une mère est capable !

ETIENNETTE
Oh ! Madame ! Alors, quoi ? Vous voudriez jeter votre fils dans les bras de…?

LA COMTESSE
(toute désemparée.)
Est-ce que je sais…!

EUGENIE
(accablant LA COMTESSE sous sa réprobation.)
Eh ! bien oui ! Eh ! bien, oui !
Voilà le fond de sa pensée : au moment où son fils va entrer au régiment, où il n'aura pas trop de toute sa fermeté pour lutter contre la contagion des mauvais exemples, au lieu de le fortifier dans ses convictions religieuses, elle en arrive à souhaiter…! Ah !
(Elle détourne la tête d'un geste de dégoût.)

ETIENNETTE
(reculant terrifiée.)
Ah ! madame, vous ne ferez pas cela !

LA COMTESSE
(suppliante.)
Mais alors donnez-moi un conseil ! Venez à mon secours ! Vous voyez bien que je suis un pauvre être désorienté, perdu…! Voyons, il s'agit de Maurice ! Après ce qu'il a fait pour vous, il ne peut vous être indifférent !

ETIENNETTE
(un peu plus bas que le tabouret qu'elle vient de quitter et presque dos au public.)
Votre fils ! Ah ! Madame, si vous me demandiez ma vie…! de me jeter au feu pour lui…!

LA COMTESSE
(se levant et s'approchant d'ETIENNETTE.)
Oh ! je ne vous en demande pas tant : aidez-moi, Madame, aidez-moi. Vous êtes bonne, vous êtes noble, vous… vous portez un grand nom.

ETIENNETTE
(humblement, sentant l'ironie de sa noblesse d'occasion.)
Oh !… ne parlez pas de mon nom.

LA COMTESSE
(avec conviction.)
Laissez donc ! lorsqu'on croit pouvoir se parer d'un titre, c'est qu'on se sent de force à le porter; (S'asseyant sur le tabouret que vient de quitter ETIENNETTE de façon à être plus près de celle-ci.)
et puis vous avez la noblesse du cœur qui est la première de toutes ! Mais comprenez donc que ce que je rêve pour mon fils, c'est un être d'élection qui serait digne de lui; une femme de sentiment si raffiné, si délicat, qui l'aimerait assez et de façon suffisamment élevée que les relations qui s'établiraient entre eux seraient bien plus une communion d'âmes que toute autre chose. (Sur un ton d'imploration.)
Ah ! si vous vouliez ! si vous vouliez !

ETIENNETTE
(ayant peur de comprendre.)
Si je voulais…?

LA COMTESSE
Mais ne voyez-vous pas que vous êtes l'incarnation de la femme que j'ai rêvée ? Vous êtes prête à vous jeter au feu pour mon fils, dites-vous !… Eh ! bien, pour lui… faites moins et plus. Retenez-le par le charme qui se dégage de vous; soyez son amie, sa confidente, sa conseillère; et, mon Dieu, si quelque jour… (Avec beaucoup de honte et d'une voix de moins en moins perceptible.)
dans l'ardeur de vos sentiments… vous en arrivez à… (Après un instant d'hésitation où on sent qu'elle ne trouve plus ses mots.)
à la grâce de Dieu !
(Sursaut de révolte chez EUGENIE.)

ETIENNETTE
Hein !

LA COMTESSE
Mon pauvre petit, il est à vous !

ETIENNETTE
(les yeux hagards.)
A moi ?

LA COMTESSE
Je vous le donne.

ETIENNETTE
(passant au 2 en écartant du geste l'image évoquée par LA COMTESSE.)
Oh ! non…! Oh ! non ! non, pas ça !

LA COMTESSE
(se levant.)
Comment ?

ETIENNETTE
Non ! pas ça, pas ça !
(EUGENIE s'est levée en même temps que LA COMTESSE; son visage a pris une expression radieuse; elle entrevoit l'intervention divine.)

LA COMTESSE
(qui n'en croit pas ses oreilles.)
"Non"! Vous dites "non" ! Ah, çà ! je rêve ? C'est moi qui ici m'humilie jusqu'à vous demander ce qui révolte en même temps mes sentiments de mère et mes pudeurs de femme ! Et c'est vous qui me repoussez ! qui dites non !

ETIENNETTE
(douloureusement.)
Madame, je vous en supplie !

LA COMTESSE
Pourquoi ? Pourquoi ? Mon fils est jeune, mon fils est beau !

ETIENNETTE
(avec exaltation.)
Oh ! oui !… oui !…

LA COMTESSE
Elles sont légion les femmes qui seraient heureuses et fières…!

ETIENNETTE
(id.)
Oh ! oui, certes !

LA COMTESSE
Enfin, vous m'avez fait entendre que vous l'aimiez.

ETIENNETTE
(à voix presque basse.)
Oh ! oui !

LA COMTESSE
Alors, je ne comprends pas ! A quel sentiment obéissez-vous donc ? (Sur un ton de doux reproche.)
Car enfin, vous en avez accueilli qui ne le valaient pas.

ETIENNETTE
(avec amertume, tout en remontant péniblement.)
Ah ! voilà !… voilà ! oui; c'est sur cette réputation que vous vous êtes dit que vous n'aviez qu'à vous adresser à moi !

LA COMTESSE
Oh ! madame !

ETIENNETTE
(se retournant pour redescendre.)
Oh ! ne croyez pas qu'ici intervienne chez moi le moindre sentiment d'amour-propre froissé; non, le sentiment auquel j'obéis est plus haut que cela !… oui, j'aime votre fils, mais je l'aime d'un amour tellement pur, tellement élevé, tellement… chaste ! qu'il a pris en quelque sorte quelque chose de supra-terrestre. Certes, quand il m'est apparu pour la première fois, alors qu'il me disputait aux flots, cela a été pour moi comme un coup de foudre ! comment n'aurais-je pas été séduite par tant de courage, de beauté physique ?

LA COMTESSE
(avec tout l'orgueil d'une mère.)
Ah ! n'est-ce pas qu'il est beau !

ETIENNETTE
(levant les yeux au ciel.)
S'il est beau !

LA COMTESSE
(d'une traite, et en en ayant plein la bouche.)
Oh ! oui, il est beau !

ETIENNETTE
Malheureusement quelques minutes après ces instants d'émotion, je devais le revoir encore et cette fois il portait la soutane. (Se laissant tomber sur le tabouret qu'occupait EUGENIE. Celle-ci pendant ce qui suit, derrière ETIENNETTE et un peu à droite 2, écoutera comme en extase, les deux bras presque tendus au-dessus de la tête d'ETIENNETTE.)
Cela a été comme une glace sur mon amour naissant. J'en ai compris aussitôt toute l'hérésie, toute l'impossibilité ! Alors, ce qui était chez moi un désir des sens, brusquement est devenu une dévotion pieuse. (Après un temps.)
J'ai revu M. Maurice; peu à peu il s'est emparé de mon âme; il l'a transformée, pétrie à ses idées, à ses croyances; il a fait de la femme déchue, une pécheresse repentante; il m'a sauvée du mal. Oh ! j'ai continué à l'adorer, oui !… j'ai continué, mais religieusement, dévotement, comme on adore au pied des autels : à genoux et prosternée.

LA COMTESSE
(les yeux fixés à terre, hochant la tête.)
Oui !… oui !

EUGENIE
(avec lyrisme.)
C'est bien, madame ! c'est bien ce que vous dites là.

ETIENNETTE
(se levant sur place. )
Et vous voulez après cela que je profane ce sentiment devenu si pur…? Oh ! madame la comtesse ! vous que monsieur votre fils m'a appris à révérer comme une sainte, comme la plus vertueuse des femmes, est-il possible qu'il ait pu naître en vous une pensée pareille !

LA COMTESSE
(profondément humiliée.)
Madame…!

EUGENIE
(2, au-dessus d'ETIENNETTE.)
Et faut-il que ce soit madame qui te rappelle à tes principes ? à tout ton passé ?

LA COMTESSE
(traversant la scène et gagnant le 1.)
Assez, assez!. , , mon Dieu, ces paroles : il me semble entendre l'écho de ma conscience !… (Les yeux au ciel.)
Mon Dieu, vous voyez ma détresse, éclairez-moi ! enseignez-moi la vérité !

EUGENIE
(avec le ton et le geste du prédicateur.)
La vérité, la vérité ! c'est de notre bouche qu'elle sort !

ETIENNETTE
Vous tremblez pour la santé de votre fils !… Eh ! madame, ne croyez donc pas ceux qui vous effraient ! c'est une crise passagère dont il se remettra ! Au-dessus de la santé de son corps, il y a la santé de son âme qui a droit à votre sollicitude.

EUGENIE
(avec énergie.)
Absolument !

LA COMTESSE
(ne sachant plus à quel saint se vouer.)
Ah ! mon Dieu !…

ETIENNETTE
(comme suprême argument.)
Et puis, et puis…! je ne peux pas être à lui et je ne veux pas qu'il soit à d'autres ! (Sur un ton d'imploration.)
Ah ! madame, qu'il reste chaste ! qu'il reste chaste !

LA COMTESSE
(avec énergie.)
Eh ! bien, oui ! Assez de compromission comme cela ! assez d'intrigues équivoques !… J'étais égarée; vous m'avez remise sur le chemin de la raison : merci, madame, je ne l'oublierai pas.

ETIENNETTE
(radieuse.)
Oui ?

EUGENIE
(avec un accent de triomphe.)
Ah ! je savais bien que la lumière se ferait.
(Elle gagne la droite.)

ETIENNETTE
Ah ! madame, que je suis heureuse de vous entendre parler ainsi !

EUGENIE
(s'inclinant avec respect.)
Madame, je vous avais mal jugée; je vous fais réparation.
(A ce moment on entend un bruit de rires à la cantonade, des "à dada ! à dada ! " et des "hue, là ! Hue ! ".)

LA COMTESSE
Qu'est-ce que c'est que ça ?

EUGENIE
"A dada"?

ETIENNETTE
(à part, gagnant au-dessus de la cheminée.)
Mon Dieu, Heurteloup, je l'avais oublié…!

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