ACTE II - SCENE VI
ROGER puis LA COMTESSE, EUGENIE, un en-tout-cas à la main et un réticule suspendu au poignet
ROGER
(allant ouvrir au fond et se rangeant côté gauche de la porte.)
Si madame la comtesse veut entrer. (Tandis que LA COMTESSE entre et descend à droite, à EUGENIE qui s'attarde dans le vestibule à regarder autour d'elle sur un ton amical et un peu protecteur.)
Entrez !… entrez, ma fille !
EUGENIE
(sur le seuil de la porte.)
"Ma fille"! Eh ! bien, dites donc, malotru !
(Elle gagne la gauche au-dessus de la table.)
ROGER
(sans s'émouvoir.)
Pardon !… (Rectifiant.)
Mademoiselle.
EUGENIE
(rectifiant.)
Madame.
ROGER
(conciliant.)
Madame. (A LA COMTESSE.)
Madame prie madame la comtesse de l'attendre un instant.
LA COMTESSE
Merci.
(ROGER sort.)
EUGENIE
(maugréant.)
"Ma fille ! " (A LA COMTESSE, tout en descendant entre la cheminée et la table.)
Tu vois ce que l'on gagne à aller chez ces dames; ce valet m'a prise pour une cocotte.
LA COMTESSE
Mais non ! pour une gouvernante, tout au plus ! tu as une tenue tellement sévère.
EUGENIE
(devant le tabouret de gauche.)
J'ai la tenue d'une femme honnête.
LA COMTESSE
Merci pour moi.
EUGENIE
Ecoute, Solange ! il en est encore temps ! Notre place n'est pas ici ! Allons-nous- en !
LA COMTESSE
(froidement décidée.)
Non, ma chère ! non ! inutile !
EUGENIE
Mais c'est fou, voyons ! toi, la femme rigide, la femme de toutes les vertus, aller composer avec une courtisane ! Et pour quel motif !
LA COMTESSE
Inutile je te dis, ma décision est prise. Va-t'en si tu veux; moi, je reste.
(Elle s'assied sur le tabouret de droite.)
EUGENIE
C'est bien, je resterai donc ! Ce n'est pas dans une pareille démarche que je t'abandonnerai à toi-même ! Mais cela m'est dur !
(Elle s'assied sur le tabouret de gauche.)
LA COMTESSE
Ah ! où as-tu vu que les calvaires fussent semés de roses !
(A ce moment paraît ETIENNETTE arrivant de gauche.)