ACTE PREMIER - SCÈNE .IV



(Les mêmes, PAULINE, GERTRUDE.)

LE GÉNÉRAL (apercevant Pauline.)
Ah ! te voilà, petite ?

GERTRUDE
N'est-ce pas qu'elle est jolie ?

GODARD
Mad…

GERTRUDE
Oh ! pardon, Monsieur, je ne voyais que mon ouvrage.

GODARD
Mademoiselle est éblouissante.

GERTRUDE
Nous avons du monde à dîner, et je ne suis pas belle-mère du tout ; j'aime à la parer, car c'est une fille pour moi.

GODARD (à part.)
On m'attendait !

GERTRUDE
Je vais vous laisser avec elle… faites votre déclaration. (Au général.)
Mon ami, allons au perron voir si notre cher docteur arrive.

LE GÉNÉRAL
Je suis tout à toi, comme toujours. (À Pauline.)
Adieu, mon bijou. (À Godard.)
Au revoir. (Gertrude et le général vont au perron ; mais Gertrude surveille Godard et Pauline. Ferdinand va pour sortir de la chambre de Pauline : sur un signe de cette dernière, il y rentre précipitamment.)

GODARD (sur le devant de la scène.)
Voyons, que dois-je lui dire de fin ? de délicat ? Ah ! j'y suis ! (À Pauline.)
Nous avons une bien belle journée, aujourd'hui, mademoiselle.

PAULINE
Bien belle, en effet, Monsieur.

GODARD
Mademoiselle ?

PAULINE
Monsieur ?

GODARD
Il dépend de vous de la rendre encore plus belle pour moi.

PAULINE
Comment ?

GODARD
Vous ne comprenez pas ? Madame de Granchamp, votre belle-mère, ne vous a-t-elle donc rien dit à mon sujet ?

PAULINE
En m'habillant, tout à l'heure, elle m'a dit de vous un bien infini !

GODARD
Et pensez-vous de moi quelque peu de ce bien qu'elle a pu la bonté de…

PAULINE
Oh ! tout, Monsieur !

GODARD (se plaçant dans un fauteuil. )(À part.)
Cela va trop bien. (Haut.)
Aurait-elle commis l'heureuse indiscrétion de vous dire que je vous aime tellement, que je voudrais vous voir la châtelaine de Rimonville ?

PAULINE
Elle m'a fait entendre vaguement que vous veniez ici dans une intention qui m'honore infiniment.

GODARD (à genoux.)
Je vous aime, Mademoiselle, comme un fou ; je vous préfère à mademoiselle de Blondville, à mademoiselle de Clairville, à mademoiselle de Verville, à mademoiselle de Pont-de-Ville… à…

PAULINE
Oh ! assez, Monsieur ! je suis confuse de tant de preuves d'un amour encore bien récent pour moi ! C'est presque une hécatombe. (Godard se lève.)
Monsieur votre père se contentait de conduire les victimes ! mais vous, vous les immolez.

GODARD (à part.)
Aïe, aie ! elle me persifle, je crois… Attends, attends !

PAULINE
Il faudrait au moins attendre ; et, je vous l'avouerai…

GODARD
Vous ne voulez pas vous marier encore… Vous êtes heureuse auprès de vos parents, et vous ne voulez pas quitter votre père.

PAULINE
C'est cela précisément.

GODARD
En pareil cas, il y a des mamans qui disent aussi que leur fille est trop jeune ; mais comme monsieur votre père vous donne vingt-deux ans, j'ai cru que vous pouviez avoir le désir de vous établir.

PAULINE
Monsieur !

GODARD
Vous êtes, je le sais, l'arbitre de votre destinée et de la mienne ; mais, fort des vœux de votre père et de votre seconde mère, qui vous supposent le cœur libre, me permettez-vous l'espérance ?

PAULINE
Monsieur, la pensée que vous avez eue de me rechercher, quelque flatteuse qu'elle soit pour moi, ne vous donne pas un droit d'inquisition plus qu'inconvenant.

GODARD (à part.)
Aurais-je un rival ?… (Haut.)
Personne, Mademoiselle, ne renonce au bonheur sans combattre.

PAULINE
Encore ?… Je vais me retirer, Monsieur.

GODARD
De grâce, Mademoiselle. (À part.)
Voilà pour ta raillerie.

PAULINE
Eh ! Monsieur, vous êtes riche, et personnellement si bien traité par la nature ; vous êtes si bien élevé, si spirituel, que vous trouverez facilement une jeune personne et plus riche et plus belle que moi.

GODARD
Mais quand on aime ?

PAULINE
Eh bien ! monsieur, c'est cela même.

GODARD (à part.)
Ah ! elle aime quelqu'un… je vais rester pour savoir qui. (Haut.)
Mademoiselle, dans l'intérêt de mon amour-propre, me permettez-vous au moins de demeurer ici quelques jours ?

PAULINE
Mon père, Monsieur, vous répondra.

GERTRUDE (s'avançant, à Godard.)
Eh bien ?

GODARD
Refusé net, durement et sans espoir ; elle a le cœur pris.

GERTRUDE ( à Godard.)
Elle ? une enfant que j'ai élevée, je le saurais ; et d'ailleurs, personne ne vient ici. (À part.)
Ce garçon vient de me donner des soupçons qui sont entrés comme des coups de poignard dans mon cœur. (À Godard.)
Demandez-lui donc…

GODARD
Ah ! bien, lui demander quelque chose ?… Elle s'est cabrée au premier mot de jalousie.

GERTRUDE
Eh bien ! je la questionnerai, moi !…

LE GÉNÉRAL
Ah ! voilà le docteur !… nous allons savoir la vérité sur la mort de la femme à Champagne.
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