ACTE QUATRIÈME - SCÈNE XV
(Les mêmes, moins VERNON, puis MARGUERITE.)
GERTRUDE (au général qui est resté comme abasourdi par le dernier mot de Vernon.)
Eh bien ! qu'avez-vous ?
LE GÉNÉRAL (passant devant Gertrude pour aller à Pauline.)
Rien !… rien ! Voyons, ma Pauline, épouses-tu Godard de ton plein gré ?
PAULINE
De mon plein gré.
GERTRUDE (à part.)
Ah !
LE GÉNÉRAL
Il va venir.
PAULINE
Je l'attends !
LE GÉNÉRAL (à part.)
Il y a bien du dépit dans ce mot-là.
(Marguerite paraît avec une tasse.)
GERTRUDE
C'est trop tôt, Marguerite, l'infusion ne sera pas assez forte !… (Elle goûte.)
Je vais aller arranger cela moi-même.
MARGUERITE
J'ai cependant l'habitude de soigner mademoiselle.
GERTRUDE
Que signifie ce ton que vous prenez ?
MARGUERITE
Mais… Madame…
LE GÉNÉRAL
Marguerite, encore un mot et nous nous brouillerons, ma vieille.
PAULINE
Allons, Marguerite, laisse faire madame de Grandchamp.
(Gertrude sort avec Marguerite.)
LE GÉNÉRAL
Voyons, nous n'avons donc pas confiance dans notre pauvre père qui nous aime ? Eh bien ! dis-moi pourquoi tu refusais si nettement Godard hier, et pourquoi tu l'acceptes aujourd'hui ?
PAULINE
Une idée de jeune fille !
LE GÉNÉRAL
Tu n'aimes personne ?
PAULINE
C'est bien parce que je n'aime personne que j'épouse votre M. Godard !
(Gertrude rentre avec Marguerite.)
LE GÉNÉRAL
Ah !
GERTRUDE
Tiens, ma chère petite, prends garde, c'est un peu chaud.
PAULINE
Merci, ma mère !
LE GÉNÉRAL
Sa mère !… En vérité, c'est à en perdre l'esprit !
PAULINE
Marguerite, le sucrier ?
(Elle profite du moment où Marguerite sort et où Gertrude cause avec le général pour mettre le poison dans la tasse, et laisse tomber à terre le papier qui le contenait.)
GERTRUDE (au général.)
Qu'avez-vous ?
LE GÉNÉRAL
Ma chère amie, je ne conçois rien aux femmes je suis comme Godard.
(Rentre Marguerite.)
GERTRUDE
Vous êtes comme tous les hommes.
PAULINE
Ah !
GERTRUDE
Qu'as-tu, mon enfant ?
PAULINE
Rien !… rien !…
GERTRUDE
Je vais te préparer une seconde tasse…
PAULINE
Oh ! non, Madame… celle-ci suffit. Il faut attendre le docteur.
(Elle a posé la tasse sur un guéridon.)