ACTE CINQUIÈME - SCÈNE IX
(VERNON GERTRUDE, RAMEL, LE JUGE, LE GREFFIER.)
GERTRUDE
Je doute de moi, je rêve… je suis…
RAMEL
Vous êtes perdue, Madame.
GERTRUDE
Oui, Monsieur ! mais par qui !
LE JUGE (au greffier.)
Écrivez que madame de Grandchamp nous ayant ouvert elle-même le secrétaire de sa chambre à coucher, et nous ayant elle-même présenté le paquet cacheté par le sieur Baudrillon, ce paquet, intact avant-hier, s'est trouvé décacheté… et qu'il y a été pris une dose plus que suffisante pour donner la mort.
GERTRUDE
La mort !… moi ?
LE JUGE
Madame, ce n'est pas sans raisons que j'ai saisi dans votre secrétaire ce papier déchiré. Nous avons saisi chez mademoiselle de Grandchamp ce fragment qui s'y adapte parfaitement, et qui prouve qu'arrivée à votre secrétaire, vous avez, dans le trouble où le crime jette tous les criminels, pris ce papier pour envelopper la dose que vous deviez mêler à l'infusion.
GERTRUDE
Vous avez dit que vous étiez mon protecteur ! eh bien ! cela, voyez-vous…
LE JUGE
Attendez, Madame ! devant de telles présomptions, je suis obligé de convertir le mandat d'amener, décerné contre vous, en un mandat de dépôt. (Il signe.)
Maintenant, Madame, vous êtes en état d'arrestation.
GERTRUDE
Eh bien ! tout ce que vous voudrez !… Mais votre mission, avez-vous dit, est de chercher la vérité… cherchons-la… oh ! cherchons-la.
LE JUGE
Oui, Madame.
GERTRUDE (à Ramel en pleurant.)
Oh ! Monsieur ! Monsieur !…
RAMEL
Avez-vous quelque chose à dire pour votre défense qui puisse nous faire revenir sur cette terrible mesure ?
GERTRUDE
Messieurs, je suis innocente du crime d'empoisonnement, et tout est contre moi ! Je tous en supplie, au lieu de me torturer, aidez-moi ?… Tenez, on doit m'avoir pris ma clef, voyez-vous ? On doit être venu dans ma chambre… Ah ! je comprends… (À Ramel.)
Pauline aimait comme j'aime : elle s'est empoisonnée.
RAMEL
Pour votre honneur, ne dites pas cela sans des preuves convaincantes, autrement…
LE JUGE
Madame, est-il vrai qu'hier, sachant que le docteur Vernon devait dîner chez vous, vous l'ayez envoyé…
GERTRUDE
Oh ! vous, vos questions sont autant de coups de poignard pour mon cœur ! Et vous allez, vous allez toujours.
LE JUGE
L'avez-vous envoyé soigner un ouvrier au Pré-l'Évêque ?
GERTRUDE
Oui, Monsieur.
LE JUGE
Cet ouvrier, Madame, était au cabaret et très-bien portant.
GERTRUDE
Champagne avait dit qu'il était malade.
LE JUGE
Champagne, que nous avons interrogé, dément cette assertion, et n'a point parlé de maladie. Vous vouliez écarter les secours.
GERTRUDE (à part.)
Oh ! Pauline ! c'est elle qui m'a fait renvoyer Vernon ! Oh ! Pauline ! tu m'entraînes avec toi dans la tombe, et j'y descendrais criminelle ! Oh non ! non ! non ! (À Ramel.)
Monsieur, je n'ai plus qu'une ressource. (À Vernon.)
Pauline existe-t-elle encore ?
VERNON (désignant le général.)
Voici ma réponse !