ACTE CINQUIÈME - SCÈNE X
(Les mêmes, LE GÉNÉRAL.)
LE GÉNÉRAL (à Vernon.)
Elle se meurt, mon ami ! Si je la perds, je n'y survivrai pas.
VERNON
Mon ami !
LE GÉNÉRAL
Il me semble qu'il y a bien du monde ici… Que fait-on ? Sauvez la ! Où donc est Gertrude ?
(On le fait asseoir au fond à gauche.)
GERTRUDE ( se traînant aux pieds du général.)
Mon ami !… pauvre père !… Ah ! je voudrais que l'on me tuât à l'instant, sans procès… (Elle se lève.)
Non, Pauline m'a enveloppée dans son suaire, et je sens ses doigts glacés autour de mon cou… Oh ! j'étais résignée ! j'allais, oui, j'allais ensevelir avec moi le secret de ce drame domestique, épouvantable, et que toutes les femmes devraient connaître ! mais je suis lasse de cette lutte avec un cadavre qui m'étreint, qui me communique la mort ! Eh bien ! mon innocence sortira victorieuse de ces aveux aux dépens de l'honneur ; mais je ne serai pas du moins une lâche et vile empoisonneuse. Ah ! je vais tout dire.
LE GÉNÉRAL (se levant et s'avançant.)
Ah ! vous allez donc dire à la justice ce que vous me taisez si obstinément depuis deux jours. oh ! lâche et ingrate créature… mensonge caressant… Vous m'avez tué ma fille, qu'allez-vous me tuer encore !
GERTRUDE
Faut-il se taire !… Faut-il parler ?
RAMEL
Général, de grâce, retirez-vous ? la loi le veut.
LE GÉNÉRAL
La loi !… vous êtes la justice des hommes ; moi, je suis la justice de Dieu, je suis plus que vous tous ! je suis l'accusateur, le tribunal, l'arrêt et l'exécuteur… Allons, parlez, Madame.
GERTRUDE (aux genoux du général.)
Pardon, Monsieur… Oui, je suis…
RAMEL (à part.)
Oh ! la malheureuse !
GERTRUDE (à part.)
Oh! non! non!… pour son honneur, qu'il ignore toujours la vérité! (Haut.)
Coupable pour tout le monde, à vous, je vous dirai jusqu'à mon dernier soupir que je suis innocence, et que quelque jour la vérité sortira de deux tombes, vérité cruelle, et qui vous prouvera que vous aussi vous n'êtes pas exempt de reproches, que vous aussi, peut-être à cause de vos haines aveugles, vous êtes coupable.
LE GÉNÉRAL
Moi! moi!… Oh! ma tête se perd… vous osez m'accuser. (Apercevant Pauline.)
Ah!… ah!… mon Dieu!