ACTE PREMIER - SCÈNE PREMIÈRE



(Le théâtre représente un salon assez orné ; il s'y trouve les portraits de l'empereur et de son fils. On y entre par une porte donnant sur un perron à marquise. La porte des appartements de Pauline est à droite du spectateur ; celle des appartements du général et de sa femme est à gauche. De chaque côté de la porte du fond il y a, à gauche, une table, et à droite une armoire façon de Boule.)
(Une jardinière pleine de fleurs se trouve dans le panneau à glace à côté de l'entrée des appartements de Pauline. En face, est une cheminée avec une riche garniture. Sur le devant du théâtre, il y a deux canapés à droite et à gauche.)
(Gertrude entre en scène avec des fleurs qu'elle vient de cueillir pendant sa promenade et qu'elle met dans la jardinière.)
(GERTRUDE, LE GÉNÉRAL.)

GERTRUDE
Je t'assure, mon ami, qu'il serait imprudent d'attendre plus longtemps pour marier ta fille, elle a vingt-deux ans. Pauline a trop tardé à faire un choix ; et, en pareil cas, c'est aux parents à établir leurs enfants… d'ailleurs j'y suis intéressée.

LE GÉNÉRAL
Et comment ?

GERTRUDE
La position d'une belle-mère est toujours suspecte. On dit depuis quelque temps dans tout Louviers que c'est moi qui suscite des obstacles au mariage de Pauline.

LE GÉNÉRAL
Ces sottes langues de petites villes ! je voudrais en couper quelques-unes ! T'attaquer, toi, Gertrude, qui depuis douze ans es pour Pauline une véritable mère ! qui l'a si bien élevée !

GERTRUDE
Ainsi va le monde ! On ne nous pardonne pas de vivre à une si faible distance de la ville, sans y aller. La société nous punit de savoir nous passer d'elle ! Crois-tu que notre bonheur ne fasse pas de jaloux ? Mais notre docteur…

LE GÉNÉRAL
Vernon ?…

GERTRUDE
Oui, Vernon est très-envieux de toi : il enrage de ne pas avoir su inspirer à une femme l'affection que j'ai pour toi. Aussi, prétend-il que je joue la comédie ! Depuis douze ans ? comme c'est vraisemblable !

LE GÉNÉRAL
Une femme ne peut pas être fausse pendant douze ans sans qu'on s'en aperçoive. C'est stupide ! Ah ! Vernon ! lui aussi !

GERTRUDE
Oh ! il plaisante ! Ainsi donc, comme je te le disais, tu vas voir Godard. Cela m'étonne qu'il ne soit pas arrivé. C'est un si riche parti, que ce serait une folie que de le refuser. Il aime Pauline, et quoiqu'il ait ses défauts, qu'il soit un peu provincial, il peut rendre ta fille heureuse.

LE GÉNÉRAL
J'ai laissé Pauline entièrement maîtresse de se choisir un mari.

GERTRUDE
Oh ! sois tranquille ! une fille si douce ! si bien élevée ! si sage !

LE GÉNÉRAL
Douce ! elle a mon caractère, elle est violente.

GERTRUDE
Elle, violente ! Mais toi, voyons ?… Ne fais-tu pas tout ce que je veux ?

LE GÉNÉRAL
Tu es un ange, tu ne veux jamais rien qui ne me plaise ! À propos, Vernon dîne avec nous après son autopsie.

GERTRUDE
As-tu besoin de me le dire ?

LE GÉNÉRAL
Je ne t'en parle que pour qu'il trouve à boire les vins qu'il affectionne !

FÉLIX (entrant)
M. de Rimonville.

LE GÉNÉRAL
Faites entrer.

GERTRUDE (elle fait signe à Félix de ranger la jardinière.)
Je passe chez Pauline pendant que vous causerez affaires, je ne suis pas fâchée de surveiller un peu l'arrangement de sa toilette. Ces jeunes personnes ne savent pas toujours ce qui leur sied le mieux.

LE GÉNÉRAL
Ce n'est pas faute de dépense car depuis dix-huit mois sa toilette coûte le double de ce qu'elle coûtait auparavant ; après tout, pauvre fille, c'est son seul plaisir.

GERTRUDE
Comment, son seul plaisir ? et celui de vivre en famille comme nous vivons ! Si je n'avais pas le bonheur d'être ta femme, je voudrais être ta fille !… Je ne te quitterai jamais, moi ! (Elle fait quelques pas.)
Depuis dix-huit mois, tu dis ? c'est singulier !… En effet, elle porte depuis ce temps-là des dentelles, des bijoux, de jolies choses.

LE GÉNÉRAL
Elle est assez riche pour pouvoir satisfaire ses fantaisies.

GERTRUDE
Et elle est majeure ! (À part.)
La toilette, c'est la fumée ! y aurait-il du feu ? (Elle sort.)
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