(Les mêmes, GODARD.)
GODARD
Mesdames, je suis déjà venu pour vous présenter mes hommages et mes respects, mais j'ai trouvé la porte close… Général, je vous souhaite le bonjour. (Le général lit les journaux et le salue de la main.)
Ah ! voila mon adversaire d'hier. Vous venez prendre votre revanche, docteur ?
VERNON
Non, je viens prendre le thé.
GODARD
Ah ! vous avez ici cette habitude anglaise, russe et chinoise ?
PAULINE
Préférez-vous le café ?
GERTRUDE
Marguerite, du café.
GODARD
Non, non, permettez-moi de prendre du thé ; je ne ferai pas comme tous les jours… D'ailleurs vous déjeunez, je le vois, à midi ; le café au lait me couperait l'appétit pour le déjeuner. Et puis les Anglais, les Russes et les Chinois n'ont pas tout à fait tort.
VERNON
Le thé, Monsieur, est une excellente chose.
GODARD
Quand il est bon.
PAULINE
Celui-ci, Monsieur, est du thé de caravane.
GERTRUDE
Docteur, tenez, voilà les journaux. (À Pauline.)
Va causer avec M. de Rimonville, mon enfant ; moi, je ferai le thé.
GODARD
Mademoiselle de Grandchamp ne veut peut-être pas plus de ma conversation que de ma personne ?…
PAULINE
Vous vous trompez, Monsieur.
LE GÉNÉRAL
Godard…
PAULINE
Si vous me faites la faveur de ne plus vouloir de moi pour femme, vous possédez alors à mes yeux les qualités brillantes qui doivent séduire mesdemoiselles Boudeville, Clinville, Derville, et cætera.
GODARD
Assez, Mademoiselle. Ah ! comme vous vous moquez d'un amoureux éconduit qui cependant a quarante mille livres de rente ! Plus je reste ici, plus j'ai de regrets. Quel heureux homme que M. Ferdinand de Charny !
PAULINE
Heureux ! et de quoi ? pauvre garçon ! d'être le commis de mon père.
GERTRUDE
M. de Rimonville.
LE GÉNÉRAL
Godard…
GERTRUDE
M. de Rimonville.
LE GÉNÉRAL
Godard, ma femme vous parle.
GERTRUDE
Aimez-vous le thé peu ou beaucoup sucré ?
GODARD
Médiocrement.
GERTRUDE
Pas beaucoup de crème ?
GODARD
Au contraire, beaucoup, madame la comtesse… (À Pauline.)
Ah ! M. Ferdinand n'est pas celui qui… que vous avez distingué… Eh bien ! moi, je puis vous assurer qu'il est fort du goût de votre belle-mère.
PAULINE (à part.)
Quelle peste que ces curieux de province !
GODARD (à part.)
Il faut que je m'amuse un peu avant de prendre congé ! Je veux faire mes frais.
GERTRUDE
M. de Rimonville, si vous désirez quelque chose de substantiel, voilà des sandwich.
GODARD
Merci, Madame !
GERTRUDE (à part.)
Tout n'est pas perdu pour vous.
GODARD
Oh ! Madame ! j'ai fait bien des réflexions sur le refus de mademoiselle de Grandchamp.
GERTRUDE
Ah ! (Au docteur.)
Docteur, le vôtre comme à l'ordinaire ?…
LE DOCTEUR
S'il vous plaît, Madame ?
GODARD (à Pauline.)
Pauvre garçon ! avez-vous dit Mademoiselle ? Mais M. Ferdinand n'est pas si pauvre que vous le croyez ! il est plus riche que moi.
PAULINE
D'où savez-vous cela ?
GODARD
J'en suis certain, et je vais tout vous expliquer. Ce M. Ferdinand, que vous croyez connaître, est un garçon excessivement dissimulé…
PAULINE (à part.)
Grand Dieu ! saurait-il son nom ?
GERTRUDE (à part.)
Quelques gouttes d'opium versées dans son thé l'endormiront, et je serai sauvée.
GODARD
Vous ne vous doutez pas de ce qui m'a mis sur la voie…
PAULINE
Oh ! Monsieur ! de grâce…
GODARD
C'est le procureur du roi. Je me suis souvenu que chez les Boudeville, on disait que votre commis…
PAULINE (à part.)
Il me met au supplice.
GERTRUDE (présentant une tasse à Pauline.)
Tiens, Pauline.
VERNON (à part.)
Ai-je la berlue ? j'ai cru lui voir mettre quelque chose dans la tasse de Pauline.
PAULINE
Et que disait-on ?
GODARD
Ah ! ah ! comme vous m'écoutez !… Je serais bien flatté de savoir que vous auriez cet air-là pendant que quelqu'un vous parlerait de moi, comme je vous parle de M. Ferdinand.
PAULINE
Quel singulier goût a le thé ! Trouvez-vous le vôtre bon ?
GODARD
Vous vous en prenez à votre thé pour cacher l'intérêt que vous prêtez à ce que je vous dis. C'est connu ! Eh bien ! je viens exciter votre surprise à un haut degré… Apprenez que M. Ferdinand est…
PAULINE
Est…
GODARD
Millionnaire !
PAULINE
Vous vous moquez de moi, M. Godard.
GODARD
Sur ma parole d'honneur, Mademoiselle, il possède un trésor… (À part.)
Elle est folle de lui.
PAULINE (à part.)
Quelle peur ce sot m'a faite !
(Elle se lève avec sa tasse que Vernon saisit.)
VERNON
Donnez, mon enfant.
LE GÉNÉRAL (à sa femme.)
Qu'as-tu, chère amie, tu me sembles ?…
VERNON ( Il a changé Sa tasse contre celle de Pauline et rend la sienne à Gertrude. )(À part.)
C'est du laudanum, la dose est légère heureusement ; allons, il va se passer ici quelque chose d'extraordinaire. (À Godard.)
M. Godard ?… vous êtes un rusé compère. (Godard prend son mouchoir et fait le geste de se moucher. Vernon rit.)
Ah !
GODARD
Docteur ! sans rancune.
VERNON
Voyons ! vous sentez-vous capable d'emmener le général à la fabrique, et de l'y retenir une heure ?…
GODARD
Il me faudrait le petit.
VERNON
Il est à l'école jusqu'au dîner.
GODARD
Et pourquoi voulez-vous ?
VERNON
Je vous en prie, vous êtes un galant homme, il le faut… Aimez-vous Pauline ?
GODARD
Oh ! je l'aimais hier, mais ce matin… (À part.)
Je devinerai bien ce qu'il me cache. (À Vernon.)
Ce sera fait ! Je vais aller au perron, je rentrerai dire au général que Ferdinand le demande ; et soyez tranquille… Ah ! voilà Ferdinand, bon !
(Il va au perron.)
PAULINE
C'est singulier, comme je me sens engourdie.
(Elle s'étend pour dormir ; Ferdinand paraît et cause avec Godard.)
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