ACTE IV - SCENE IV



LES MEMES, UN VALET DE PIED, STANISLAS
LE 1er VALET DE PIED, entrant et annonçant.
Monsieur Stanislas Slovitchine.

ARNOLD
(se dressant, à part.)
Le patron !

LA DUCHESSE
Lui ! (Pivotant sur ses jambes pour filer.)
Oh ! là ! là ! là ! là !

LE DUC
(à ARNOLD, le faisant asseoir. Restez donc, cher ami. (Se retournant sans lâcher ARNOLD et voyant LA DUCHESSE qui détale.))
Eh ! bien, quoi donc,
Duchesse ?

LA DUCHESSE
(traversant la scène pour sortir de droite.)
Voilà ! Voilà ! Voilà !

LE DUC
(voyant ARNOLD qui fait des efforts pour se lever.)
Mais restez donc ! Ça va être très drôle.

ARNOLD
(assis.)
Ah ! Je ne crois pas.
(Il se fait tout petit contre LE DUC.)

LE DUC
(assis près d'ARNOLD et l'abritant de son corps pour le dissimuler à STANISLAS, tandis que de la main droite il tapote la chaise libre près de lui pour inviter STANISLAS à s'asseoir.)
Venez, mon cher monsieur Slovitchine, j'avais hâte de vous voir.

STANISLAS
(s'asseyant sans avoir vu ARNOLD.)
Ah ! Excellence, je viens d'apprendre que vous aviez enfin retrouvé le roi.

LE DUC
(malicieux.)
Le roi ! oui, oui ! Nous en causions justement avec une personne de votre connaissance.

STANISLAS
Vraiment ! Qui donc ?
(Le Duc, soulevant son bras droit dont il barrait ARNOLD, et la tête de celui-ci se dégageant de dessous son aisselle.)
Monsieur.

STANISLAS
(se dressant.)
Ah ! (A ARNOLD.)
Eh ! bien, qu'est-ce que vous faites-là, vous ?

ARNOLD
(penaud et sans bouger de place.)
II me tient !

LE DUC
(passant familièrement son bras autour du cou d'ARNOLD.)
Vous voyez, nous causions, monsieur votre frère et moi.

ARNOLD
(à part.)
Aïe !

STANISLAS
(qui ne comprend pas.)
Mon frère ?

LE DUC
(serrant familièrement ARNOLD contre sa poitrine.)
Mais lui ! ce cher ami !…

STANISLAS
Lui ! Mais c'est mon valet de chambre !

LE DUC
(se reculant instinctivement.)
Valet de chambre !

STANISLAS ET ARNOLD
Mais oui !

LE DUC
(revenant à son idée.)
Ah ! Oui ! Oui ! C'est convenu ! Tchin ! Tchin ! c'est très drôle ! Eh bien ! non ! c'est pas la peine, on ne nous la fait pas, à nous.

STANISLAS
Comment, on ne vous la fait pas ? Mais je vous donne ma parole d'honneur,
Excellence. (Tirant son portefeuille de son habit.)
Et tenez, je dois avoir dans mon portefeuille un portrait de mon frère.

LE DUC
Un portrait de votre frère ?

STANISLAS
(qui a tiré le portrait tout en parlant.)
Tenez, jugez par vous-même.

LE DUC
(regarde le portrait, puis ARNOLD avec méfiance.)
C'est votre frère, ça ?

STANISLAS
Absolument.

LE DUC
(avec l'air profond d'un juge qui confond un coupable.)
Mais… il ne lui ressemble pas.

STANISLAS
Non !

LE DUC
(se dégageant d'ARNOLD qui se lève.)
Mais alors !… (A ARNOLD en lui donnant une forte tape sur l'épaule, ce qui le fait tomber assis sur une chaise qu'il vient de quitter.)
Ah ça ! qu'est-ce que vous faites ici, vous ?

ARNOLD
(très troublé.)
Mais…

LE DUC
(l'empoignant entre le cou et l'épaule; le soulevant littéralement en l'air et le faisant retomber à sa gauche.)
Allons, debout, misérable serf !

ARNOLD
(à part au milieu de la scène.)
Comment m'appelle-t-il ?

LE DUC
(marchant sur lui et dans le blanc des yeux.)
Dans mon pays, je t'aurais fait une fois appliquer le knout !… sur des reins !… et sur les fesses !… Sais-tu un peu ce que c'est ?

ARNOLD
Les fesses ?

LE DUC
Non, le knout !

ARNOLD
Non.

LE DUC
(le forçant à remonter en marchant sur lui.)
Eh bien ! Je regrette de ne pouvoir te l'apprendre.
(Il redescend légèrement.)

ARNOLD
(à part.)
Est-il gentil.

LE DUC
(se retournant et voyant ARNOLD toujours là.)
Allons, à l'office ! ARNOLD, remontant.
Oui, Excellence.

LE DUC
Misérable serf !
(Il gagne la gauche.)

ARNOLD
(sur le point de sortir, entre ses dents.)
Je veux bien, mais s'il y en a un des deux qu'on peut traiter de cerf !… Eh ! bien, mon vieux !…
(En même temps qu'ARNOLD, les officiers sont remontés et ont gagné la salle du fond. Les portes se referment.)

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