ACTE III - Scène 8


Beatrice et Florindo

Florindo
Tu loges dans cette auberge ?

Beatrice
Je m'y suis installée ce matin.

Florindo
Et moi aussi ce matin. Et nous ne nous sommes pas croisés plus tôt ?

Beatrice
Le sort a voulu nous tourmenter encore.

Florindo
Ton frère Federigo est-il vraiment mort ?

Beatrice
Il est mort sur le coup.

Florindo
On a voulu me faire croire qu'il était ici, à Venise.

Beatrice
Je me suis fait passer pour lui. J'ai quitté Turin avec ses vêtements pour te retrouver

Florindo
Je sais. Je l'ai appris par une lettre de Turin.

Beatrice
Comment s'est-elle retrouvée entre tes mains ?

Florindo
Ton valet a prié le mien d'aller chercher ses lettres à la Poste. Je suis tombé sur l'une d'entre elles et je n'ai pu m'empêcher de l'ouvrir.

Beatrice
Et nos valets, on ne les voit toujours pas.

Florindo
Pour obtenir la vérité. Il faudra les prendre par la douceur… Viens, viens, n'aie pas peur.

Truffaldino (Aux spectateurs)
J'ai déjà vu cet homme quelque part.

Beatrice
Nous ne voulons te faire aucun mal.

Brighella
Si nous trouvons l'autre, nous vous l'amènerons.

Florindo
Oui, il est nécessaire qu'ils soient là tous les deux.

Brighella (au garçon)
Tu as vu l'autre ?

Le Garçon (à Brighella)
Moi ? Non.

Brighella (au garçon)
Je vais voir en cuisine. (Il part.)

Florindo
Allons, raconte-nous un peu comment un portrait peut se retrouver dans une autre besace et un livre dans une autre malle

Truffaldino
Monsieur…vous êtes de la police ?
Florindo : Pas du tout

Truffaldino
En ce cas je n'ai rien à vous dire… je n'ai de compte à rendre qu'à Mademoiselle car c'est elle qui m'emploie.

Florindo
Eh Truffaldino ! (Prenant sa voix de femme)
tu ne me reconnais pas ?

Truffaldino
Madame ! Monsieur ? …Monsieur… (Aux spectateurs)
je me disais aussi que je le connaissais…
(Béatrice et Florindo se regardent et comprennent qu'ils ont le même serviteur)

Florindo
Ah traître ! Tu as servi deux maîtres en même temps ?

Truffaldino
Oui, j'ai accompli cet exploit ! j'ai commis quelques fautes mais j'espère qu'en faveur de l'extravagance, vos seigneuries me pardonneront !

Beatrice
En faveur de ton extravagance et surtout de notre union, nous te pardonnons

Florindo
J'aurais aimé avoir mon mot à dire sur ce chapitre

Beatrice
Avec ou sans ta permission je me charge de clore celui-ci, tu trouveras d'autres mots à dire sur de nouveaux chapitres
(Arrivée de Brighella, Pantalone , Silvio, Clarice, Dottore, smeraldina)

Pantalone
Brighella ! C'est bien vous qui m'avez juré que mademoiselle Béatrice était le Seigneur Federigo ?

Brighella
Comment pouvais-je ne pas confondre ? Le frère et la sœur se ressemblaient comme deux gouttes d'eau. Avec ses habits d'homme, j'aurais donné ma tête à couper que c'était lui.

Pantalone
Même si je ne vous crois pas mon cher ami, je veux bien laisser le passé derrière nous !

Clarice
Beatrice, je suis heureuse que tout s'arrange pour vous !

Beatrice
Mademoiselle, messieurs, je vous implore de me pardonner si je vous ai causé du tracas.

Clarice
Ce n'est rien ma chère amie. (Elles se serrent dans les bras l'une de l'autre)

Silvio (mécontent de cette accolade)
Hé là !

Beatrice (à Silvio)
Comment ! Jaloux, même d'une femme ?

Silvio (pour lui)
Ces vêtements m'abuseront toujours !

Pantalone (à Beatrice)
Eh bien mademoiselle Beatrice, on peut dire que pour une femme vous avez bien de l'audace. ou bien : vous en avez dans la culotte

Beatrice
Bien des femmes pourraient continuer à vous surprendre Monseigneur

Silvio
Et maintenant que je suis comblé, je veux que tout le monde le soit avec moi.

Dottore
Et s'il y a d'autres mariages à faire ? Qu'on les fasse !

Smeraldina
Hé monsieur ! Il y aurait le mien.

Dottore
Avec qui ?

Smeraldina
Avec le premier venu !

Pantalone
Trouve-le et je t'offre ta dot !

Smeraldina (désignant Truffaldino)
Il pourrait même ressembler à ce nigaud-là

Truffaldino
Alors s'il doit me ressembler je vous propose que ce soit moi

Pantalone
Qu'en dis-tu Smeraldina ?

Smeraldina
Monseigneur…comme j'ai envie d'un époux qui me fasse rire, je ferais bien mon affaire de celui-ci

Truffaldino
A laquelle de mes deux Seigneuries dois-je demander le consentement ?

Beatrice
Au tour de Florindo.

Florindo
Même si je doute que ce soit un beau cadeau à faire à Smeraldina , je ne m'opposerais pas à cette union-là

Brighella
Le temps est à la fête, faisons trembler de joie les murs de mon auberge.
Et comme on est à Venise chantons en Italien l'histoire d'Arlequin et de ses deux maitres.
(Chanson du sonnet en italien)
(FIN)


Autres textes de Carlo Goldoni

L'Éventail

La pièce "L'Éventail" (Il Ventaglio), écrite par Carlo Goldoni en 1765, est une comédie en trois actes qui se déroule dans un village italien. Elle repose sur une intrigue légère...

Les Rustres

La pièce "Les Rustres" (I Rusteghi), écrite par Carlo Goldoni en 1760, est une comédie en trois actes qui critique les conventions rigides et l’autoritarisme des hommes dans la société...



Les auteurs


Les catégories

Médiawix © 2025