ACTE II - Scène 2


Il dottore puis Pantalone

Dottore (Aux spectateurs)
La colère lui fait perdre la tête.

Pantalone
Mon cher ami (petit rituel d'accolade)
Je voulais justement vous parler ainsi qu'à votre fils.

Dottore
J'imagine que vous veniez à notre rencontre pour nous dire que mademoiselle Clarice épousera bien Silvio ?

Pantalone (manifestement embarrassé)
Je vous demande pardon mais…

Dottore
Vous n'avez pas besoin de vous excuser. Je comprends tout à fait la situation embarrassante dans laquelle vous vous êtes trouvé. Je vous pardonne au nom de notre amitié.

Pantalone (toujours aussi embarrassé)
Si l'on considère ma promesse faite au seigneur Federigo…

Dottore
Il vous a pris par surprise, vous n'avez pas eu le temps de réfléchir ; et vous n'avez pas pensé à l'affront que vous infligiez à notre maison.

Pantalone
On ne peut parler d'affront lorsqu'on est lié par un contrat…

Dottore
Vous allez me dire que vous avez cru, à première vue, que la promesse faite au seigneur Federigo était indissoluble puisque conclue par un contrat. Mais il s'agissait d'un contrat conclu entre vous et lui ; Celui qui nous lie, en revanche, est consolidé par le souhait de votre fille et vous savez bien qu'en matière de mariage : (Consensus et non concubitus facit virum.)

Pantalone
Je ne comprends pas le latin.

Dottore
le consentement mutuel des deux époux est nécessaire pour constituer un mariage… Il ne faut pas sacrifier la vie de nos enfants.

Pantalone
Avez-vous quelque chose à ajouter ?

Dottore
J'ai dit ce que j'avais à dire.

Pantalone
Vous avez fini ?

Dottore
J'ai fini.

Pantalone
Je peux parler ?

Dottore
Vous pouvez.

Pantalone
Mon cher Monsieur Dottore, votre latin…

Dottore
Pour la dot, nous nous arrangerons. Un peu plus, un peu moins, ça m'est égal.

Pantalone
Voulez-vous me laisser parler ?

Dottore
Parlez.

Pantalone
Votre latin est fort intéressant mais dans ce cas précis, il ne nous sert à rien.

Dottore
Vous allez souffrir qu'un tel mariage se conclue ?

Pantalone
J'ai donné ma parole, je ne peux m'en défaire et ma fille est d'accord de son plein gré ; Je venais justement à votre rencontre pour vous en informer.

Dottore
Si Je m'étonne de la volteface de votre fille, je suis surtout scandalisé par votre comportement à notre égard. Si vous n'étiez pas sûr de la mort du seigneur Federigo, vous ne deviez pas prendre d'engagement vis-à-vis de mon fils. Le mariage conclu entre votre fille et Silvio, (coram testibus, )
ne peut être dissous par une simple parole échangée entre Federigo et vous ; quelque-soit la puissance de la famille Rasponi. Etant données les circonstances, j'aurais la possibilité d'obtenir l'annulation de ce nouveau contrat et obliger votre fille à prendre mon fils pour mari mais j'aurais honte d'accueillir chez moi une bru aussi légère, fille d'un homme lâche et sans parole. Seigneur Pantalone, vous vous souviendrez que vous m'avez fait cet affront, à moi, à la Maison des Lombardi ; viendra le temps où je vous en demanderai réparation ; viendra le temps où vous le regretterez : omnia tempus habent.
(Il s'en va)


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