La pièce "Les Rustres" (I Rusteghi), écrite par Carlo Goldoni en 1760, est une comédie en trois actes qui critique les conventions rigides et l’autoritarisme des hommes dans la société patriarcale vénitienne du XVIIIᵉ siècle. Elle met en scène quatre personnages masculins, appelés les "rustres", dont le comportement rigide, sévère et misogyne provoque des tensions dans leurs familles respectives. Avec humour et légèreté, Goldoni dépeint le conflit entre traditions oppressives et désirs de liberté, notamment pour les femmes.
Les rustres, Lunardo, Maurizio, Simon et Canciano, sont des hommes austères, dominateurs et attachés à des valeurs conservatrices. Ils méprisent les mondanités et interdisent à leurs femmes et filles de participer à la vie sociale. Lunardo prévoit de marier sa fille Lucietta à Filippetto, le fils de Maurizio, mais il souhaite organiser ce mariage sans consulter ni la jeune fille ni sa femme, Margarita.
Cependant, les femmes de la pièce, menées par Margarita, ne se laissent pas faire. Avec l’aide de Felice, l’épouse de Canciano, elles organisent une rencontre secrète entre Lucietta et Filippetto pour que les jeunes gens puissent se voir avant le mariage, ce qui était interdit par les rustres. Les intrigues et les malentendus qui suivent mettent en lumière le fossé entre l’autoritarisme des hommes et les aspirations des femmes à davantage de liberté et d’autonomie.
Au terme de la pièce, les rustres sont confrontés à leurs propres excès. Bien que leur comportement ne change pas fondamentalement, le comique de la situation et l’habileté des femmes à contourner leur autorité permettent un dénouement heureux : les jeunes amoureux sont réunis, et les femmes gagnent une forme de triomphe sur leurs maris rigides.
CANCIANO citoyen de Venise.FELICE femme de GANCIANO.LE COMTE RICCARDO.LUNARDO marchand.MARGARIT sa femme, en secondes noces.LUCIETTA fille de LUNARDOSIMON marchand.MARINA femme de SIMON.MAURIZIO beau-frère de MARINA.FILIPPETO fils de MAURIZIO(La scène se passe à Venise.)
(Une chambre chez LUNARDO. MARGARITA et LUCIETTA sont assises. MARGARITA file,)(LUCIETTA tricote un bas.)LUCIETTAMadame ma mère !MARGARITAMa fille !LUCIETTAVoici déjà la fin du Carnaval…MARGARITAOui ! Mais quels divertissements avons-nous eus, dites-moi?LUCIETTAHélas ! pas la moindre comédie !MARGARITACela vous surprend-il? Moi,...
(LUNARDO et les précédentes.)(LUNARDO entre et s'approche tout doucement sans rien dire.)MARGARITA(en se levant.) Le voici !LUCIETTA(à part Il entre à pas de loup. Elle se lève.) Monsieur mon père, votre servante.MARGARITA(à LUNARDO.) Votre Seigneurie. Eh bien, ne saluons-nous pas?LUNARDOContinuez…...
LUNARDO et MARGARITA.MARGARITAMon cher mari, je tenais à vous donner raison devant elle, mais en vérité, vous êtes trop brutal avec votre fille !LUNARDODe quoi vous mêlez-vous? Vous êtes une ignorante ! Je l'aime bien, ma fille, mais j'entends qu'elle...
MARGARITA, puis LUNARDO.MARGARITAQuel homme m'est tombé là ! On chercherait en vain son égal sous la calotte des cieux ! Et puis, il me rompt la tête avec son "venons-en donc au fait". Ma foi de ma foi ! Je...
LUNARDO, puis MAURIZIO.LUNARDOLa voilà partie. On arrive à rien avec les bonnes façons; il faut crier. Je l'aime bien, ma foi ; si fait, je l'aime bien, mais, sous mon toit, je ne veux voir d'autre maître que moi !MAURIZIOMonsieur...
(Une chambre chez M. SIMON, MARINA et FILIPPETO.)MARINAQu'y a-t-il, mon neveu? Et par quel miracle venez-vous me voir?FILIPPETOJe sortais de l'office et, en rentrant chez moi, l'idée m'est venue de passer un instant pour vous dire bonjour.MARINAFort bien, Filppeto. Bonne...
SIMON et les précédents.SIMONQue fait-il là, ce fripon?FILIPPETOServiteur, monsieur mon oncle.SIMON(brusquement.) Serviteur.MARINAJoli accueil que vous faites-la à votre neveu !SIMONN'ai-je pas mis une condition, lorsque je vous ai épousée? Je ne veux pas de vos parents chez moi.MARINAVoyez-moi cela !...
MARINA et SIMON.MARINAEn voilà des manières ! Que va penser ce garçon?SIMONVous connaissez mon caractère. Je veux être en repos chez moi.MARINAQuel tracas vous causait mon neveu?SIMONAucun, mais je ne veux voir personne.MARINAPourquoi ne vous retirez-vous pas dans votre chambre ...
MARINA, puis FELICE. CANCIANO et le comte RICCARDO.MARINAIl est drôle ! Que le diable l'emporte ! Avec la bonne grâce qu'il met à toute chose ! On frappe, Oh hé ! voyons qui frappe. (Du côté du public.) Cela ferait...
SIMON et les précédents.SIMON(brusquement.) Marina !MARINAMonsieur.SIMON(en indiquant RICCARDO.) Quel est ce vacarme? Et que faites-vous ici? Qui est-ce?FELICEMonsieur Simon, mes respects !SIMON(à FELICE.) Serviteur. (A MARINA.) Hein?FELICENous sommes venues rendre visite.SIMONA qui?FELICEA vous, n'est-ce pas, Monsieur Canciano?CANCIANO(entre ses dents.) Oui,...
Une pièce chez LUNARDO.LUCIETTATout de bon, Madame ma mère, vous voilà bien élégante.MARGARITAMais ma fille, si cette compagnie vient tout à l'heure, voudriez-vous, ma foi de ma foi, me voir attifée comme une servante?LUCIETTAEt moi, hélas ! me montrerai-je dans...
LUCIETTA puis MARGARITA.LUCIETTAVoyez-moi ça ! Mon père ne veut pas, dit-elle. J'ai idée que c'est elle qui n'y tientpas. Il est vrai que monsieur mon père est un bougon, qui ne supporte guère certaines fantaisies chez lui. Il n'empêche qu'elle...
LUNARDO et les précédentes.LUNARDO(à MARGARITA.) Qu'y a-t-il, Madame? Allez-vous à un festin?MARGARITAOuais ! Nous y voici. Je m'habille une fois l'an et il grogne encore. Auriezvous peur, ma foi de ma foi ! que je vous ruine?LUNARDOLibre à vous, venons...
SIMON, MARINA et les précédents.MARINAMes compliments, Madame Margarita !MARGARITAMes compliments, Madame Marina.LUCIETTAMes compliments.MARINAMes compliments, ma fille, mes compliments.MARGARITAMonsieur Simon, mes compliments.SIMON(roide.) Compliments.MARINAMonsieur LUNARDO ne nous dit pas même bonjour. Passons !LUNARDOMes hommages (A LUCIETTA.) Retire-toi !LUCIETTAIl me tuerait que je...
LUNARDO et SIMONSIMONMariez-vous donc pour avoir de ces agréments-là !LUNARDOVous souvient-il de ma première femme? Celle-là, oui, c'était une brave créature, mais celle d'aujourd'hui est une véritable pécore !SIMONEt moi, pauvre imbécile, qui n'avait jamais pu souffrir les femmes, je...
(Une autre pièce. MARGARITA et MARINA)MARINAAllons, faites venir Lucietta et instruisons-la un tantinet de ce mariage. Donnonslui cette joie, pauvre petite, et voyons de quelle manière elle la recevra.MARGARITACroyez-moi, Madame Marina, elle ne la mérite pas.MARINAPourquoi donc?MARGARITAParce que c'est une...
MARGARITA, LUCIETTA, puis MARINA.MARGARITAVenez, ma fille, Madame Marina veut vous entretenir.LUCIETTAExcusez-moi de n'être pas venue vous saluer. J'ai toujours si peur de faire quelque sottise ! Dans cette maison, on trouve à redire à tout.MARINAIl est vrai que Monsieur votre...
(FELICE masqué et avec une cape remontée jusque sous le menton, et les précédentes.)FELICEMesdames(Elles répondent toutes "Madame" à leur tour.)MARGARITAIl est tard, Madame Felice. Vous vous faites désirer.LUCIETTAOui, vraiment, nous vous avons bien attendue !FELICESi vous saviez ! je vais...
FELICE, MARINA ET LUCIETT.LUCIETTA(à Félice.) Hélas ! Madame, je vous en supplie.FELICEJe ne voudrais pas désobliger Madame Margarita.MARINANe vous souciez point de cela. S'il tenait à elle, cette petite ne se marierait point.LUCIETTAOh ! si vous saviez !FELICE(à MARINA.) Comment...
MARGARITA et les précédentes.MARGARITAC'est pour vous, Madame Félice.FELICEQuoi, pour moi?MARGARITADes masques vous demandent.LUCIETTA(gaiement à Félice.) Des masques qui la demandent ?MARINA(à Félice.) Serait-ce notre ami?FELICE(à MARINA.) Il se peut. (A MARGARITA.) Faites-le entrer.MARGARITAEt si mon mari rentre?FELICESi votre mari rentre,...
(FILIPPETO déguisé en femme, le Comte RICCARDO et les précédentes.)RICCARDOJe suis l'humble serviteur de ces dames.FELICEVotre servante, Madame et Monsieur les masques.MARGARITA(froidement.) Votre servante.MARINA(à FILIPPETO.) Madame le masque, je vous honore.(FILIPPETO fait une révérence de femme.)LUCIETTATout à fait le bel...
LUNARDO SIMON CANCIANO et les précédentes.LUNARDOHé ! n'êtes-vous pas lasses d'attendre, Mesdames? N'ayez crainte, nous allons dîner à l'instant. Nous n'attendons plus que Monsieur Maurizio, et dès qu'il arrivera, nous passerons à table.MARGARITAMonsieur Maurizio n'était-il pas avec vous?LUNARDOSi fait, mais...
MAURIZIO et les précédents.LUNARDO(à MAURIZIO.) Fort bien ! vous voilà !MAURIZIO(tout ému.) Me voici.LUNARDOQu'avez-vous ?MAURIZIOJe suis hors de moi !LUNARDOQue se passe-t-il?MAURIZIOJe viens de chez moi où j'ai cherché mon fils partout. Il n'était nulle part. J'ai interrogé mes gens;...
RICCARDO et les précédents.RICCARDO(à CANCIANO.) Traitez un peu mieux les gens d'honneur, s'il vous plaît !LUNARDO(à RICCARDO.) Comment ! chez moi !MAURIZIO(à RICCARDO.) Où se trouve mon fils?RICCARDOLà-dedans.LUNARDOCaché dans cette chambre?MAURIZIOOù es-tu, misérable?FILIPPETO(à genoux.) Monsieur mon père ! je vous...
(La chambre de LUNARDO.) LUNARDO CANCIANO et SIMONLUNARDOC'est de mon honneur qu'il s'agit; c'est, venons-en donc au fait, de la réputation de ma maison qu'il s'agit ! Un homme de ma qualité ! Que va-t-on dire de moi? Que va-t-on...
FELICE et les précédents.FELICEMessieurs, je vous honore.CANCIANOQue venez-vous faire céans?LUNARDOQue voulez-vous chez moi?SIMONViendriez-vous encore semer la zizanie?FELICEPourquoi je suis ici? Vouliez-vous que je fusse partie? Et pensiez-vous, Monsieur Canciano, que je m'en étais allée avec cet étranger?CANCIANOSi l'on vous voit...
LUNARDO, CANCIANO et SIMON.LUNARDO(à CANCIANO.) Fameuse tirade que votre femme a débitée là!CANCIANOAlors, suis-je un dadais si je me laisse parfois mener par le bout du nez ! Sitôt que j'ouvre la bouche, elle me ferme le bec avec une...
FELICE, MARGARITA, LUCIETTA et les précédents.FELICE(à LUNARDO.) Les voici, les voici. Contrites et repentantes, elles vous présentent leurs excuses.LUNARDO(à MARGARITA.) Vous m'en faites de la sorte?FELICE(à LUNARDO.) Elle n'est nullement coupable et c'est moi la cause de tout le mal.LUNARDO(à...
MAURIZIO, FILIPPETO et les précédents.MAURIZIO(un peu froidement.) Messieurs!LUNARDO(brusque.) Serviteur!(FILIPPETO salue furtivement LUCIETTA… MAURIZIO le regarde, FILIPPETO prend un air détaché.)FELICEMonsieur Maurizio, avez-vous appris comment la chose s'est passée?MAURIZIOMon Dieu, je ne songe plus à ce qui s'est laissé, mais bien...
La pièce "L'Éventail" (Il Ventaglio), écrite par Carlo Goldoni en 1765, est une comédie en trois actes qui se déroule dans un village italien. Elle repose sur une intrigue légère...
La pièce "Arlequin, valet de deux maîtres" (Il servitore di due padroni), écrite par Carlo Goldoni en 1745, est une comédie en trois actes qui illustre parfaitement l'habileté de Goldoni...