ACTE III - Scène 2


Truffaldino et Florindo

Florindo (depuis sa chambre)
Truffaldino !

Truffaldino
Elle s'est réveillée. (Aux spectateurs)
Si le diable s'en mêle et qu'elle vient à sortir de sa chambre, elle verra cette autre malle et voudra savoir à qui elle appartient…

Florindo (depuis sa chambre)
Truffaldino !

Truffaldino (criant)
Tout de suite ! (Aux spectateurs)
Il faut que je range ! Allons bon ! Je ne sais plus à qui appartiennent ces vêtements. C'est bizarre ! Je jurerais que ces vêtements de femmes étaient dans la malle de mon maître et que ces vêtements d'hommes étaient dans celle de ma maîtresse… Ou l'inverse ? Diable, je perds la tête. Je dois confondre. Et ces papiers, je ne me rappelle pas où ils étaient. Ni ces besaces… qui sont identiques !

Florindo (depuis sa chambre)
Truffaldino ! Tu veux que je vienne te chercher avec un bâton ?

Truffaldino (criant)
J'arrive tout de suite ! (Aux spectateurs)
Lorsqu'elle partira de l'auberge tout à l'heure, je remettrai tout en place. (Il met les vêtements au hasard dans les deux malles et les ferme.)

Florindo (apparaissant en robe de chambre)
Qu'est-ce que tu fabriques ?

Truffaldino
Mademoiselle, ne m'avez-vous pas demandé de nettoyer vos vêtements ? C'est ce que je m'appliquais à faire.

Florindo
Et cette malle, à qui est-elle ?

Truffaldino
Je n'en sais rien, moi ; Elle doit être à un autre.

Florindo
Donne-moi ma besace.

Truffaldino
Tout de suite.
(Truffaldino ouvre la malle de Florindo et lui donne sa besace. Florindo l'ouvre et trouve un portrait.)

Florindo
Qu'est-ce que c'est que ça ?

Truffaldino (pour lui)
Oh diable ! Je me suis trompé ! Je ne l'ai pas remis dans la bonne malle.

Florindo (Aux spectateurs)
Je ne rêve pas. C'est bien moi ; c'est le portrait que j'ai offert à ma chère Beatrice. (A Truffaldino)
Comment ce portrait a-t-il pu se retrouver dans ma besace ?

Truffaldino (Aux spectateurs)
Comment vais-je m'en sortir cette fois ? Je vais improviser.

Florindo
Allons ! Réponds !

Truffaldino
Chère mademoiselle ma maîtresse, Pardonnez-moi la liberté que j'ai prise en toute liberté… Ce portrait est à moi ; pour ne pas le perdre, je l'ai rangé dans votre malle.

Florindo
Qui te l'a donné ?

Truffaldino
Je l'ai hérité de mon maître.

Florindo
Hérité ?

Truffaldino
Oui, ma Seigneurie. J'ai servi… un maître… il est mort… et il m'a légué quelques babioles que j'ai vendues… et il m'est resté ce portrait que personne n'a voulu m'acheter.

Florindo
Depuis combien de temps est-il mort ton maître ?

Truffaldino
Mon maître !?! Il est mort ! Il y a… une… semaine. (Aux spectateurs)
Je dis ce qui me passe par la tête.

Florindo
Comment s'appelait ton maître ?

Truffaldino
Mon maître !?! Je ne sais pas… comment…il s'appelait… Il vivait… incognito.

Florindo
Incognito ? Combien de temps l'as-tu servi ?

Truffaldino
Pas longtemps : dix ou douze jours…peut-être même huit.

Florindo (Aux spectateurs)
Oh ciel ! Je tremble de tout mon corps à l'idée que ce soit Beatrice !

Truffaldino (Aux spectateurs )
Puisqu'elle gobe tout, je vais lui en raconter des belles.

Florindo (très anxieux)
Dis-moi, il était jeune ton maître ?

Truffaldino
Oh oui, mademoiselle. Très jeune.

Florindo
Sans barbe ?

Truffaldino
Sans barbe.

Florindo (Aux spectateurs)
C'est elle, sans aucun doute.

Truffaldino (Aux spectateurs)
J'aimerais bien éviter les coups de bâton cette fois.

Florindo
Sais-tu au moins d'où il venait ?

Truffaldino
Oui… je l'ai su… à l'époque…mais je ne m'en souviens plus.

Florindo
De Turin peut-être ?

Truffaldino
Oui, voilà. Il était de Turin.

Florindo (Aux spectateurs)
Chacune de ces paroles me transperce le cœur. (A Truffaldino)
Mais dis-moi : tu es vraiment sûr qu'il est mort ce jeune turinois ?

Truffaldino
Il est mort, c'est certain.

Florindo
De quoi est-il mort ?

Truffaldino
Il est mort… d'une attaque… au cœur… et il est mort. (Aux spectateurs)
Je m'en tire pas trop mal.

Florindo
Où a-t-il été enterré ?

Truffaldino (Aux spectateurs)
Oh, vlà autre chose. (A Florindo)
Il n'a pas été enterré mademoiselle… ma maitresse… ma seigneurie… parce qu'un autre valet, son compatriote, a obtenu l'autorisation de le mettre en bière et de le renvoyer chez lui.

Florindo
J'imagine que ce serviteur est le même que celui qui t'a fait retirer une lettre à la poste ce matin ?

Truffaldino
Voilà !!! C'est ça !!! C'est lui !!! C'est le même !!!

Florindo
C'est Pasquale.

Truffaldino
C'est Pasquale !!!!!

Florindo (pour lui)
Beatrice est morte ! Les tourments de son cœur l'ont tuée. Je ne peux endurer une telle douleur. (Il sort en larmes.)


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