(La scène est à Valladolid, dans le palais du roi d'Espagne. Le théâtre représente la galerie qui conduit à la chapelle. L'entrée de la chapelle est à gauche du spectateur, celle des appartements royaux est à droite. L'entrée principale est...
QUINOLA (seul, sur le devant de la scène, en regardant le capitaine.)Marche donc ! Ô mon cher maître, si la torture ne t'a pas brisé les os, tu vas donc sortir des cachots de la s… la très-sainte inquisition, délivré...
(QUINOLA LE CAPITAINE.)LE CAPITAINE ( à Quinola.)Voici cinquante doublons que t'envoie la marquise pour te mettre en état de paraître ici convenablement.QUINOLA (Il verse l'or d'une main dans l'autre.)Ah ! ce rayon de soleil s'est bien fait attendre ! Je...
(LES COURTISANS, LE CAPITAINE.)LE CAPITAINE (seul sur le devant de la scène.)Quel secret ce misérable a-t-il donc surpris ? ma cousine a failli perdre connaissance. Il s'agit de tous ses amis, a-t-elle dit. Le roi doit être pour quelque chose...
(les mêmes, LA MARQUISE DE MONDÉJAR.)LE CAPITAINEAh ! mais voici ma cousine (À la marquise.) Chère marquise, vous êtes encore bien agitée. Au nom de notre salut, contenez-vous, on va vous observer.LA MARQUISECet homme est-il revenu ?LE CAPITAINEMais comment un...
(les précédents, QUINOLA.)QUINOLAJe n'ai plus que trente doublons, mais je fais de l'effet pour soixante… Hein ! quel parfum ? La marquise pourra me parler sans crainte.LA MARQUISE (montrant Quinola.)Est-ce là notre homme ?LE CAPITAINEOui.LA MARQUISEMon cousin, veillez à ce...
(LE CAPITAINE LES COURTISANS, QUINOLA.)QUINOLAIl ne suffit donc pas d'avoir du génie et d'en user, car il y en a qui le dissimulent avec bien du bonheur, il faut encore des circonstances : une lettre trouvée qui mette une favorite...
(les précédents, LA REINE, LE ROI, LA MARQUISE DE MONTDÉJAR, LE GRAND INQUISITEUR, TOUTE LA COUR.)PHILIPPE IIMessieurs, nous allons prier Dieu qui vient de frapper l'Espagne. L'Angleterre nous échappe, l'Armada s'est perdue et nous ne vous en voulons point :...
FONTANARÈS (seul.)Je comprends maintenant pourquoi Colomb a voulu que ses chaînes fussent mises près de lui dans son cercueil. Quelle leçon pour les inventeurs ! Une grande découverte est une vérité. La vérité ruine tant d'abus et d'erreurs, que tous...
(LE GRAND INQUISITEUR UN FAMILIER, FONTANARÈS.)LE GRAND INQUISITEUREh ! bien mon fils ? vous parliez de foi, peut-être avez-vous fait de sages réflexions. Allons, évitez au saint-office l'emploi de ses rigueurs.FONTANARÈSMon Père, que souhaitez-vous que je dise ?LE GRAND INQUISITEURAvant...
(LE GRAND INQUISITEUR FONTANARÈS, QUINOLA, LE DUC D'OLMÉDO)QUINOLAÇa n'est pas sain, la torture.FONTANARÈSQuinola ! et dans quelle livrée !QUINOLACelle du succès, vous serez libre.FONTANARÈSLibre ? Passer de l'enfer au ciel, en un moment ?LE DUC D'OLMÉDOComme les martyrs.LE GRAND INQUISITEURMonsieur,...
(LE DUC D'OLMÉDO LE DUC DE LERME, FONTANARÈS, QUINOLA.)LE DUC D'OLMÉDONous arrivons à temps !LE DUC DE LERMEVous n'êtes donc pas blessé ?LE DUC D'OLMÉDOQui a dit cela ? La favorite veut-elle me perdre ? Serais-je ici comme vous me...
(les précédents, LE ROI, LA REINE, LA MARQUISE DE MONTDÉJAR, LE CAPITAINE DES GARDES, LE GRAND INQUISITEUR, LE PRÉSIDENT DU CONSEIL DE CASTILLE, TOUTE LA COUR.)PHILIPPE II (au capitaine des gardes.)Notre homme est-il venu ?LE CAPITAINELe duc d'Olmédo, que j'ai...
(FONTANARÈS QUINOLA.)FONTANARÈSJe rêve… Duc ! grand d'Espagne ! la Toison-d'Or !QUINOLAEt les constructions navales ? Nous allons avoir des fournisseurs à protéger. La cour est un drôle de pays, j'y réussirais : que faut-il ? de l'audace ! j'en puis...
(LA SCÈNE SE PASSE À BARCELONE.)(Le théâtre représente une place publique. À gauche du spectateur, des maisons parmi lesquelles est celle de Lothundiaz qui fait encoignure de rue. À droite, se trouve le palais où loge madame Brancadori, dont le...
(les mêmes, PAQUITA.)QUINOLA (à part.)Après une dupe honnête je ne sais rien de meilleur qu'un fripon qui s'abuse.PAQUITADeux amis qui s'embrassent, ce ne sont pas donc des espions…QUINOLATu es déjà dans les chausses du vice-roi, dans la poche de la...
(PAQUITA FAUSTINE.)PAQUITAMadame a raison, deux hommes sont en vedette sous son balcon, et ils s'en vont en voyant venir le jour.FAUSTINECe vieux vice-roi finira par m'ennuyer ! il me suspecte encore chez moi pendant qu'il me parle et me voit.
(FAUSTINE DON FRÉGOSE.)DON FRÉGOSEMadame, vous risquez de prendre un rhume : il fait ici trop frais.FAUSTINEVenez ici, Monseigneur. Vous avez foi, dites-vous, en moi ; mais vous mettez Monipodio sous mes fenêtres. Cette excessive prudence n'est pas d'un jeune homme...
DON FRÉGOSE ( seul.)Ah ! pourquoi ne puis-je me passer d'entendre et de voir cette femme. Tout d'elle me plait, même sa colère, et j'aime à me faire gronder pour l'écouter.
(PAQUITA MONIPODIO, en frère quêteur, DONA LOPEZ.)PAQUITAMadame me dit de savoir pour le compte de qui Monipodio se trouve là, mais… je ne vois plus personne.MONIPODIOL'aumône, ma chère enfant, est un revenu qu'on se fait dans le ciel.PAQUITAJe n'ai rien.MONIPODIOEh...
(MONIPODIO DONA LOPEZ.)DONA LOPEZ ( à Monipodio.)Que voulez-vous ?MONIPODIOLes frères de notre Ordre ont eu des nouvelles de votre cher Lopez…DONA LOPEZIl vivrait ?MONIPODIOEn conduisant la señorita Marie au couvent des Dominicains, faites le tour de la place, vous y...
(MONIPODIO QUINOLA, FONTANARÈS.)FONTANARÈSEnfin, Quinola, nous voilà sous ses fenêtres.QUINOLAEh bien ! où donc est Monipodille, se serait-il laissé berner par la duègne ? (il regarde le frère.) Seigneur pauvre ?MONIPODIOTout va bien.QUINOLASangodémi, quelle perfection de gueuserie ? Titien te peindrait....
(les précédents, DONA LOPEZ, MARIE.)MONIPODIO (à la duègne, en lui montrant Quinola.)Voilà le chrétien qui sort de captivité.QUINOLA (à la duègne.)Ah ! Madame, je vous reconnais au portrait que le seigneur Lopez me faisait de vos charmes… (Il l'emmène.)
(MONIPODIO MARIE, FONTANARÈS.)MARIEEst-ce bien lui ?FONTANARÈSOui, Marie, et j'ai réussi, nous serons heureux.MARIEAh ! si vous saviez combien j'ai prié pour votre succès !FONTANARÈSJ'ai des millions de choses à vous dire ; mais il en est une que je devrais...
(les précédents, LOTHUNDIAZ.)LOTHUNDIAZCette duègne laisse ma porte ouverte…MONIPODIO (à part.)Oh ! ces pauvres enfants sont perdus !… (À Lothundiaz.) L'aumône est un trésor qu'on s'amasse dans le ciel.LOTHUNDIAZTravaille, et tu t'amasseras des trésors ici-bas. (Il regarde.) Je ne vois point...
(les mêmes, QUINOLA, DONA LOPEZ.)QUINOLAQui a dit nigaud ?FONTANARÈSPour cadeau de noces, je vous ferai anoblir, et ma femme et moi, nous vous laisserons constituer, sur sa fortune, un majorat pour votre fils…MARIEEh bien ! mon père ?QUINOLAEh bien !...
(les mêmes, SARPI sur le balcon.)SARPI (à part.)On a prononcé mon nom. Que vois-je ? l'héritière et son père, à cette heure, sur la place !LOTHUNDIAZSarpi n'est pas allé chercher un vaisseau dans le port de Valladolid, il a fait...
(MONIPODIO SARPI, FONTANARÈS, QUINOLA.)SARPIDes droits ?… Ne savez-vous pas que le neveu de Fra-Paolo Sarpi, parent des Brancador, créé comte au royaume de Naples, secrétaire de la vice-royauté de Catalogne, prétend à la main de Marie Lothundiaz ? En se...
(Les mêmes, FAUSTINE, DON FRÉGOSE, PAQUITA.)FAUSTINE (au balcon.)Que se passe-t-il donc, Monseigneur, entre ce jeune homme et votre secrétaire ? descendons.QUINOLA (à Monipodio.)Ne trouves-tu pas que mon homme a surtout le talent d'attirer la foudre sur sa tête ?MONIPODIOIl la...
(AVALOROS, QUINOLA, MONIPODIO, FONTANARÈS, SARPI.)SARPI (à Avaloros.)Il n y a plus de promenade en mer.AVALOROSPeu m'importe, j'ai gagné cent écus d'or. Sarpi et Avaloros se parlent.FONTANARÈS (à Monipodio.)Quel est ce personnage ?MONIPODIOAvaloros, le plus riche banquier de la Catalogne ;...
(MONIPODIO FONTANARÈS, QUINOLA.)QUINOLAVous vous faites dès l'abord de belles affaires ?MONIPODIODon Frégose est jaloux de vous.QUINOLASarpi va vous faire échouer !MONIPODIOVous vous posez en géant devant des nains qui ont le pouvoir ! Attendez donc le succès pour être fier ...
(Les mêmes, PAQUITA.)PAQUITA (à Fontanarès.)Ma maîtresse vous fait dire, Seigneur, que vous preniez garde à vous. Vous tous êtes attiré des haines implacables.MONIPODIOCeci me regarde. Allez sans crainte par les rues de Barcelone ; quand on voudra vous tuer, je...
(Les mêmes, moins PAQUITA.)MONIPODIOVenez au Soleil-d'Or, je connais l'hôte, vous aurez crédit.QUINOLALa bataille commence encore plus promptement que je ne le croyais.FONTANARÈSOù trouver de l'argent ?QUINOLAOn ne nous en prêtera pas, mais nous en achèterons. Eh ! que vous faut-il ...
(Un salon du palais de madame Brencador.)(AVALOROS SARPI, PAQUITA.)AVALOROSNotre souveraine serait-elle donc vraiment malade ?PAQUITAElle est en mélancolie.AVALOROSLa pensée est-elle donc une maladie ?PAQUITAOui, mais vous êtes sûr de toujours bien vous porter.SARPIVa dire à ma chère cousine que le seigneur Avaloros...
(AVALOROS SARPI.)SARPIPauvre vice-roi ! il est le jeune homme, et je suis le vieillard.AVALOROSPendant que votre petite cousine en fait un sot, vous déployez l'activité d'un politique, vous préparez au roi la conquête de la Navarre française. Si j'avais une...
(Les mêmes, QUINOLA.)QUINOLAMe voici comme… entre deux larrons ; mais ceux-ci sont saupoudrés de vertus et caparaçonnés de belles manières. On nous pend, nous autres !SARPICoquin ! tu devrais, en attendant que ton maître les fasse aller par d'autres procédés,...
(Les précédents, FAUSTINE et PAQUITA.)PAQUITAMessieurs, voici Madame.
(Les précédents, moins PAQUITA.)QUINOLA (va au-devant de la Brancador.)Madame, mon maître parle de se tuer s'il n'a son vaisseau que le comte Sarpi lui refuse depuis un mois ; le seigneur Avaloros lui demande la vie en lui offrant sa...
(Les mêmes, moins SARPI.)AVALOROSVoici, Madame.FAUSTINEC'est très-bien.AVALOROSSerons-nous encore ennemis ?FAUSTINEVotre privilège pour les blés est parfaitement légal.AVALOROSAh ! Madame.QUINOLA (à part.)Voilà ce qui s'appelle faire des affaires.AVALOROSVous êtes, Madame, une noble personne, et je suis…QUINOLA (à part.)Un vrai loup-cervier.FAUSTINE (en tendant...
(FAUSTINE QUINOLA.)FAUSTINETu dis donc qu'il est triste ?QUINOLATout est contre lui.(Il se fait un jeu de scène entre Faustine et Quinola à propos du bon de deux mille écus qu'elle tient à la main.)FAUSTINEMais il sait lutter ?QUINOLAVoici deux ans...
(FAUSTINE FRÉGOSE.)FRÉGOSEEn attendant le maître, vous tâchiez de corrompre le valet.FAUSTINEUne femme doit-elle perdre l'habitude de séduire ?FRÉGOSEMadame, vous avez des façons peu généreuses : j'ai cru qu'une patricienne de Venise ménagerait les susceptibilités d'un vieux soldat.FAUSTINEEh ! Monseigneur, vous...
(Les mêmes, PAQUITA.)FAUSTINE (à Paquita.)Dis à mon majordome de faire porter les tableaux de ma galerie chez don Frégose.FRÉGOSEPaquita, ne répétez pas cet ordre.FAUSTINEL'autre jour, m'a-t-on dit, la reine Catherine de Médicis fit demander à madame Diane de Poitiers les...
(Les mêmes, moins PAQUITA.)FAUSTINEJe ne suis point encore la marquise de Frégose, comment osez-vous donner des ordres chez moi ?FRÉGOSEC'est à moi d'en recevoir, je le sais. Ma fortune vaut-elle une de vos paroles ? pardonnez à un mouvement de...
FAUSTINE (seule.)Et il y a pourtant des femmes qui souhaitent d'être hommes !
(FAUSTINE PAQUITA, LOTHUNDIAZ, MARIE.)PAQUITAMadame, voici Lothundiaz et sa fille. (sort Paquita.)
(Les mêmes moins PAQUITA.)LOTHUNDIAZAh ! Madame, vous avez fait de mon palais un royaume !…FAUSTINE (à Marie.)Mon enfant, mettez-vous là près de moi. (À Lothundiaz.) Vous pouvez vous asseoir.LOTHUNDIAZVous êtes bien bonne, Madame ; mais permettez-moi d'aller voir cette fameuse...
(FAUSTINE MARIE.)FAUSTINEMon enfant, je vous aime et sais en quelle situation vous vous trouvez. Votre père veut vous marier à mon cousin Sarpi, tandis que vous aimez Fontanarès.MARIEDepuis cinq ans, Madame.FAUSTINEÀ seize ans on ignore ce que c'est que d'aimer.MARIEQu'est-ce...
(Les mêmes, FONTANARÈS.)FONTANARÈS (à Faustine.)Madame. (Illui baise la main.)MARIE (à part.)Quelle douleur !FONTANARÈSVivrai-je jamais assez pour vous témoigner ma reconnaissance ! Si je suis quelque chose, si je me fais un nom, si j'ai le bonheur, ce sera par vous.FAUSTINECe...
(Les mêmes, LOTHUNDIAZ.)FONTANARÈSEt vous amenez cet ange de pureté chez une femme pour qui don Frégose dissipe sa fortune, et qui accepte de lui des dons insensés, sans l'épouser…FAUSTINEMonsieur !FONTANARÈSVous êtes venue ici, Madame, veuve du cadet de la maison...
(FAUSTINE FONTANARÈS.)FONTANARÈSAh ! votre générosité, Madame, était donc une combinaison pour servir les intérêts de Sarpi ? Nous sommes quittes alors! adieu…
(FAUSTINE PAQUITA.)FAUSTINEComme il était beau dans sa colère, Paquita !PAQUITAAh ! Madame, qu'allez-vous devenir si vous l'aimez ainsi ?FAUSTINEMon enfant, je m'aperçois que je n'ai jamais aimé, et je viens, là, dans un instant, d'être métamorphosée comme par un coup...
FAUSTINE (seule.)Je l'aime déjà trop pour confier ma vengeance au stylet de Monipodio, car il m'a trop méprisée pour que je ne lui fasse pas regarder comme le plus grand honneur de m'avoir pour sa femme ! Je veux le...
(FAUSTINE FRÉGOSE.)FRÉGOSEEh bien ! je croyais trouver ici Fontanarès heureux d'avoir par vous son navire ?FAUSTINEVous le lui avez donc donné ? Vous ne le haïssez donc pas ? J'ai cru, moi, que vous trouveriez le sacrifice au-dessus de vos...
FAUSTINE (seule.)Maîtresse d'un vice-roi ! Oh ! je vais ourdir, avec Avaloros et Sarpi, une trame de Venise.
(FAUSTINE MATHIEU MAGIS.)MATHIEU MAGISMadame a besoin de mes petits services ?FAUSTINEQui donc êtes-vous ?MATHIEU MAGISMathieu Magis, pauvre Lombard de Milan, pour vous servir.FAUSTINEVous prêtez ?MATHIEU MAGISSur de bons gages, des diamants, de l'or, un bien petit commerce. Les pertes nous...
(Le théâtre représente un intérieur d'écurie. Dans les combles, du foin : le long des murs, des roues, des tubes, des pivots, une longue cheminée en cuivre, une vaste chaudière. À gauche du spectateur, un pilier sculpté, où se trouve une...
(Les mêmes, MONOPODIO.)QUINOLALes trois dernières pièces nous sont revenues, emporte les modèles, et fais-en toujours deux paires en cas de malheur.(Monipodio fait signe dans la coulisse ; deux hommes paraissent.)MONIPODIOEnlevez, mes enfants, et pas de bruit, évanouissez-vous comme des ombres,...
(QUINOLA FONTANARÈS.)QUINOLA (frottant un oignon sur son pain.)On dit que c'est avec ça que se nourrissaient les ouvriers des pyramides d'Égypte, mais ils devaient avoir l'assaisonnement qui nous soutient : la foi… (Il boit de l'eau.) Vous n'avez donc pas...
(Les mêmes, MATHIEU MAGIS.)QUINOLAOh ! voilà notre Lombard ; il regarde toutes les pièces comme si elles étaient déjà sa propriété légitime.MATHIEU MAGISJe suis votre très-humble serviteur, mon cher seigneur Fontanarès.QUINOLAToujours comme le marbre, poli, sec et froid.FONTANARÈSJe vous salue,...
(FONTANARÈS QUINOLA)FONTANARÈSSes paroles me glacent.QUINOLAEt moi aussi ! Les bonnes idées viennent toujours se prendre aux toiles que leur tendent ces araignées-là !FONTANARÈSBah ! Encore cent sequins, et après la vie sera dorée, pleine de fêtes et d'amour. (Il boit...
(Les mêmes, MONIPODIO.)QUINOLAEh ! bien ?MONIPODIOVotre infante a la lettre.FONTANARÈSQu'est-ce que don Ramon ?MONIPODIOUn imbécile.QUINOLAEnvieux ?MONIPODIOComme trois auteurs sifflés. Il se donne pour un homme étonnant.QUINOLAMais, le croit-on ?MONIPODIOComme un oracle. Il écrivaille, il explique que la neige est blanche...
FONTANARÈS (seul.)Quelle cervelle cerclée de bronze résisterait à chercher de l'argent en cherchant les secrets les mieux gardés par la nature, à se défier des hommes, les combattre et combiner des affaires ? deviner sur-le-champ le mieux en toute chose,...
(FONTANARÈS ESTEBAN, GIRONE ET DEUX OUVRIERS, Personnages muets.)ESTEBANPourriez-vous nous dire où se cache un nommé Fontanarès ?FONTANARÈSIl ne se cache point, le voici : mais il médite dans le silence. (À part.) Où est donc Qninola ? il sait si...
(Les mêmes, COPPOLUS et CARPANO.)COPPOLUSMonsieur, je viens vous annoncer qu'hier les magistrats de Barcelone m'ont, jusqu'à parfait payement, donné privilége sur votre invention, et je veillerai à ce que rien ne sorte d'ici. Le privilége comprend la créance de mon...
(Les mêmes, QUINOLA, en vieillard centenaire, une figure fantastique, dans le genre de Callot, MONIPODIO, en habit de fantaisie, L'HÔTE DU SOLEIL-D'OR.)L'HÔTE DU SOLEIL-D'OR (montrant Fontanarès.)Seigneur, le voici.QUINOLAEt vous avez logé le petit-fils du capitaine Fontanarès dans une écurie !...
(Les mêmes, moins L'HÔTE et LES OUVRIERS.)QUINOLA (aux deux négociants.)Quant à vous, mes braves, vous me paraissez être de meilleure composition, et avec de l'argent, nous serons d'accord.COPPOLUSExcellence, nous serons alors à vos ordres.QUINOLAVoyons ça, mon cher enfant, cette fameuse...
(QUINOLA FONTANARÈS, MONIPODIO)FONTANARÈSQuel sera le fruit de cette imposture ?QUINOLAVous rouliez dans un abîme, je vous arrête.MONIPODIOC'est bien joué! Mais les Vénitiens ont beaucoup d'argent, et pour obtenir trois mois de crédit, il faut commencer par jeter de la poudre...
(Les précédents, moins Mathieu Magis, LOTHUNDIAZ, MARIE.)MARIEArriverai-je à temps ?.…QUINOLABon ! voilà notre trésor.(Lothundiaz et don Ramon se font des civilités, et regardent les pièces de la machine au fond du théâtre.)FONTANARÈSMarie, ici !MARIEAmenée par mon père. Ah ! mon...
(Les mêmes, SARPI.)SARPI (à Lothundiaz.)Vous et avec votre fille, Seigneur Lothundiaz ?LOTHUNDIAZElle a mis pour prix de son obéissance à se rendre au couvent, de venir lui dire adieu.SARPILa compagnie est assez nombreuse pour que je ne m'offense point de...
FONTANARÈS (seul sur le devant de la scène.)Marie au couvent, j'aurai froid au soleil. Je supporte un monde, et j'ai peur de ne pas être un Atlas… Non, je ne réussirai pas, tout me trahit. Œuvre de trois ans de...
(FONTANARÈS endormi, QUINOLA et MONIPODIO., revenant par la petite porte.)QUINOLADes diamants ! des perles et de l'or ! nous sommes sauvés.MONIPODIOLa Brancador est de Venise.QUINOLAIl faut donc y retourner, fais venir l'hôte, je vais rétablir notre crédit !MONIPODIOLe voici.
(Les mêmes, L'HÔTE DU SOLEIL-D'OR.)QUINOLAOr çà ! monsieur l'hôte du Soleil-d'Or, vous n'avez pas eu confiance dans l'étoile de mon petit-fils.L'HÔTE DU SOLEIL-D'ORUne hôtellerie, seigneur, n'est pas une maison de banque.QUINOLANon, mais vous auriez pu par charité ne pas lui...
(Les mêmes, moins L'HÔTE.)QUINOLAAllons nous déshabiller. (Il regarde Fontanarès.) Il dort ! cette riche nature a succombé à tant de secousses ; il n'y a que nous autres qui sachions nous prêter à la douleur, il lui manque notre insouciance....
(FONTANARÈS endormi, FAUSTINE, MATHIEU MAGIS.)MATHIEU MAGISLe voici !FAUSTINEVoilà donc en quel état je l'ai réduit ! Par la profondeur des blessures que je me suis ainsi faites à moi-même, je reconnais la profondeur de mon amour. Oh ! combien de...
(Le théâtre représente une place publique. Au fond de la place. sur des tréteaux, au pied desquels sont toutes les pièces de la machine, s'élève un huissier. De chaque côté de ces tréteaux, il y a foule. À gauche du...
(Les mêmes, Don FRÉGOSE, FAUSTINE, AVALOROS, SARPI.)SARPINous arrivons trop tard, la vente est finie…DON FRÉGOSELe roi regrettera d'avoir eu confiance en un charlatan.FONTANARÈSUn charlatan, Monseigneur ? Dans quelques jours, vous pouvez me faire trancher la tête ; tuez-moi, mais ne...
(Les mêmes, MARIE LOTHUNDIAZ.)(Au moment où les alguasils s'emparent de Fontanarès, Marie parait en novice, accompagnée d'un moine et de deux sœurs.)MARIE (, au vice-roi.)Monseigneur, je viens d'apprendre comment, en voulant préserver Fontanarès de la rage de ses ennemis, je...
(FAUSTINE FRÉGOSE, AVALOROS, FONTANARÈS, QUINOLA, MONIPODIO.)AVALOROSJe vous ai bien étudié jeune homme, et vous avez un grand caractère un caractère de fer. Le fer sera toujours maître de l'or. Associons-nous franchement : je paye vos dettes,je rachète tout ce qui...
(QUINOLA FONTANARÈS, FAUSTINE, AVALOROS.)FAUSTINE (à Fontanarès.)Eh bien ! moi aussi je suis sans rancune, je donne une fête, venez-y ; nous nous entendrons tous pour vous ménager un triomphe.FONTANARÈSMadame, votre première faveur cachait un piége.FAUSTINEComme tous les sublimes rêveurs qui...
(FONTANARÈS QUINOLA.)FONTANARÈSCette femme est perfide comme le soleil en hiver. Oh ! j'en veux au malheur, surtout pour éveiller la défiance. Y a-t-il donc des vertus dont il faut se déshabituer ?QUINOLAComment, Monsieur, se défier d'une femme qui rehausse en...
FAUSTINE (seule.)Voici donc venue l'heure à laquelle ont tendu tous mes efforts depuis quatorze mois. Dans quelques moments, Fontanarès verra Marie à jamais perdue pour lui. Avaloros, Sarpi et moi, nous avons endormi le génie et amené l'homme à la...
(FAUSTINE PAQUITA.)PAQUITAMadame, vos ordres sont exécutés à merveille par Monipodio. La señorita Lothundiaz apprend en ce moment, par sa duègne, le péril où va se trouver ce soir le seigneur Fontanarès.FAUSTINESarpi doit être venu, dis-lui que je veux lui parler....
FAUSTINE (seule.)Écartons Monipodio ! Quinola tremble qu'il n'ait reçu l'ordre de se défaire de Fontanarès ; c'est déjà trop que d'avoir à le craindre.
(FAUSTINE FRÉGOSE.)FAUSTINEVous venez à propos, Monsieur, je veux vous demander une grâce.DON FRÉGOSEDites que vous m'en voulez faire une.FAUSTINEDans deux heures, Monipodio ne doit pas être dans Barcelone, ni même en Catalogne ; envoyez-le en Afrique.DON FRÉGOSEQue vous a-t-il fait ...
(Les mêmes, SARPI.)FAUSTINEMon cousin, n'avez-vous pas les dispenses nécessaires pour célébrer à l'instant votre mariage avec Marie Lothundiaz ?SARPIEt par les soins du bonhomme, le contrat est tout prêt.FAUSTINEEh bien ! prévenez au couvent des Dominicains, à minuit vous épouserez,...
(Les précédents, moins SARPI.)DON FRÉGOSEEt notre mariage, à nous ?FAUSTINEMonseigneur, mon avenir est tout entier dans cette fête : vous aurez ma décision ce soir. (Fontanarès parait.) (À part.) Oh ! le voici. (À Frégose.) Si vous m'aimez, laissez-moi.DON FRÉGOSESeule...
(FAUSTINE FONTANARÈS.)FONTANARÈSLe palais du roi d'Espagne n'est pas plus splendide que le vôtre, Madame, et vous y déployez des façons de souveraine.FAUSTINEÉcoutez, cher Fontanarès.FONTANARÈSCher ?… Ah ! Madame, vous m'avez appris à douter de ces mots-là !FAUSTINEVous allez enfin connaître...
(Les mêmes, Des gardes paraissent à toutes les portes. Un alcade se présente. SARPI.)SARPIFaites votre devoir !L'ALCADE (à Fontanarès.)Au nom du roi, je vous arrête.FONTANARÈSVoici l'heure de la mort venue !… Heureusement j'emporte mon secret à Dieu, et j'ai pour...
(Les mêmes, MARIE, LOTHUNDIAZ.)MARIEOn ne m'a donc pas trompée, vous êtes la proie de vos ennemis ! À moi donc, cher Alfonse, de mourir pour toi, et de quelle mort ? Ami, le ciel est jaloux des amours parfaites, il...
(FAUSTINE FONTANARÈS.)FAUSTINE (à part.)Il est là, debout comme un homme devant un précipice et poursuivi par des tigres. (Haut.) Pourquoi n'êtes-vous pas aussi grand que votre pensée ? N'y a-t-il donc qu'une femme dans le monde ?FONTANARÈSEh ! croyez-vous, Madame,...
(Les mêmes, FRÉGOSE.)DON FRÉGOSEMisérable artisan ! si je ne te passe pas mon épée à travers du cœur, c'est pour te faire expier plus chèrement cette insulte.FAUSTINEDon Frégose ! j'aime cet homme qu'il fasse de moi son esclave ou sa...
(Les précédents, QUINOLA.)QUINOLAMonsieur !FONTANARÈSViens-tu me trahir aussi, toi ?QUINOLAMonipodio vogue vers l'Afrique avec des recommandations aux. mains et aux pieds.FONTANARÈSEh bien ?QUINOLASoi-disant pour vous voler, nous avons à nous deux fabriqué, payé une machine, cachée dans une cave.FONTANARÈSAh ! un...
(FAUSTINE FRÉGOSE.)DON FRÉGOSE ( à part.)Elle est odieuse, et je l'aime toujours.FAUSTINEJe veux me venger, m'aiderez-vous ?DON FRÉGOSEOui, nous le perdrons.FAUSTINEAh ! vous m'aimez quand même, vous !DON FRÉGOSEHélas ! après cet éclat, pouvez-vous être marquise de Frégose ?FAUSTINEOh !...
FRÉGOSE (seul.)Les vieillards ont bien raison de ne pas avoir de cœur.(Fin du quatrième acte.)
(Le théâtre représente la terrasse de l'hôtel de ville de Barcelone, de chaque côté duquel sont des pavillons. La terrasse qui donne sur la mer est terminée par un balcon régnant au fond de la scène. On voit la haute...
(Les mêmes, DON RAMON, MATHIEU MAGIS, L'HÔTE DU SOLEIL-D'OR, COPPOLUS, CARPANO, ESTEBAN, GIRONE, et tout le peuple.)(Tous les personnages et le peuple forment un demi-cercle au centre duquel arrive don Ramon.)LE GRAND INQUISITEURAu nom du roi d'Espagne, de Castille et...
(Les mêmes, FONTANARÈS.)(Il entre, ses vêtements souillés par le travail de son expérience.)DON RAMONJ'accepte… (il aperçoit Fontanarès) à la condition de partager avec le courageux artisan qui m'a si bien secondé dans mon entreprise.FAUSTINEQuelle modestie !FONTANARÈSEst-ce une plaisanterie ?TOUSVive don...
(Les mêmes, QUINOLA.)QUINOLAMonsieur, la poire était trop belle, il s'y trouve un ver.FONTANARÈSQuoi ?…QUINOLAL'enfer nous a ramené, je ne sais comment, Monipodio altéré de vengeance, il est dans le navire avec une bande de démons, et va le couler si...
(Les mêmes, moins QUINOLA.)FONTANARÈS (à don Frégose.)Monseigneur, laissons de côté la question de priorité qui sera facilement jugée ; il doit m'être permis de retirer ma tête de ce débat, et vous ne sauriez me refuser le procès-verbal que voici,...
(QUINOLA FONTANARÈS, FAUSTINE.)FAUSTINEAlfonse, je vous ai fait bien du mal !FONTANARÈSMarie est morte, Madame : je ne sais plus ce que veulent dire les mots mal et bien.QUINOLALe voilà un homme.FAUSTINEPardonnez-moi, je me dévoue à votre nouvel avenir.FONTANARÈSPardon ! ce...
(Un salon à l'hôtel de Montsorel.)(LA DUCHESSE DE MONTSOREL, MADEMOISELLE DE VAUDREY.)LA DUCHESSEAh ! vous m'avez attendue, combien vous êtes bonne !MADEMOISELLE DE VAUDREYQu'avez-vous, Louise ? Depuis douze ans que nous pleurons ensemble,...
(Le théâtre représente une mansarde et l'atelier d'une fleuriste. Au lever du rideau Paméla travaille, et Joseph Binet est assis. La mansarde va vers le fond du théâtre ; la porte...
"La Marâtre" est une tragédie en cinq actes écrite par Honoré de Balzac, moins connu pour son travail dramatique que pour ses romans et nouvelles. La pièce, qui date de...
AU GRAND ET ILLUSTRE GEOFFROY-SAINT-HILAIRE.Comme un témoignage d’admiration de ses travaux et de son génie.Madame Vauquer, née de Coflans, est une vieille femme qui, depuis quarante ans, tient à Paris...
Il se trouve dans certaines provinces des maisons dont la vue inspire une mélancolie égale à celle que provoquent les cloîtres les plus sombres, les landes les plus ternes ou...
Vers la fin du mois d’octobre dernier, un jeune homme entra dans le Palais-Royal au moment où les maisons de jeu s’ouvraient, conformément à la loi qui protège une passion...
À HENRI DE BALZAC, Son frère Honoré.Le comte de Fontaine, chef de l’une des plus anciennes familles du Poitou, avait servi la cause des Bourbons avec intelligence et courage pendant la...
DÉDIÉ À PUTTINATI, SCULPTEUR MILANAIS.En 1800, vers la fin du mois d’octobre, un étranger, suivi d’une femme et d’une petite fille, arriva devant les Tuileries à Paris, et se tint...
A MARTINEZ DE LA ROZALe clocher de la petite ville de Menda venait de sonner minuit. En ce moment, un jeune officier français, appuyé sur le parapet d’une longue terrasse...
DÉDIÉ À MADEMOISELLE MARIE DE MONTHEAUAu milieu de la rue Saint-Denis, presque au coin de la rue du Petit-Lion, existait naguère une de ces maisons précieuses qui donnent aux historiens...