(les précédents, LA REINE, LE ROI, LA MARQUISE DE MONTDÉJAR, LE GRAND INQUISITEUR, TOUTE LA COUR.)
PHILIPPE II
Messieurs, nous allons prier Dieu qui vient de frapper l'Espagne. L'Angleterre nous échappe, l'Armada s'est perdue et nous ne vous en voulons point : amiral (Il se tourne vers l'amiral)
, vous n'aviez pas mission de combattre les tempêtes.
QUINOLA
Sire ! (Il plie un genou.)
PHILIPPE II
Qui es-tu ?
QUINOLA
Le plus petit et le plus dévoué de vos sujets, le valet d'un homme qui gémit dans les prisons du saint-office, accusé de magie pour vouloir donner à Votre Majesté les moyens d'éviter de pareils désastres…
PHILIPPE II
Si tu n'es qu'un valet, lève-toi. Les grands doivent seuls ici fléchir devant le roi.
QUINOLA
Mon maître restera donc à vos genoux.
PHILIPPE II
Explique-toi promptement : le roi n'a pas dans sa vie autant d'instants qu'il a de sujets.
QUINOLA
Vous devez alors une heure à un empire. Mon maître, le seigneur Alfonso Fontanarès, est dans les prisons du saint-office…
PHILIPPE II (au grand Inquisiteur.)
Mon père, (le grand Inquisiteur s'approche)
que pouvez-vous nous dire d'un certain Alfonso Fontanarès ?
LE GRAND INQUISITEUR
C'est un élève de Galilée, il professe sa doctrine condamnée, et se vante de pouvoir faire des prodiges en refusant d'en dire les moyens. Il est accusé d'être plus Maure qu'Espagnol.
QUINOLA (à part.)
Cette face blême va tout gâter… (Au roi.)
Sire, mon maître, pour toute sorcellerie, est amoureux fou, d'abord de la gloire de Votre Majesté, puis d'une fille de Barcelone, héritière de Lothundiaz, le plus riche bourgeois de la ville. Comme il avait ramassé plus de science que de richesse en étudiant les sciences naturelles en Italie, le pauvre garçon ne pouvait réussir à épouser cette fille que couvert de gloire et d'or… Et voyez, Sire, comme on calomnie les grands hommes : il fit, dans son désespoir, un pèlerinage à Notre-Dame-del-Pilar, pour la prier de l'assister, parce que celle qu'il aime se nomme Marie. Au sortir de l'église, il s'assit fatigué, sous un arbre, s'endormit, la madone lui apparut et lui conseilla cette invention de faire marcher les vaisseaux sans voiles, sans rames, contre vent et marée. Il est venu vers vous, Sire : on s'est mis entre le soleil et lui, et après une lutte acharnée avec les nuages, il expie sa croyance en Notre-Dame-del-Pilar et en son roi. Il ne lui reste que son valet assez courageux pour venir mettre à vos pieds l'avis qu'il existe un moyen de réaliser la domination universelle.
PHILIPPE II
Je verrai ton maître au sortir de la chapelle.
LE GRAND INQUISITEUR
Le roi ne court-il pas des dangers ?
PHILIPPE II
Mon devoir est de l'interroger.
LE GRAND INQUISITEUR
Le mien est de faire respecter les priviléges du saint-office.
PHILIPPE II
Je les connais. Obéis et tais-toi. Je te dois un otage, je le sais… (Il regarde.)
Où donc est le duc d'Olmédo ?
QUINOLA (à part.)
Aïe ! aïe !
LA MARQUISE (à part.)
Nous sommes perdus.
LE CAPITAINE
Sire, le duc n'est pas encore… arrivé…
PHILIPPE II
Qui lui a donné la hardiesse de manquer aux devoirs de sa charge ? (À part.)
Il me semble que l'on me trompe. (Au capitaine des gardes.)
Tu lui diras, s'il arrive, que le roi l'a commis à la garde d'un prisonnier du saint-office. (Au grand inquisiteur.)
Donnez un ordre.
LE GRAND INQUISITEUR
Sire, j'irai moi-même.
LA REINE
Et si le duc ne vient pas ?…
PHILIPPE II
Il serait donc mort. (Au capitaine.)
Tu le remplaceras dans l'exécution de mes ordres. (Il passe.)
LA MARQUISE (à Quinola.)
Cours chez le duc, qu'il vienne et se comporte comme s'il n'était pas mourant. La médisance doit être une calomnie.
QUINOLA
Comptez sur moi, mais protégez-nous. (Seul.)
Sangodémi ! le roi m'a paru charmé de mon invention de Notre-Dame-del-Pilar, je lui fais vœu… de quoi ?… Nous verrons après le succès.
(Le théâtre change et représente un cachot de l'Inquisition.)
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