PROLOGUE - SCÈNE XIII



(les précédents, LE ROI, LA REINE, LA MARQUISE DE MONTDÉJAR, LE CAPITAINE DES GARDES, LE GRAND INQUISITEUR, LE PRÉSIDENT DU CONSEIL DE CASTILLE, TOUTE LA COUR.)

PHILIPPE II (au capitaine des gardes.)
Notre homme est-il venu ?

LE CAPITAINE
Le duc d'Olmédo, que j'ai rencontré sur les degrés du palais, s"est empressé d'obéir au roi.

LE DUC D'OLMÉDO (, un genou en terre.)
Le roi daigne-t-il pardonner un retard… impardonnable.

PHILIPPE II (le relève par le bras blessé.)
On te disait mourant… (Il regarde la marquise.)
d'une blessure reçue dans une rencontre de nuit.

LE DUC D'OLMÉDO
Vous me voyez, Sire.

LA MARQUISE (à part.)
Il a mis du rouge !

PHILIPPE II (au duc.)
Où est ton prisonnier ?

LE DUC D'OLMÉDO (, montrant Fontanarès.)
Le voici…

FONTANARÈS (un genou en terre.)
Prêt à réaliser, à la très-grande gloire de Dieu, des merveilles pour la splendeur du règne du roi mon maître…

PHILIPPE II
Lève-toi, parle ; quelle est cette force miraculeuse qui doit donner l'empire du monde à l'Espagne ?

FONTANARÈS
Une puissance invincible, la vapeur… Sire, étendue en vapeur, l'eau veut un espace bien plus considérable que sous sa forme naturelle, et pour le prendre elle soulèverait des montagnes. Mon invention enferme cette force : la machine est armée de roues qui fouettent la mer, qui rendent un navire rapide comme le vent, et capable de résister aux tempêtes. Les traversées deviennent sûres, d'une célérité qui n'a de bornes que dans le jeu des roues. La vie humaine s'augmente de tout le temps économisé. Sire, Christophe Colomb vous a donné un monde à trois mille lieues d'ici ; je vous le mets à la porte de Cadix, et vous aurez, Dieu aidant, l'empire de la mer.

LA REINE
Vous n'êtes pas étonné, Sire ?

PHILIPPE II
L'étonnement est une louange involontaire qui ne doit pas échapper à un roi. (À Fontanarès.)
Que me demandes-tu ?

FONTANARÈS
Ce que demanda Colomb, un navire et mon roi pour spectateur de l'expérience.

PHILIPPE II
Tu auras le roi, l'Espagne et le monde. On te dit amoureux d'une fille de Barcelone. Je dois aller au delà des Pyrénées, visiter mes possessions, le Roussillon, Perpignan. Tu prendras ton vaisseau à Barcelone.

FONTANARÈS
En me donnant le vaisseau, Sire, vous m'avez fait justice ; en me le donnant à Barcelone, vous me faites une grâce qui change votre sujet en esclave.

PHILIPPE II
Perdre un vaisseau de l'État, c'est risquer ta tête. La loi le veut ainsi…

FONTANARÈS
Je le sais, et j'accepte.

PHILIPPE II
Eh bien ! hardi jeune homme, réussis à faire aller contre le vent, sans voiles ni rames, ce vaisseau comme il irait par un bon vent. Et toi, — ton nom ?

FONTANARÈS
Alfonso Fontanarès.

PHILIPPE II
Tu seras don Alfonso Fontanarès, duc de… Neptunado, grand d'Espagne…

LE DUC DE LERME
Sire… les statuts de la Grandesse…

PHILIPPE II
Tais-toi, duc de Lerme. Le devoir d'un roi est d'élever l'homme de génie au-dessus de tous, pour honorer le rayon de lumière que Dieu met en lui.

LE GRAND INQUISITEUR
Sire…

PHILIPPE II
Que veux-tu ?

LE GRAND INQUISITEUR
Nous ne retenions pas cet homme parce qu'il avait un commerce avec le démon, ni parce qu'il était impie, ni parce qu'il était d'une famille soupçonnée d'hérésie ; mais pour la sûreté des monarchies. En permettant aux esprits de se communiquer leurs pensées, l'imprimerie a déjà produit Luther, dont la parole a eu des ailes. Mais cet homme va faire, de tous les peuples, un seul peuple ; et, devant cette masse, le saint-office a tremblé pour la royauté.

PHILIPPE II
Tout progrès vient du ciel.

LE GRAND INQUISITEUR
Le ciel n'ordonne pas tout ce qu'il laisse faire.

PHILIPPE II
Notre devoir consiste à rendre bonnes les choses qui paraissent mauvaises, à faire de tout un point du cercle dont le trône est le centre. Ne vois-tu pas qu'il s'agit de réaliser la domination universelle que voulait mon glorieux père… (À Fontanarès.)
Donc, grand d'Espagne de première classe, et je mettrai sur ta poitrine la Toison-d'Or tu seras enfin grand-maître des constructions navales de l'Espagne et des Indes… (À un ministre.)
Président, tu expédieras aujourd'hui même, sous peine de me déplaire, l'ordre de mettre à la disposition de cet homme, dans notre port de Barcelone, un vaisseau à son choix, et… qu'on ne fasse aucun obstacle à son entreprise.

QUINOLA
Sire…

PHILIPPE II
Que veux-tu ?

QUINOLA
Pendant que vous y êtes, accordez, Sire, la grâce d'un misérable nommé Lavradi, condamné par un alcade qui était sourd.

PHILIPPE II
Est-ce une raison pour que le roi soit aveugle ?

QUINOLA
Indulgent, Sire, c'est presque la même chose.

FONTANARÈS
Grâce pour le seul homme qui m'ait soutenu dans ma lutte.

PHILIPPE II (au ministre.)
Cet homme m'a parlé, je lui ai tendu la main ; tu expédieras des lettres de grâce entière…

LA REINE (au roi.)
Si cet homme (elle montre Fontanarès)
est un de ces grands inventeurs que Dieu suscite, Don Philippe, vous aurez fait une belle journée.

PHILIPPE II (à la reine.)
Il est bien difficile de distinguer entre un homme de génie et un fou ; mais si c'est un fou, mes promesses valent les siennes.

QUINOLA (à la marquise.)
Voici votre lettre, mais, entre nous, n'écrivez plus.

LA MARQUISE
Nous sommes sauvés.
(La cour suit le roi qui rentre.)
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