Prologue - Scène VII



(FOLLENTIN MADAME FOLLENTIN, MARTHE, BIENENCOURT)

BIENENCOURT
Oui, mon ami, moi !

FOLLENTIN
Ah ! oui !… je sais, ma femme m'a dit. Vous êtes venu tout à l'heure. Mais je ne sais pas ce que vous demandez… Nous nous voyons tous les jours au ministère… et nos rapports…

BIENENCOURT
Il ne s'agit pas pour le moment de nos rapports, il s'agit de choses plus urgentes. Je vous avoue qu'il m'est pénible d'arriver ici en messager de malheur !

TOUS
De malheur !

BIENENCOURT
Oui, j'ai cru que c'était mon devoir, j'ai tenu à vous exposer moi-même les choses telles qu'elles se sont passées… afin que vous ne puissiez pas croire…

FOLLENTIN
Mais quoi ? Quoi ? Parlez !

BIENENCOURT
Eh ! bien, mon ami, cette place de chef de bureau sur laquelle vous étiez en droit de compter…

FOLLENTIN
Je ne suis pas nommé ?

BIENENCOURT
Hélas !

MADAME FOLLENTIN
Il n'est pas nommé ?

MARTHE
Tu n'es pas nommé ?

BIENENCOURT
Vous n'êtes pas nommé !

FOLLENTIN
Ah ! voilà ! Voilà comment les gouvernements d'aujourd'hui récompensent le zèle et le dévouement ! Mais enfin ! pourquoi ? Pourquoi ? On se rapproche.

TOUS
Pourquoi ? Pourquoi ?

BIENENCOURT
Oh ! Il n'y a rien de personnel ! Mais en matière d'avancement le ministre a pour règle de tenir toujours compte de la situation de fortune des candidats. Et comme il sait que vous avez fait un gros héritage !

FOLLENTIN
Encore ! Encore ! cet héritage ! Toujours cet héritage ! Mais où est-elle, ma fortune ? Où est-elle ?

BIENENCOURT
Mais enfin, n'avez-vous pas hérité ?

FOLLENTIN
Oui, je sais, j'ai hérité de 320 000 francs !… Ah ! il est joli, mon héritage ! mais je vous le cède, mon héritage ! En voulez-vous ? Donnez-moi 300 000 francs comptant et il est à vous !

BIENENCOURT
Tout cela, mon ami, c'est pour vous expliquer…

FOLLENTIN
Mais quoi ?… Qui est-ce qui est nommé à ma place ?… Quelque imbécile !

BIENENCOURT
Non ! Je suis vraiment désolé !

FOLLENTIN
C'est vous !

BIENENCOURT
Follentin !

LES DEUX FEMMES
Lui !

FOLLENTIN
Lui !

BIENENCOURT
Follentin, je vous jure !

FOLLENTIN
Oui ! Comme pour le roi de Siam ! La croix de commandeur ! Allons ! Assez, Monsieur ! Allez porter vos trahisons ailleurs !

BIENENCOURT
Trahisons !… Moi !

FOLLENTIN(furieux)
. Oui, toi ! toi ! Va-t'en ! Va-t'en ! tu n'es qu'un usurpateur !

MADAME FOLLENTIN(poussant Bienencourt au fond)
. Oui !… Oui !… Allez-vous en, Monsieur !

MARTHE
Vous voyez que vous l'exaspérez !

BIENENCOURT
Vous avez raison ! Je m'en vais !

FOLLENTIN
Va ! Va ! Va lécher les pieds à ton ministre ! Va !… Il y a peut-être encore d'autres places à voler !

BIENENCOURT(sur le pas de la porte)
. Pauvre homme ! (Il sort. Follentin referme la porte et redescend.)

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