Acte II - Scène III



(FOLLENTIN CARTOUCHE, MANDRIN)

CARTOUCHE
Mais nous ne pouvons pas rester ici !…

TOUS
Non ! (Ils enlèvent leurs chaînes.)

MANDRIN
Si demain, au petit jour, nous sommes encore là,… c'en est fait de nous !

FOLLENTIN
Et moi, je me connais. Quand on me fait faire quelque chose de trop bon matin, ça me fiche à bas pour toute la journée !

CARTOUCHE
Aussi faut-il fuir ! .

TOUS
Fuyons !

MANDRIN
Mais comment ? (Ils se mettent tous à tourner dans tous les sens comme des souris dans une souricière.)

FOLLENTIN
Oui ! Eh bien ! nous n'avançons pas. Je crois qu'il vaut mieux chercher le moyen avant.

TOUS
Cherchons !

FOLLENTIN
Ce qui me paraît le plus naturel, c'est la fenêtre.

MANDRIN
Mais les barreaux !

FOLLENTIN
Ah, oui ! sacrés barreaux !… (Allant secouer les barreaux qui lui restent dans les mains.)
Ah ! ils ne tiennent pas !

TOUS
Ah !

FOLLENTIN
Sauvés, nous sommes sauvés !

MANDRIN
Comment, sauvés ! mais c'est à trente-cinq mètres du sol !

FOLLENTIN
C'est vrai ! mais enfin, c'est déjà quelque chose, nous savons qu'on peut sortir par là !

CARTOUCHE
En se cassant le cou !

FOLLENTIN
Oui, mais enfin, c'est déjà quelque chose ! Maintenant, ce qu'il faut trouver, c'est justement le moyen de ne pas se casser le cou !… Eh bien ! en attachant des rideaux, les uns aux autres, sur une longueur de 35 mètres !…

MANDRIN
Oui, mais nous n'avons pas de rideaux !

FOLLENTIN
Oui, mais nous savons que si nous en avions, c'est déjà quelque chose ! Attendez donc !… J'ai une idée !… nos chemises, nos vêtements, en les effilant… et en les tressant après, nous faisons une corde.

CARTOUCHE
Mais il faudra quinze ans !

FOLLENTIN
Quinze ans !… oui, oui !… En effet ! d'ici demain matin, nous ne trouverons jamais les 15 années nécessaires. Mais alors, j'ai trouvé !…

TOUS
Quoi ?

FOLLENTIN
Mandrin sort le premier et se suspend par les mains au rebord de la fenêtre, vous, Cartouche, vous descendez le long de Mandrin, et vous vous accrochez à ses pieds. Moi je descends le long de Mandrin et puis le long de vous, et je m'accroche à vos pieds !

MANDRIN
Oui, mais ça ne fera jamais trente-cinq mètres !

FOLLENTIN
Oui !… mais c'est déjà quelque chose !… Et puis alors,… attendez !… Mandrin, lui, qui n'a plus rien à faire là-haut, descend le long de vous et le long de moi…

CARTOUCHE
Mais pour cela, il lâche la fenêtre !…

FOLLENTIN
Naturellement !

MANDRIN
Mais alors, nous dégringolons tous les trois !

FOLLENTIN
C'est vrai !… Je n'y avais pas pensé ! Mon Dieu ! tout de même, si au lieu de trois nous avions été cinq !… Ça allait tout seul !

TOUS ( s'arrachant les cheveux.)
Ah ! non ! Ah ! non ! Il faut trouver !… Il faut trouver !… (On entend les verrous de la porte.)

TOUS
Le geôlier ! le geôlier !… (Affolement général.)
A nos chaînes !… non, pas par là !… Ah ! les barreaux ! Dans l'enchevêtrement de la débandade ; ( ils sont allés s'enchaîner chacun à une place différente de celle qui leur était respectivement affectée. Ils sont à peine assis que la porte s'ouvre et Bienencourt paraît.)

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