Acte I - Scène XIII
(FOLLENTIN HENRI DE NAVARRE)
HENRI(entrant, par la porte de l'escalier dérobé, un billet à la main.)
Mordi ! Que m'écrit la reine-mère ! "Un homme est en train de prendre votre place chez votre femme ! " Pour qu'elle me le signale, ce ne saurait être mon cher beau-frère, le duc d'Alençon ! Par les cornes du diable ! Nous allons bien voir ! (Il va au lit et ouvre les rideaux. On voit Follentin assis sur le rebord du lit.)
Ah !
FOLLENTIN(à part.)
Zut !
HENRI
Un page du palais ! Que faites-vous ici, vous ?
FOLLENTIN
Mais… m… ais !…
HENRI
Ne bêlez pas ! Où est la Reine
FOLLENTIN(voulant se montrer aimable.)
Elle va venir !
HENRI
Hein ?
FOLLENTIN
Elle a été un petit instant dans son cabinet de toilette.
HENRI
Elle va venir !… Vous osez ? Il avoue ! Enfer et damnation ! C'est un affront qui ne se lavera que dans le sang !
FOLLENTIN
Qu'est-ce qu'il dit ?
HENRI(tirant son épée.)
Allons, debout, manant !… et flamberge au vent !
FOLLENTIN(descendant du lit)
. Je vais vous expliquer.
HENRI
Pas d'explication !… Allons, Monsieur ! J'ai failli attendre !…
FOLLENTIN
Ah, ça ! ce n'est pas de vous !
HENRI
Qu'est-ce que vous dites ?
FOLLENTIN
Rien ! (A part.)
A-t-il mauvais caractère !
HENRI
Allons ! Allons ! Faut-il vous mettre l'épée dans les reins pour vous forcer à vous battre ?
FOLLENTIN(cherchant son épée qui a tourné et se trouve derrière lui.)
Voilà ! Voilà ! Attendez.
HENRI
Allons ! flamberge au vent ! Qu'est-ce que vous cherchez ?
FOLLENTIN
Mais… ma flamberge !… Je l'ai dans le dos ! C'est mon ceinturon qui a tourné.
HENRI
Trêve de facéties ! Vous y êtes ?
FOLLENTIN(tirant son épée.)
Voilà ! Voilà ! (A part.)
Quelle fichue idée j'ai eue d'entrer dans le Louvre !
HENRI
A nous deux, Monsieur ! (Ils croisent le fer.)
FOLLENTIN
Dites donc, ça pique, ça !
HENRI
C'est votre peau que je veux !
FOLLENTIN
Ma peau ! Ma peau ! Il est bon, lui ! (Parant un coup de Henri.)
Eh là ! Attendez donc ! Je n'y suis pas ! (Tout en se battant.)
Un duel avec Henri IV ! Quelle page d'histoire !
HENRI
Allez ! Parez celle-là !
FOLLENTIN
Oh, là !
HENRI
Et celle-ci !
FOLLENTIN
Oh, là ! Ah ! non ! Vous savez ! (Il attrape l'épée d'Henri.)
HENRI
Hein ! Voulez-vous lâcher mon épée ! la main gauche est défendue !
FOLLENTIN
Ah ! ça m'est bien égal ! ce n'est pas moi qui ai demandé à me battre, n'est-ce pas ? (Lui portant des coups d'épée.)
Eh ! allez ! Eh ! allez donc !
HENRI
Ah ! misérable, traître ! Il m'a tué ! (Il tombe.)
FOLLENTIN
Mon Dieu !
HENRI
Au secours ! à l'assassin !
FOLLENTIN
Taisez-vous donc, mon Dieu ! (Voyant Henri immobile.)
Est-ce que je l'aurais tué ? (Posant son oreille sur la poitrine d'Henri.)
Je n'entends plus le cœur, ni à gauche, ni à droite ! (Avec éclat.)
J'ai tué Henri IV ! J'ai tué Henri IV !… Non, c'est pas possible ! Et Ravaillac alors ! Mais je ne peux pas le laisser là !… On peut venir !… Si on le trouve ! Où le cacher ! Où le cacher ! (Il prend Henri à bras le corps et exécute une vraie valse avec lui.)
Mon Dieu ! du monde ! (Apercevant la banquette en bois sculpté.)
Ah ! cette banquette !… elle forme coffre !… Un pied dans le crime !(Il traîne Henri jusqu'à la banquette.)
Ce qu'il est lourd, cet animal-là ! (Il ouvre la banquette et le met dedans.)