Acte II - Scène V
(FOLLENTIN GABRIEL, CARTOUCHE, MANDRIN, PUIS LATUDE)
TOUS(pendant que Gabriel va déposer sa trousse de serrurier tout à fait sur le devant de la scène et s'accroupit.)
Parti ! (Ils se débarrassent tous les trois de leurs chaînes.)
FOLLENTIN
Oh ! quelle idée !… (Pantomime. Il indique le serrurier à Cartouche et à Mandrin, et fait le geste de lui tordre le cou. Les autres font "oui" de la tête.)
Ma foi ! tant pis ! c'est le pied dans le crime !
TOUS
Allons ! ( Ils foncent sur Gabriel et cherchent à l'étrangler.)
GABRIEL(se débattant.)
Eh ! là ! Eh ! là ! tout beau, vous autres !… Si c'est comme ça que vous recevez les gens qui viennent à votre secours !
TOUS
Hein ! (Gabriel retire sa barbe.)
FOLLENTIN
Gabriel !
CARTOUCHE
Votre lieutenant !
GABRIEL
Lui-même !
FOLLENTIN
Ah ! Gabriel !… Dieu soit béni !
GABRIEL
Et maintenant, mes amis, pas de temps à perdre !… Il s'agit de filer ! Déjà, pour faciliter la chose, j'ai scié les barreaux.
MANDRIN
C'était vous !
GABRIEL
C'était moi !
FOLLENTIN
Brave garçon !
GABRIEL
Et maintenant, vous n'avez qu'à prendre une échelle de corde !
FOLLENTIN
C'est ça !… C'est ça !… une échelle de corde !
CARTOUCHE
Mais nous n'en avons pas !
FOLLENTIN
Ah ! c'est vrai ce qu'il dit là !… Nous n'en avons pas !
GABRIEL
La belle affaire !… Ne suis-je pas prestidigitateur ! Et n'avez-vous pas votre chapeau !
FOLLENTIN
C'est vrai ! Il lui donne son chapeau.
GABRIEL
Une ! deux ! trois !… (En tirant une échelle de corde.)
Une échelle, une !…
TOUS
avec joie. Une échelle ! (Ils esquissent une danse de joie.)
GABRIEL
Oh ! Il ne s'agit pas de danser en ce moment. Vous vous réjouirez quand vous serez hors d'ici !… Accrochez l'échelle ! (Mandrin va accrocher l'échelle à la fenêtre.)
FOLLENTIN
Ça va ?
CARTOUCHE
Oui !… Elle arrive juste au raz du sol…
MANDRIN
Alors, filons ! (Il va pour enjamber la fenêtre.)
Tiens ! Attendez donc ! Quel est cet homme qui tourne autour de la Bastille !
TOUS
Un homme ?
CARTOUCHE
Oui !… Il a vu l'échelle !… Il lève la tête de notre côté… Mon Dieu !… serait-ce un espion !
FOLLENTIN
Mais, ma parole, il grimpe à l'échelle !…
TOUS
Mais oui !
MANDRIN
Si nous laissions tomber l'échelle ?
CARTOUCHE
Mais alors nous ne l'aurions plus !
FOLLENTIN
Vous avez raison ! Mieux vaut le laisser monter !… Et si c'est un espion, couic !…
TOUS
C'est ça !…
FOLLENTIN
Oh ! maintenant, rien ne m'arrête plus !
TOUS
Lui ! (Paraît en haut de l'échelle, un homme qui enjambe la fenêtre.)
LATUDE
Enfin !
TOUS
Qui vive !
LATUDE
Hein ! quoi ?
FOLLENTIN
Allons, parlez, qui êtes-vous ?
LATUDE
Moi ?… Latude !
TOUS
Latude !
LATUDE
Merci, mes amis !… Merci de m'avoir donné le moyen de réintégrer ma chère Bastille !
TOUS
Comment ?
LATUDE
Voilà des années, monsieur, que l'administration me met à la porte chaque fois que je reviens ici. On aura beau faire, chaque fois qu'on me chassera, je saurai bien y revenir.
FOLLENTIN
A votre aise, monsieur Latude ! Mais nous qui n'avons pas les mêmes raisons que vous, nous allons jouer la fille de l'air. A vous, Cartouche !
CARTOUCHE
Par obéissance !… (Il enjambe la fenêtre et disparaît.)
A vous, Mandrin !
MANDRIN (même jeu.)
Ça me connaît !
GABRIEL
A vous, M. Follentin !
FOLLENTIN
A moi !… (Enjambant la fenêtre.)
Oh ! nom d'un chien ! Oh ! que c'est haut !
GABRIEL
Eh ! bien, allez !
FOLLENTIN
Mais je ne peux pas !… Il n'y a pas mèche !… j'ai le vertige ! (On entend les verrous de la porte.)