ACTE III - SCENE VI



LES MEMES, GABRIELLE, MADAME GROBOIS, puis RUDEBEUF.

MADAME GROBOIS
Là, tu viens, Gabrielle ?

GABRIELLE
Voilà, ma tante !

ETIENNE
(à part. )
Elle !

GABRIELLE
(apercevant ETIENNE, à part. )
Lui !

MADAME GROBOIS
(à part. )
Etienne ! allons bon !

GABRIELLE
(à part. )
Et sa Phèdre avec lui !

ETIENNE
Ahahahaha !

LE BRISON
Je vous en prie, pas d'histoire.

ETIENNE
Laissez-moi.

MADAME GROBOIS
Sois digne. N'aie pas l'air de le voir.

CHATEL-TARRAUT (ajustant son monocle)
Mais c'est Irène, ma parole ! (Apercevant GABRIELLE.)
avec la jeune enfant… Funérailles ! que va-t-il. se passer ?…

ETIENNE
Il y a des femmes qui sont capables d'oublier leur devoir !

CHATEL-TARRAUT
Comment ?

ETIENNE
C'est pas à vous que je parle ! Il y a heureusement des hommes qui savent s'en consoler.

GABRIELLE
Ma tante ! oh ! tu entends ?

MADAME GROBOIS
Tais-toi ! N'aie pas l'air ! fais la sourde !

ETIENNE
Et aïe donc ! Je ne suis pas fâché.

LE BRISON
Oh ! c'est malin !

ETIENNE
Viens, Phèdre ! Viens, mon amie aimée. Embrasse ton amant pour lui donner du cœur !

GABRIELLE
Oh ! tu entends !

ETIENNE
(bas. )
Embrasse-moi, je te dis.

LE BRISON
Monsieur, vous oubliez que je suis là.

PHEDRE
C'est de mauvais goût, ce que tu fais là !

ETIENNE
C'est de mauvais goût, mais ça soulage.
(RUDEBEUF entre.)

RUDEBEUF
Voilà, je suis à vous !…

GABRIELLE
Vous arrivez bien !… Votre bras, vous !

RUDEBEUF
Qu'est-ce qu'il y a ?

ETIENNE et LE BRISON
Rudebeuf!

RUDEBEUF
Chapelain ! sapristi !

GABRIELLE
Votre bras, je vous dis,

RUDEBEUF
Certainement, comment donc !

ETIENNE
Je vais lui casser les reins.

LE BRISON
Oh ! non, non ! vous n'allez pas vous colleter ! Jusqu'à la course, vous m'appartenez ! nous avons un contrat.

ETIENNE
Fichez-moi la paix! C'est trop fort! (A Châtel-Tarraut.)
C'est bien vous qui êtes le maire ?

CHATEL-TARRAUT
Oui, pourquoi ?

ETIENNE
Vous voyez ce monsieur !… Vous allez lui dire que si dans trois minutes, il n'a pas lâché le bras de madame !…

CHATEL-TARRAUT
Comment ?

ETIENNE
Dans trois minutes ! Je lui rentre dedans, allez !

CHATEL-TARRAUT
Ah, çà! Vous perdez la tête! Est-ce que vous croyez que je suis là pour…

ETIENNE
Préférez-vous que j'y aille moi-même ?

CHATEL-TARRAUT
Non ! Non !

ETIENNE
Allez, allez.

CHATEL-TARRAUT
Bon. (A part.)
En voilà des commissions.

LE BRISON
Oh !

PHEDRE
Allons, voyons, Etienne !

ETIENNE
Laisse-moi.

LE BRISON
Monsieur, ce n'est pas au moment où l'on va courir…

ETIENNE
Foutez-moi la paix !

CHATEL-TARRAUT
(s'adressant aux dames. )
Eh bien ! voilà… Mais d'abord, ça va bien, oui ?

GABRIELLE
Très bien ! Qu'est-ce qu'il y a ?

CHATEL-TARRAUT
(à RUDEBEUF. )
Eh bien ! voilà… Vous tenez beaucoup à vous donner le bras ?

RUDEBEUF
Oh ! mon Dieu !

GABRIELLE
(à RUDEBEUF. )
Assez !

CHATEL-TARRAUT
(à GABRIELLE. )
Parce qu'il y a votre mari qui m'a chargé… ça le contrarie… Alors, si ça ne vous contrariait pas !

GABRIELLE
Que, quoi ? Que, quoi ?

ETIENNE
Eh bien! le maire! Voilà déjà une minute!

CHATEL-TARRAUT
(à ETIENNE. )
Oui, oui, voilà !… Il y a déjà une minute. (A GABRIELLE.)
Ecoutez ! qu'est-ce que ça vous fait ! Lâchez-vous le bras, allez ! Ça nous fera plaisir à tous.

RUDEBEUF
Mais comment donc !… si ça peut vous être agréable !

GABRIELLE
Qu'est-ce que vous dites?… Je vous défends de bouger. (A Châtel-Tarraut.)
Répondez à ce monsieur que je n'ai pas d'ordre à recevoir de lui, et que je suis là avec mon amant.

MADAME GROBOIS
Parfaitement, nous sommes là avec notre amant. Allez.

RUDEBEUF
Non, mais dites que vous voulez me faire battre avec votre mari.

ETIENNE
(haut. )
Encore deux minutes, et je lui rentre dans le chou !…

CHATEL-TARRAUT
Encore deux minutes, voyons! et il vous rentre dans le chou.

RUDEBEUF
Vous entendez ?… à l'épée, ça me serait égal ! Mais me faire casser la figure !…

ETIENNE
Eh ! le maire !

GABRIELLE
Voulez-vous laisser votre bras !

CHATEL-TARRAUT
(à ETIENNE. )
Rien à faire. Eh bien! voilà! J'ai fait la commission. Il paraît qu'il est l'amant de madame Grobois. Alors… il me semble sans inconvénient!

ETIENNE
Ah ! c'est comme ça ! Eh bien ! mon petit, tu vas voir un peu de quel bois je me chauffe !…

GABRIELLE
(à RUDEBEUF. )
Allez ! Allez !

PHEDRE
(retenant ETIENNE. )
Etienne ! Etienne !
(La cloche sonne.)

LE BRISON
Le départ ! le départ ! Arrêtez ! C'est le départ ! A votre voiture, nom de nom !
C'est une désertion !

JOURDAIN
A ta voiture ! C'est ton drapeau ! Tu vas te déshonorer !

ETIENNE
Soit ! mais si je gagne la course, je vous casse une patte.

LE BRISON
C'est ça ! c'est ça !

TOUS
Allez ! Allez !

ETIENNE
Et si je la perds, je vous casse la gueule.

TOUS
Allez ! Allez !
(DEUXIEME TABLEAU)
(Même point de vue. Les premiers plans sont toujours LES MEMES, mais la toile de fond a fait place à un décor à plusieurs plans. Le circuit bat son plein. La foule est massée derrière les soldats, contre la palissade. A gauche, une échelle double sur laquelle est monté LE BRISON. A droite, une autre échelle sur laquelle sont grimpées GABRIELLE et Mme Grosbois.)

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