ACTE III - SCENE I
MADAME GROBOIS
GABRIELLE
PHEDRE, LE BRISON CHATEL-TARRAUT, RUDEBEUF
UN VENDEUR DE JOURNAUX, , UN SPECTATEUR.
LA FOULE
La Renault! La Renault! (passe l'auto)
Bravo! Bravo, la Renault!
MADAME GROBOIS
Ah ! non, ce virage !
GABRIELLE
Ça vous donne la chair de poule.
MADAME GROBOIS
Comment il ne s'en est pas encore démoli plusieurs depuis deux heures que ça dure ! J'en ai mal aux entrailles.
UN VENDEUR
Demandez "La Vie au Grand Air".
LE BRISON
(de son échelle. )
Qu'est-ce qui mène? La Renault?
RUDEBEUF
(au pied de l'échelle. )
Je ne sais pas ! Je crois que c'est Choudart.
UN VENDEUR
"L'Auto" ! Qui veut "L'Auto" ?
LE BRISON
(descendant de l'échelle. )
Oh ! "L'Auto" ! Ce doit être dedans ! Eh ! petit ! (Tout en courant après le vendeur, parlant à RUDEBEUF.)
Si vous n'avez pas de chaise, montez sur mon échelle.
RUDEBEUF
Non ! Je suis avec ces dames.
(Il va rejoindre Mme Grosbois.)
LE BRISON
Eh ! petit ! "L'Auto" !
(PHEDRE entre au bras de Châtel-Tarraut.)
LA FOULE
L'Itala ! c'est l'Itala !
(Passe une auto.)
PHEDRE
(donnant le bras à Châtel-Tarraut. )
Oh! oui, j'aime mieux ici. Aux tribunes, c'est pas rigolo!
CHATEL-TARRAUT
(sa chienne sous le bras. )
Rigolo, ça ne l'est nulle part ! Très heureux d'avoir pu vous servir de cavalier.
PHEDRE
Et moi de caniche.
CHATEL-TARRAUT
Oh ! Oh ! Pouvez-vous dire. J'avais Tchaï-Nou.
LA FOULE
La Panhard ! C'est la Panhard ! (Passe l'auto, cri instinctif de la foule.)
Ah !
UNE VOIX.
Non, il n'a rien.
LA FOULE
Il n'a rien ! Il n'a rien !
MADAME GROBOIS
Ah ! Jésus-Marie ! un doigt de plus et ça y était !
GABRIELLE
Ah ! que j'ai eu peur !
RUDEBEUF
Ah ! c'est que ce virage, s'il est mal pris !
LA FOULE
La Brasier ! La Brasier ! (Passe l'auto.)
Bravo !
PHEDRE
Oh ! mais, on ne voit rien. Ils sont tous là, perchés. (A un spectateur.)
Dites donc, elle est libre, votre échelle ?
UN SPECTATEUR
Non, elle est louée.
PHEDRE
Par qui ?
UN SPECTATEUR
Je ne sais pas son nom ! un gros monsieur âgé.
PHEDRE
Ah ! ça va bien, c'est mon père.
UN SPECTATEUR
C'est votre père ?
PHEDRE
(grimpant sur l'échelle. )
Qu'est-ce que je risque ! Vous ne voulez pas un échelon, monsieur Châtel-Tarraut?
CHATEL-TARRAUT
Oh ! non, non, merci ! c'est l'heure des petits besoins de Tchaï-Nou, il faut que je la promène.
(Il la pose à terre.)
PHEDRE
Oh ! Je serais désolée de la retenir.
CHATEL-TARRAUT
Elle aussi !
GABRIELLE
Ma tante! Encore cette chipie, là-bas, sur l'échelle.
MADAME GROBOIS
Eh! bien, ne regarde pas, ne regarde pas.
GABRIELLE
Ah ! celle-là ! si jamais…
LA FOULE
La Mercedes ! La Mercedes !
(Passe l'auto.)
CHATEL-TARRAUT
(s'en allant. )
Va, Tchaï-Nou, ne t'intimide pas! Tous ces gens sont sans importance !… Fais comme chez moi, Tchaï-Nou, fais comme chez moi!
MADAME GROBOIS
(la jumelle devant les yeux. )
C'est très curieux, cet aigle qui passe et repasse.
RUDEBEUF
Comment, un aigle ?
MADAME GROBOIS
Enfin, je ne sais pas, ou un vautour !… A l'œil nu, je ne le vois pas, et avec ma jumelle.
RUDEBEUF
Qu'est-ce que vous chantez, madame Grobois?
MADAME GROBOIS
Mais tenez, regardez ! (Elle passe sa jumelle.)
dans cette direction là !…
RUDEBEUF
Ah ! par exemple, c'est curieux, ça !… mais… mais…, mais c'est dans la jumelle !
Il y a une mouche dans votre jumelle !
MADAME GROBOIS
Une mouche dans ma jumelle ! Il y a une mouche dans ma jumelle ?
RUDEBEUF
Si c'est ça que vous appelez un aigle !
MADAME GROBOIS
Ah, bien ! elle n'est pas ordinaire, celle-là ! Elle est un peu toquée, cette mouche-là!
LA FOULE
La Gobron ! La Gobron !
(Arrive LE BRISON.)