ACTE PREMIER - SCÈNE VIII



ELENA ANDREEVNA VOINITZKI

VOINITZKI
Quel esprit étroit ! Chacun a le droit de dire des bêtises, mais je n'aime pas qu'on les dise avec emphase.

ELENA ANDREEVNA
Mais vous, Georges, vous avez encore été impossible Quel besoin aviez-vous de discuter avec Maria Vassilievna, avec Alexandre, et de parler de "perpetuum mobile"? C'est vraiment mesquin!

VOINITZKI
Mais puisque je le hais!

ELENA ANDREEVNA
Il n'y a aucune raison de haïr Alexandre. Il est comme les autres…
(SONIA et YOULIA vont au jardin, portant des boules et des maillets.)

VOINITZKI
Si vous pouviez vous voir vous-même, voir votre visage, vos mouvements… Quelle paresse de vivre! Oh! quelle paresse!

ELENA ANDREEVNA
Oui, c'est de la lassitude et de l'ennui… (Une pause.)
Tout le monde dit devant moi du mal de mon mari, sans être gêné par ma présence. Tout le monde me regarde avec pitié : la malheureuse, elle a un vieux mari… Tous, même de très braves gens, voudraient que je quitte Alexandre… Toutes ces marques de sympathie, ces regards pleins de compassion, ces tristes soupirs n'ont qu'une seule signification… Le Sylvain disait tout à l'heure : insensés qui détruisez les forêts, il n'y en aura bientôt plus sur la terre; et vous, comme des insensés, vous détruisez l'être humain, et, à cause de vous, il n'y aura bientôt plus sur terre ni fidélité, ni pureté, ni esprit de sacrifice. Pourquoi ne pouvez-vous pas regarder froidement une épouse fidèle, si ce n'est pas la vôtre? Le Sylvain a parfaitement raison : le démon de la destruction vous habite. Vous n'avez pitié ni des forêts ni des oiseaux, ni des femmes ni de vos semblables.

VOINITZKI
Cette philosophie me déplaît.

ELENA ANDREEVNA
Et dites à votre Fédor Ivanytch que je suis fatiguée de son insolence. Cela devient écœurant, à la fin! Me regarder dans les yeux et parler devant tout le monde de son amour pour une femme mariée! C'est extrêmement spirituel! (Des voix dans le jardin : "Bravo ! Bravo !")
Ce Sylvain, comme il est sympathique! Il vient souvent chez nous, mais je suis timide, et je n'ai jamais su lui parler, ni l'accueillir aimablement. Il doit me croire méchante ou trop fière. Si nous sommes bons amis, vous et moi, Georges, c'est sans doute parce que nous sommes des êtres fades et assommants. Oui, des êtres assommants. Ne me regardez pas ainsi, je n'aime pas cela.

VOINITZKI
Comment pourrais-je vous regarder autrement? Je vous aime. Vous êtes mon bonheur, ma vie, ma jeunesse! Je sais que mes chances d'être aimé en retour sont nulles, mais je ne vous demande rien, permettez-moi seulement de vous regarder, d'écouter votre voix…

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