ACTE IV - SCÈNE VII



LES MEMES, YOULIA, DIADINE, JELTOUKHINE, puis SEREBRIAKOV et ORLOVSKI

LA VOIX DE SEREBRIAKOV
Ohé! où êtes-vous, mes amis?

SONIA
Ici, papa!

DIADINE
On apporte le samovar! C'est délicieux!
(Il s'affaire avec YOULIA autour de la table. Entrent SEREBRIAKOV et ORLOVSKI.)

SONIA
Par ici, papa!

SEREBRIAKOV
Je vois, je vois…

JELTOUKHINE (élevant la voix.)
Messieurs-dames, je déclare la séance ouverte. Débouche la liqueur, Gaufrette!

KHROUCHTCHEV (s'adressant à SEREBRIAKOV.)
Professeur, oublions nos malentendus. (Il lui tend la main.)
Je vous présente mes excuses.

SEREBRIAKOV
Je vous remercie. J'en suis très heureux! Veuillez me pardonner, vous aussi. Lorsque, au lendemain de cet incident, j'ai essayé d'y réfléchir et que je me suis remémoré notre entretien, j'ai été très peiné… Soyons amis.
(Il le prend par le bras et le conduit à la table.)

ORLOVSKI
Ce n'est pas trop tôt, mon cœur! Une mauvaise paix vaut mieux qu'une bonne querelle.

DIADINE
Je suis très heureux, Votre Excellence, que vous ayez daigné visiter mon oasis. Cela m'est indiciblement agréable.

SEREBRIAKOV
Merci, mon cher. Cet endroit est vraiment ravissant. Une oasis, parfaitement!

ORLOVSKI
Est-ce que tu aimes la nature, Sacha?

SEREBRIAKOV
Beaucoup. (Un temps.)
Ne nous taisons pas, mes amis, parlons plutôt. C'est ce qu'il y a de mieux à faire dans notre situation. Il faut regarder le malheur en face, sans crainte. Si je parais plus courageux que vous autres, c'est parce que c'est moi le plus malheureux.

YOULIA
Je ne vous mets pas de sucre, mes amis; prenez de la confiture.

DIADINE (qui s'affaire autour de ses hôtes.)
Que je suis heureux! Que je suis heureux!

SEREBRIAKOV
Ces jours derniers, Mikhail Lvovitch, j'ai tant souffert, tant réfléchi, que je pourrais, il me semble, écrire tout un traité pour l'édification de la postérité, sur la meilleure manière de vivre. Tant qu'on vit, on continue d'apprendre — et le malheur est notre maître.

DIADINE
Honni soit qui parle du passé ! Dieu est miséricordieux. Tout s'arrangera.
(SONIA tressaille.)

JELTOUKHINE
Qu'avez-vous, Sonia?

SONIA
J'ai entendu un cri…

DIADINE
Ce sont des moujiks qui pèchent des écrevisses dans la rivière.
(Un temps.)

JELTOUKHINE
Mes amis, il était entendu que nous allions passer cette soirée comme si rien n'était arrivé… Il y a pourtant une certaine tension…

DIADINE
Moi, Votre Excellence, je ressens pour la science non seulement de la vénération, mais même un sentiment de parenté. Le frère de la femme de mon frère Grigory, M. Constantin Gavrilovitch Novosselov, que vous connaissez peut-être, avait le titre de maître de conférences de littérature étrangère.

SEREBRIAKOV
Je ne le connais pas personnellement, mais j'ai entendu parler de lui.
(Un temps.)

YOULIA
Demain, cela fera quinze jours exactement qu'est mort Egor Pétrovitch.

KHROUCHTCHEV
Youletchka, il ne faut pas parler de cela.

SEREBRIAKOV
Du courage, du courage.
(Un temps.)

JELTOUKHINE
On sent pourtant une certaine tension…

SEREBRIAKOV
La nature ne tolère pas le vide. Elle m'a privé de deux êtres proches et, pour combler la lacune, m'a donné aussitôt deux nouveaux amis. A votre santé, Léonide Stépanitch !

JELTOUKHINE
Merci, cher Alexandre Vladimirovitch ! Permettez-moi de lever mon verre à votre travail scientifique si fécond. "Jetez les semences du raisonnable, du bon, de l'éternel ! Jetez les semences ! Et le peuple russe vous en remerciera de tout cœur."

SEREBRIAKOV
J'apprécie votre aimable allocution. Je souhaite de toute mon âme que nos relations amicales se transforment bientôt en liens familiaux.
(Entre FEDOR IVANOVICH.)

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