ACTE III - SCÈNE III



LES MEMES, ELENA ANDREEVNA, qui traverse la scène.

VOINITZKI
Admirez-la! En marchant elle vacille de paresse! C'est vraiment joli! Très joli!

ELENA ANDREEVNA
Suffit, Georges. Je m'ennuie assez comme ça, faites-moi grâce de vos ronchonnements.

VOINITZKI
Elle a du talent, c'est une artiste! Qui le croirait? De l'apathie, de la paresse, de la flemme… et tant de vertu que, pardonnez-moi, je n'ai aucun plaisir à vous regarder.

ELENA ANDREEVNA
Ne me regardez pas… Laissez-moi passer.

VOINITZKI
Pourquoi languissez-vous? (Avec vivacité.)
Voyons, ma chère, ma splendide, soyez raisonnable! Il y a du sang de sirène dans vos veines, soyez donc une sirène!

ELENA ANDREEVNA
Laissez-moi passer!

VOINITZKI
Une seule fois dans votre vie, laissez-vous aller sans contrainte, n'attendez pas, amourachez-vous éperdument de quelque génie des eaux…

FEDOR IVANOVITCH
Et sautez dans un tourbillon, la tête la première, pour que le Herr Professer et nous autres restions là, bouche bée.

VOINITZKI
N'êtes-vous pas une ondine? Il faut aimer, tant que vous en avez envie!

ELENA ANDREEVNA
A quoi bon vos leçons? Comme si je ne savais pas moi-même ce que je ferais de ma vie, si j'avais de la volonté! Je m'envolerais d'ici, comme un oiseau libre, loin de vous tous, de vos physionomies somnolentes, de vos propos insipides et odieux, j'oublierais jusqu'à votre existence, et alors personne n'oserait me faire la leçon. Mais je n'ai pas de volonté. Je suis craintive et timide, il me semble toujours que si je trompais mon mari, d'autres femmes suivraient mon exemple et abandonneraient le leur, que Dieu me punirait et que ma conscience me tourmenterait… Sinon, je vous montrerais à tous comment on vit quand on est libre!
(Elle sort.)

ORLOVSKI
Mon âme, ma toute belle…

VOINITZKI
Je crois que je finirai par mépriser cette femme! Elle est timide comme une gamine et elle aime philosopher comme un vieux diacre paré de toutes les vertus ! Aigre comme du verjus! Comme du lait caillé!

ORLOVSKI
Voyons, voyons! Où est le professeur?

VOINITZKI
Dans son cabinet de travail. Il écrit.

ORLOVSKI
Il m'a fait venir pour une affaire quelconque. Vous ne savez pas de quoi il s'agit?

VOINITZKI
De quelle affaire voulez-vous qu'il s'agisse? Il écrit des inepties, il ronchonne et il est jaloux, voilà tout.
(JELTOUKHINE et YOULIA arrivent par la porte de droite.)

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