Le Comte
Puisque enfin je suis seul, lisons cet étonnant écrit, qu'un hasard presque inconcevable a fait tomber entre mes mains. (Il tire de son sein la lettre de l'écrin, et la lit en pesant sur tous les mots.)
"Malheureux insensé ! notre sort est rempli. La surprise nocturne que vous avez osé me faire, dans un château où vous fûtes élevé, dont vous connaissiez les détours ; la violence qui s'en est suivie ; enfin votre crime, — le mien… (Il s'arrête.)
le mien reçoit sa juste punition. Aujourd'hui, jour de Saint-Léon, patron de ce lieu et le vôtre, je viens de mettre au monde un fils, mon opprobre et mon désespoir. Grâce à de tristes précautions, l'honneur est sauf ; mais la vertu n'est plus. Condamnée désormais à des larmes intarissables, je sens qu'elles n'effaceront point un crime… dont l'effet reste subsistant. Ne me voyez jamais : c'est l'ordre irrévocable de la misérable Rosine… qui n'ose plus signer un autre nom." (Il porte ses mains avec la lettre à son front, et se promène.)
…Qui n'ose plus signer un autre nom !… Ah ! Rosine ! où est le temps… ? Mais tu t'es avilie !… (Il s'agite.)
Ce n'est point là l'écrit d'une méchante femme ! Un misérable corrupteur… Mais voyons la réponse écrite sur la même lettre. (Il lit.)
"Puisque je ne dois plus vous voir, la vie m'est odieuse, et je vais la perdre avec joie dans la vive attaque d'un fort, où je ne suis point commandé.
"Je vous renvoie tous vos reproches, le portrait que j'ai fait de vous, et la boucle de cheveux que je vous dérobai. L'ami qui vous rendra ceci, quand je ne serai plus, est sûr. Il a vu tout mon désespoir. Si la mort d'un infortuné vous inspirait un reste de pitié, parmi les noms qu'on va donner à l'héritier… d'un autre plus heureux !… puis-je espérer que le nom de Léon vous rappellera quelquefois le souvenir du malheureux… qui expire en vous adorant, et signe pour la dernière fois, Chérubin Léon, d'Astorga ? "
…Puis, en caractères sanglants : "Blessé à mort, je rouvre cette lettre, et vous écris avec mon sang ce douloureux, cet éternel adieu. Souvenez-vous…"
Le reste est effacé par des larmes… (Il s'agite.)
Ce n'est point là non plus l'écrit d'un méchant homme ! Un malheureux égarement… (Il s'assied et reste absorbé.)
Je me sens déchiré ! Scène II : Bégearss, Le Comte. Bégearss, en entrant, s'arrête, le regarde et se mord le doigt avec mystère.
Le Comte
Ah ! mon cher ami, venez donc !… vous me voyez dans un accablement…
Bégearss
Très effrayant, Monsieur ; je n'osais avancer.
Le Comte
Je viens de lire cet écrit. Non ! ce n'étaient point là des ingrats ni des monstres ; mais de malheureux insensés, comme ils se le disent eux-mêmes…
Bégearss
Je l'ai présumé comme vous.
Le Comte (se lève et se promène )
Les misérables femmes, en se laissant séduire, ne savent guère les maux qu'elles apprêtent !… Elles vont, elles vont… les affronts s'accumulent… et le monde injuste et léger accuse un père qui se tait, qui dévore en secret ses peines !… On le taxe de dureté, pour les sentiments qu'il refuse au fruit d'un coupable adultère !… Nos désordres, à nous, ne leur enlèvent presque rien ; ne peuvent, du moins, leur ravir la certitude d'être mères, ce bien inestimable de la maternité ! tandis que leur moindre caprice, un goût, une étourderie légère, détruit dans l'homme le bonheur… le bonheur de toute sa vie, la sécurité d'être père. — Ah ! ce n'est point légèrement qu'on a donné tant d'importance à la fidélité des femmes ! Le bien, le mal de la société, sont attachés à leur conduite ; le paradis ou l'enfer des familles dépend à tout jamais de l'opinion qu'elles ont donnée d'elles.
Bégearss
Calmez-vous ; voici votre fille.
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