ACTE III - Scène VI
(La Comtesse, Bégearss.)
Bégearss
Combien j'ai souhaité pour vous le moment auquel nous touchons !
La Comtesse (, étouffée )
O mon ami ! quel jour nous choisissons pour consommer ce sacrifice ! celui de la naissance de mon malheureux fils ! A cette époque, tous les ans, leur consacrant cette journée, je demandais pardon au ciel, et je m'abreuvais de mes larmes en relisant ces tristes lettres. Je me rendais au moins le témoignage qu'il y eut entre nous plus d'erreur que de crime. Ah ! faut-il donc brûler tout ce qui me reste de lui ?
Bégearss
Quoi, Madame ? détruisez-vous ce fils qui vous le représente ? ne lui devez-vous pas un sacrifice qui le préserve de mille affreux dangers ? vous vous le devez à vous-même ! et la sécurité de votre vie entière est attachée peut-être à cet acte imposant ! (Il ouvre le secret de l'écrin et en tire les lettres.)
La Comtesse (, surprise )
Monsieur Bégearss, vous l'ouvrez mieux que moi… Que je les lise encore !
Bégearss (sévèrement )
Non, je ne le permettrai pas.
La Comtesse
Seulement la dernière, où, traçant ses tristes adieux du sang qu'il répandit pour moi, il m'a donné la leçon du courage dont j'ai tant besoin aujourd'hui.
Bégearss (s'y opposant )
Si vous lisez un mot, nous ne brûlerons rien. Offrez au ciel un sacrifice entier, courageux, volontaire, exempt des faiblesses humaines ou si vous n'osez l'accomplir, c'est à moi d'être fort pour vous. Les voilà toutes dans le feu. (Il y jette le paquet.)
La Comtesse (, vivement )
Monsieur Bégearss ! cruel ami ! C'est ma vie que vous consumez ! qu'il m'en reste au moins un lambeau. (Elle veut se précipiter sur les lettres enflammées. Bégearss la retient à bras-le-corps.)
Bégearss
J'en jetterai la cendre au vent.