ACTE CINQUIÈME - SCÈNE VIII



(SAINT-CHARLES LA DUCHESSE DE MONTSOREL, MADEMOISELLE DE VAUDREY.)
(Saint-Charles s'efface pour laisser passer les deux femme, Il reste en haut de la scène pendant qu'elles la descendent.)

MADEMOISELLE DE VAUDREY
Vous êtes bien abattue.

LA DUCHESSE (DE MONTSOREL.) (se laissant aller dans un fauteuil.)
Morte ! plus d'espoir ! vous aviez raison.

SAINT-CHARLES (s'avançant.)
Madame la duchesse.

LA DUCHESSE (DE MONTSOREL.)
Ah ! j'avais oublié ! Monsieur, il m'est impossible de vous accorder le moment d'audience que vous m'aviez demandé. Demain… plus tard.

MADEMOISELLE DE VAUDREY (à Saint-Charles.)
Ma nièce, Monsieur, est hors d'état de vous entendre

SAINT-CHARLES
Demain, Mesdames, il ne serait plus temps ! la vie de votre fils, le marquis de Montsorel, qui se bat demain avec M. de Frescas, est menacée.

LA DUCHESSE (DE MONTSOREL.)
Mais ce duel est une horrible chose !

MADEMOISELLE DE VAUDREY (bas à la duchesse.)
Vous oubliez déjà que Raoul vous est étranger.

LA DUCHESSE (DE MONTSOREL.) (à Saint-Charles.)
Monsieur, mon fils saura faire son devoir.

SAINT-CHARLES
Viendrais-je, Mesdames, vous instruire de ce qui se cache toujours à une mère, s'il ne s'agissait que d'un duel ? Votre fils sera tué sans combat. Son adversaire a pour valets des spadassins, des misérables auxquels il sert d'enseigne.

LA DUCHESSE (DE MONTSOREL.)
Et quelle preuve en avez-vous ?

SAINT-CHARLES
Un soi-disant intendant de M. Frescas m'a offert des sommes énormes pour tremper dans la conspiration ourdie contre la famille de Christoval. Pour me tirer de ce repaire, j'ai feint d'accepter : mais au moment où j'allais prévenir l'autorité, dans la rue, deux hommes m'ont jeté par terre en courant, et si rudement que j'ai perdu connaissance : ils m'ont fait prendre à mon insu un violent narcotique, m'ont mis en voiture, et à mon réveil j'étais dans la plus mauvaise compagnie. En présence de ce nouveau péril, j'ai retrouvé mon sang-froid, je me suis tiré de ma prison, et me suis mis à la piste de ces hardis coquins.

MADEMOISELLE DE VAUDREY
Vous venez ici pour M. de Montsorel, à ce que nous a dit Joseph ?

SAINT-CHARLES
Oui, Madame.

LA DUCHESSE (DE MONTSOREL.)
Et qui donc êtes-vous, Monsieur ?

SAINT-CHARLES
Un homme de confiance dont monsieur le duc se défie, et je reçois des appointements pour éclaircir les choses mystérieuses.

MADEMOISELLE DE VAUDREY (à la la duchesse.)
Oh ! Louise !
@LA DUCHESSE (DE MONTSOREL.)
regardant fixement Saint-Charles.
Et qui vous a donné l'audace de me parler, Monsieur ?

SAINT-CHARLES
Votre danger, Madame. On me paye pour être votre ennemi Ayez autant de discrétion que moi, daignez me prouver que votre protection sera plus efficace que les promesses un peu creuses de monsieur le duc, et je puis vous donner la victoire. Mais le temps presse, le duc va venir, et s'il nous trouvait ensemble, le succès serait étrangement compromis.

LA DUCHESSE (DE MONTSOREL.) (à Mademoiselle de Vaudrey.)
Ah ! quelle nouvelle espérance ! (À Saint-Charles.)
Et qu'alliez-vous donc faire chez M. de Frescas ?

SAINT-CHARLES
Ce que je fais en ce moment auprès de vous, Madame.

LA DUCHESSE (DE MONTSOREL.)
Ainsi, vous vous taisez.

SAINT-CHARLES
Madame la duchesse ne me répond pas : le duc a ma parole et il est tout-puissant.

LA DUCHESSE (DE MONTSOREL.)
Et moi, Monsieur, je suis immensément riche ; mais n'espérez pas m'abuser. (Elle se lève.)
Je ne serai point la dupe de M. de Montsorel, je reconnais toute sa finesse dans cet entretien secret que vous me demandez ; je vais compléter, Monsieur, vos documents. (Avec finesse.)
M. de Frescas n'est pas un misérable, ses domestiques ne sont pas des assassins, il appartient à une famille aussi riche que noble, et il épouse la princesse d'Arjos.

SAINT-CHARLES
Oui, Madame, un envoyé du Mexique a produit des lettres de M. de Christoval, des actes extraordinairement authentiques. Vous avez mandé un secrétaire de la légation d'Espagne qui les a reconnus les cachets, les timbres, les légalisations… ah ! tout est parfait.

LA DUCHESSE (DE MONTSOREL.)
Oui, Monsieur, ces actes sont irrécusables.

SAINT-CHARLES
Vous aviez donc un bien grand intérêt, Madame, a ce qu'ils fussent faux ?

LA DUCHESSE (DE MONTSOREL.) (à mademoiselle de Vaudrey.)
Oh ! jamais pareille torture n'a brisé le cœur d'aucune mère.

SAINT-CHARLES (à part.)
De quel côté passer ? à la femme ou au mari.

LA DUCHESSE (DE MONTSOREL.)
Monsieur, la somme que vous me demanderez est à vous si vous pouvez me prouver que M. Raoul de Frescas…

SAINT-CHARLES
Est un misérable ?

LA DUCHESSE (DE MONTSOREL.)
Non, mais un enfant…

SAINT-CHARLES
Le vôtre, n'est-ce pas ?

LA DUCHESSE (DE MONTSOREL.) (s'oubliant.)
Eh bien, oui ! Soyez mon sauveur, et je vous protégerai toujours, moi. (À mademoiselle de Vaudrey.)
Eh ! qu'ai-je donc dit ? (À Saint-Charles.)
Où est Raoul ?

SAINT-CHARLES
Disparu ! Et cet intendant qui a fait faire ces actes, rue Oblin, et qui sans doute a joué le personnage de l'envoyé du Mexique, est un de nos plus rusés scélérats. (La duchesse fait un mouvement.)
Oh ! rassurez-vous, il est trop habile pour verser du sang ; mais il est aussi redoutable que ceux qui le prodiguent ! et cet homme est son gardien.

LA DUCHESSE (DE MONTSOREL.)
Ah ! votre fortune contre sa vie.

SAINT-CHARLES
Je suis à vous, Madame. (À part.)
Je saurai tout et je pourrai choisir.
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