ACTE DEUXIÈME - SCÈNE VI



(LE DUC LE MARQUIS.)

LE DUC
Épouser une femme qui ne nous aime pas est une faute, Albert, que, moi vivant, vous ne commettrez jamais.

LE MARQUIS
Mais rien ne dit encore, mon père, qu'Inès repousse mes vœux ; et d'ailleurs, une fois qu'elle sera ma femme, m'en faire aimer est mon affaire, et, sans trop de vanité, je puis croire que je réussirai.

LE DUC
Laissez-moi vous dire, mon fils, que ces opinions de mousquetaire sont ici tout à fait déplacées.

LE MARQUIS
En toute autre chose, mon père, vos paroles seraient des arrêts pour moi, mais chaque époque a son art d'aimer… Je vous en conjure, hâtez mon mariage. Inès est volontaire comme une fille unique, et la complaisance avec laquelle elle accueille l'amour d'un aventurier doit vous inquiéter. En vérité, vous êtes ce matin d'une froideur inconcevable. Mettez à part mon amour pour Inès, puis-je rencontrer mieux ? Je serai, comme vous l'êtes, grand d'Espagne, et de plus je serai prince. En seriez-vous donc fâché, mon père ?

LE DUC (à part)
Le sang de sa mère reparaîtra donc toujours ! Oh ! Louise a bien su deviner où je suis blessé (Haut.)
Songez, Monsieur, qu'il n'y a rien au-dessus du glorieux titre de duc de Montsorel.

LE MARQUIS
Vous aurais-je offensé ?

LE DUC
Assez ! Vous oubliez que j'ai ménagé ce mariage dès mon séjour en Espagne. D'ailleurs, madame de Christoval ne peut pas marier Inès sans le consentement du père. Le Mexique vient de proclamer son indépendance, et cette révolution explique assez le retard de la réponse.

LE MARQUIS
Eh bien ! mon père, vos projets seront déjoués. Vous n'avez donc pas vu hier ce qui s'est passé chez l'ambassadeur d'Espagne ? Ma mère y a protégé visiblement ce Raoul de Frescas, Inès lui en a su gré. Savez-vous la pensée longtemps contenue en moi et qui s'est fait jour alors ? c'est que ma mère me hait ! Et, je ne puis le dire qu'à vous, mon père, à vous que j'aime, j'ai peur qu'il n'y ait rien là pour elle.

LE DUC (à part)
le recueille donc ce que j'ai semé on se devine pour la haine aussi bien que pour l'amour ! (Au marquis.)
Mon fils, vous ne devez pas juger votre mère, vous ne pouvez pas la comprendre. Elle a vu chez moi pour vous une tendresse aveugle, elle tâche d'y remédier par sa sévérité. Que je n'entende pas une seconde fois semblables paroles, et brisons là ! Vous êtes aujourd'hui de service au château, allez-y promptement : j'obtiendrai une permission pour ce soir, et vous serez libre d'aller au bal retrouver princesse d'Arjos.

LE MARQUIS
Avant de partir, ne puis-je voir ma mère, pour la supplier de prendre mes intérêts auprès d'Inès qui doit la venir voir ce matin ?

LE DUC
Demandez si elle est visible, je l'attends moi-même. (Le marquis sort.)
Tout m'accable à la fois ; hier l'ambassadeur me demande où est mort mon premier fils ; cette nuit, sa mère croit l'avoir retrouvé ; ce matin, le fils de Juana Mendès me blesse encore ! Ah ! d'instinct la princesse le devine. Les lois ne peuvent jamais être impunément violées, la nature n'est pas moins impitoyable que le monde. Serai-je assez fort, même avec l'appui du roi, pour conduire les événements ?
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