ACTE QUATRIÈME - SCÈNE X
(RAOUL VAUTRIN, LE MARQUIS, LA DUCHESSE DE MONTSOREL ; puis LA DUCHESSE DE CHRISTOVAL, INÈS.)
UN VALET (, annonçant.)
Madame la duchesse de Montsorel,
VAUTRIN (à Raoul.)
Pas d'enfantillage : de l'aplomb et au pas ! je suis devant l'ennemi.
LE MARQUIS
Ah ! ma mère, venez-vous assister à ma défaite ? Tout est conclu. La famille de Christoval se jouait de nous. Monsieur (Il montre Vautrin)
apporte les pouvoirs des deux pères.
LA DUCHESSE (DE MONTSOREL.)
Raoul a une famille ? (Madame de Christoval et sa fille entrent et saluent la duchesse. À madame de Christoval.)
Madame, mon fils vient de m'apprendre l'événement inattendu qui renverse toutes nos espérances.
LA DUCHESSE DE CHRISTOVAL
L'intérêt que vous paraissez témoigner à M. de Frescas s'est donc affaibli depuis hier ?
LA DUCHESSE (DE MONTSOREL.) (examinant Vautrin.)
Et c'est grâce à monsieur que tous les doutes ont été levés ? Qui est-il ?
LA DUCHESSE DE CHRISTOVAL
Le représentant du père de M. de Frescas, don Amoagos, et de M. de Christoval. Il nous a donné les nouvelles que nous attendions, et nous a remis enfin les lettres de mon mari.
VAUTRIN (à part.)
Ah çà, vais-je poser longtemps comme ça ?
LA DUCHESSE (DE MONTSOREL.) (à Vautrin.)
Monsieur connait sans doute depuis longtemps la famille de M. de Frescas ?
VAUTRIN
Elle est très-restreinte un père, un oncle… (À Raoul.)
Vous n'avez même pas la douloureuse consolation de vous rappeler votre mère. (À la duchesse.)
Elle est morte au Mexique peu de temps après son mariage.
LA DUCHESSE (DE MONTSOREL.)
Monsieur est né au Mexique ?
VAUTRIN
En plein Mexique.
LA DUCHESSE (DE MONTSOREL.) (à la duchesse de Christoval.)
Ma chère, on nous trompe. (À Raoul.)
Monsieur, vous n'êtes pas venu du Mexique, votre mère n'est pas morte, et vous avez été dès votre enfance abandonné, n'est-ce pas ?
RAOUL
Ma mère vivrait !
VAUTRIN
Pardon, Madame, j'arrive moi, et si vous souhaitez apprendre des secrets, je me fais fort de vous en révéler qui vous dispenseront d'interroger monsieur. (À Raoul.)
Pas un mot.
LA DUCHESSE (DE MONTSOREL.)
C'est lui ! Et cet homme en fait l'enjeu de quelque sinistre partie… (Elle va au marquis.)
Mon fils…
LE MARQUIS
Vous les avez troublés, ma mère, et nous avons sur cet homme (il montre Vautrin)
la même pensée ; mais une femme a seule le droit de dire tout ce qui pourra faire découvrir cette horrible imposture.
LA DUCHESSE (DE MONTSOREL.)
Horrible ! oui. Mais laissez-nous.
LE MARQUIS
Mesdames, malgré tout ce qui s'élève contre moi, ne m'en veuillez pas si j'espère encore. (À Vautrin.)
Entre la coupe et les lèvres il y a souvent…
VAUTRIN
La mort !
(Le marquis et Raoul se saluent, et le marquis sort.)
LA DUCHESSE (DE MONTSOREL.) (à madame de Christoval.)
Chère duchesse, je vous en supplie, renvoyez Inès, nous ne saurions nous expliquer en sa présence.
LA DUCHESSE DE CHRISTOVAL (à sa fille, en lui faisant signe de sortir.)
Je vous rejoins dans un moment.
RAOUL (à Inès, en lui baisant la main.)
C'est peut-être un éternel adieu !
(Inès sort.)