ACTE III - SCENE IX
LES MEMES, PLANTUREL, URSULE.
URSULE
Monsieur Planturel!
BARILLON
Vous?
PLANTUREL
Oui, moi, qui viens vous apporter une bonne nouvelle.
TOUS
Quelle nouvelle?
PLANTUREL
Le tribunal a statué! Voici la dépêche qui me l'annonce.
(Ils se précipitent tous les trois sur la dépêche.)
JAMBART (lisant la dépêche. )
Voyons!… "Mariage cassé. Arrêt suit."
(Il remonte en levant les bras au ciel et redescend an numéro 1.)
BARILLON (allant au n° 3. A PLANTUREL. )
Est-il possible? (A Mme JAMBART.)
Ah! Frédégonde! (Lui tendant les bras pour l'embrasser, puis se ravisant; à JAMBART.)
Vous permettez?
JAMBART
Mais je crois bien. Et vous aussi?
(BARILLON et JAMBART embrassent en même temps Mme JAMBART, face au public, chacun sur une joue, formant tableau.)
PLANTUREL (à part. )
Ils sont touchants! (Haut.)
J'ai couru au théâtre pour vous retrouver.
MADAME JAMBART
Et nous en étions partis.
PLANTUREL
Oui, c'est ce qu'on m'a dit. On venait de vous sortir.
BARILLON
Mais alors, ce bon Jambart, il rentre dans ses droits. (A JAMBART.)
Hein! Qui est-ce qui va être content, ce soir?
JAMBART
Eh! eh! je crois que c'est nous!… (A Mme JAMBART, lui prenant la tête des deux mains et l'embrassant à pleine bouche)
Ah! bébé, va!
BARILLON
Sont-ils gentils! Allons, Planturel! Vous êtes maire. Nous allons procéder à leur union.
JAMBART
Frédégonde!… A l'autel.
BARILLON
Oh! nous allons vous faire un cortège digne de vous. (Appelant.)
Ursule! Brigot! Il faut des lumières, de la pompe.
BRIGOT (venant de gauche. )
Encore! J'allais m'endormir.
URSULE (entrant de droite, deuxième plan. )
Monsieur!
BARILLON
Apportez la pompe!
URSULE
Il y a le feu?
BARILLON
Euh! non! Des flambeaux, des lumières.
(URSULE rentre à droite, 2e plan.)
BRIGOT
Pour quoi faire?
BARILLON
Pour célébrer l'union de Mme Jambart avec M. Jambart, son légitime époux.
URSULE (revenant avec des flambeaux allumés. )
Le mariage est cassé? Alors je reprends mes huit jours.
BARILLON
Escortons-les jusqu'au lit nuptial.
BRIGOT
Les escorter! Comment, toi, le mari?
BARILLON
Eh! le mari, c'est lui! Moi, je suis garçon.
BRIGOT
Garçon! Allons, bon! Il est garçon, maintenant.
(URSULE remet un flambeau à BARILLON, à PLANTUREL et à BRIGOT qui forment la haie au fond, tandis que JAMBART et Mme JAMBART sont à l'extrême gauche.)
BARILLON
Allons, Jambart! Et nous, chantons en chœur.
TOUS (chantant. )(AIR de "Zampa".)
"Dans cet hymen Que de magnificence!…" etc…
(Pendant ce chœur, JAMBART a pris la main de Mme JAMBART et ils avancent à pas lents. Quand ils sont arrivés à la hauteur de BARILLON, celui-ci se met en marche et les précède dans la chambre. PLANTUREL et BRIGOT suivent le couple toujours en chantant.)
TOUS (criant de la chambre. )
Vivent les mariés!
(Sonnerie de cloche.)
URSULE (au moment où fermant la marche du cortège elle va entrer aussi dans la chambre. —)
On sonne à cette heure-ci! Qui diable ça peut être?
(Elle sort par le fond.)
TOUS (ressortant. )
Allons, bonsoir.
JAMBART (paraissant au seuil de la porte. )
Dites donc! Ne nous faites pas de farces comme à des nouveaux époux.
BARILLON
Soyez tranquille.
JAMBART
Allons, bonne nuit.
(Il ferme sa porte et on entend le bruit de la clef dans la serrure.)
BARILLON (criant à la porte. )
Rendez-la heureuse!
VOIX DE JAMBART
Oui!
BARILLON
Et maintenant, reprise du chœur. "Dans cet hymen Que de magnificence!…"
(Ils traversent la scène. BRIGOT sort le premier par la gauche, premier plan. Les autres sont arrêtés par la voix d'URSULE, entrant.)
URSULE (n° 3, une enveloppe à la. main. )
Monsieur! Monsieur!
BARILLON (n° 2. )
Qu'est-ce qu'il y a?
URSULE
C'est un monsieur qui apporte ce papier, il dit que c'est pressé !
(Elle sort.)
BARILLON (avec joie. )
Ah! C'est l'.arrêt! L'arrêt qui me rend la liberté.
PLANTUREL (n° 1. )
Je vous l'avais bien dit: "Mariage cassé, arrêt suit."
BARILLON (n° 2. )
Ah, le bon arrêt! L'excellent arrêt! Je le ferai encadrer. (Il l'ouvre.)
C'est bien cela! "Le Tribunal, etc., etc. Attendu que… demande en nullité de mariage, etc., etc. Par ces motifs, déclare nul et de nul effet le mariage contracté entre Frédégonde, femme Barillon, et…" Ah!
PLANTUREL
Quoi donc?
BARILLON (voix étranglée. )
Lisez! lisez!
PLANTUREL (lisant. )
"Entre Frédégonde Barillon et le sieur Emile Jambart." (Parlé.)
C'est le mariage Jambart qu'ils ont cassé!
BARILLON
Alors, c'est moi qui suis le mari! Ah! mon Dieu! Et moi qui tout à l'heure… (Il bondit et court suivi de PLANTUREL à la porte de droite, deuxième plan.)
Ouvrez! Ouvrez!
VOIX DE JAMBART
Fichez-moi la paix!
PLANTUREL
Au nom de la loi, ouvrez!
VOIX DE JAMBART
Tout à l'heure!
BARILLON
Non, pas tout à l'heure, tout de suite.
VOIX DE JAMBART
Zut!
BARILLON (hurlant ainsi que PLANTUREL. )
Au secours! Au secours!
(Il est allé jusqu'à la baie qu'il ouvre tout en appelant au secours.)