ACTE I - SCENE IX



FLAMECHE puis BARILLON, BRIGOT, MADAME JAMBART, VIRGINIE.

FLAMECHE
Mais c'est évident!… Ils ont bien le temps! Après tout! Je m'en fiche.(Chantant.)
"Qu'un autre se marie…"(Parlé.)
Ah! voilà la noce!
(Mme JAMBART entre, traînant BARILLON.)

MADAME JAMBART
Voyons, qu'est-ce qui vous prend? Venez donc, venez donc!

BRIGOT (le poussant. )
Allons, viens donc!

BARILLON (se faisant traîner. )
Non, mais non! mais attendez donc! Je vous dis que j'ai mes raisons. Ah! que c'est bête! Mais non, voyons! Laissez-moi vous dire…

BRIGOT
Enfin ! Quoi ! Qu'est-ce que tu as ?

BARILLON
Rien ! rien ! (Il regarde autour de lui. A FLAMECHE.)
Il n'est plus là, il est parti… le… mon… mon… ?

BRIGOT
Quoi, ton… ton… ?

BARILLON
Non, je veux dire : monsieur le maire.

FLAMECHE
M. le maire ? Il est là, dans son cabinet.

BARILLON
Il est là ? Ah ! mon Dieu ! Venez, nous ne pouvons pas rester ici.

MADAME JAMBART
Comment ?

BRIGOT
Ah, çà ! qu'est-ce que tu chantes ? Allons, le maire…

BARILLON (descendant vivement jusqu'au milieu des chaises, derrière la banquette. )
Chut ! Ne criez pas !

MADAME JAMBART
Mais enfin, qu'est-ce que vous avez ?

BARILLON
Hein ! non ! rien ! Ah ! je vous en prie, surtout ne m'appelez jamais Alfonso Dartagnac.

MADAME JAMBART
Mais pourquoi voulez-vous que je vous appelle ainsi ?

BRIGOT
Il est toqué !

MADAME JAMBART (s'asseyant à gauche sur la chaise où sont les épées laissées par PLANTUREL et se relevant vivement.)
Aïe ! (Prenant les épiées.)
Qu'est-ce que font ces épées dans la mairie ?

FLAMECHE (redescendant. )
Ça ? c'est à M. le maire, parce qu'il a une affaire avec un monsieur (Cherchant.)
Dar… Dan…

BARILLON (vivement et enjambant la banquette. )
Ça n'est pas moi !… ça n'est pas moi !

TOUS
Hein !

FLAMECHE
Je n'ai pas dit que c'était vous. Qu'est-ce qu'il a ?
(Il remonte sur l'estrade.)

BARILLON (ahuri et riant bêtement. )
Non, rien… C'est drôle ! c'est drôle !

BRIGOT
Il est fou !

BARILLON (à part. )
Vous verrez qu'avec ma veine ordinaire, je serai tombé sur un spadassin.(Haut, à FLAMECHE.)
Il est fort aux armes, le maire ?

FLAMECHE (railleur. )
Ah. çà ! on peut le dire.

BARILLON
Là, qu'est-ce que je disais ? (Aux autres, à l'exception de FLAMECHE.)
Non, tenez, parlons sérieusement. (Tout le monde se rapproche, puis brusquement changeant de ton.)
Allons-nous-en !

TOUS
Comment, allons-nous-en?

BARILLON (gagnant l'extrême gauche. )
Oui, nous ne pouvons pas rester ici, je ne vaux pas que ce maire-là nous marie!… Il a le mauvais œil!

TOUS
Mais enfin…

BARILLON (remontant par la gauche jusqu'à l'estrade où est FLAMECHE. )
Non, non… (A FLAMECHE)
Garçon, vous n'avez pas un autre maire dans la maison?

FLAMECHE
Non, monsieur, nous n'en tenons pas d'autre.

BRIGOT (qui est également remonté, mais par la droite, jusqu'à l'estrade. )
Mais naturellement!… Tu crois qu'il y en a des assortiments?

BARILLON
Quelle pénurie! Alors, l'adjoint?

FLAMECHE
Le premier n'est pas ici, il fait ses vingt-huit jours.

BARILLON
Eh! bien, le second?

FLAMECHE
Il n'est pas ici non plus, il accouche!

BRIGOT
Comment, il accouche?

FLAMECHE
Oui, enfin… madame l'adjointe.

BARILLON (il redescend devant l'estrade, entre les deux fauteuils des mariés. )
Sapristi! Mais alors, dites donc, si nous ne nous mariions qu'à l'Eglise?

BRIGOT
Allons, donc! Tu es fou à la fin! Tu nous ennuies! (A FLAMECHE.)
Allez chercher M. le Maire.

BARILLON
Ah! mon Dieu! mon Dieu!

PLANTUREL (sortant. )
Dites -donc, Flamèche! Flamèche!

BARILLON (bondissant à la voix de PLANTUREL. )
Lui, filons! (Il se précipite à travers les fauteuils, bousculant tout, saisit la main de VIRGINIE au passage et l'entraîne avec lui par la droite. A VIRGINIE.)
Venez! Venez!
(Ils sortent.)

MADAME JAMBART
Encore! Ah! c'est trop fort! Mon gendre!

BRIGOT (redescendant à droite à la hauteur de la porte premier plan. )
Encore !

MADAME JAMBART (au moment de sortir à la poursuite de BARILLON, croisant BRIGOT, et lui jetant au passage les épées qu'elle a toujours à la main. )
Tenez, vous, prenez ça!
(Elle donne les épées à BRIGOT et sort.)

BRIGOT
Ah! bien, j'en ai assez de courir après!

Autres textes de Georges Feydeau

Un fil à la patte

"Un fil à la patte" est une comédie en trois actes de Georges Feydeau. Elle raconte l'histoire de Fernand de Bois d'Enghien, un homme qui souhaite rompre avec sa maîtresse,...

Un bain de ménage

"Un bain de ménage" est une pièce en un acte de Georges Feydeau. Elle se déroule dans un vestibule où une baignoire est installée. La pièce commence avec Adélaïde, la...

Tailleur pour dames

(Au lever du rideau, la scène est vide.)(Il fait à peine jour. Étienne entre par la porte de droite, deuxième plan.)(Il tient un balai, un plumeau, une serviette, tout ce...

Séance de nuit

(JOSEPH PUIS RIGOLIN ET EMILIE BAMBOCHE Au lever du rideau, Joseph achève de mettre le couvert. Par la porte du fond, qui est entr'ouverte, et donne sur le hall où...

Par la fenêtre

Un salon élégant. Au fond, une porte donnant sur un vestibule : à gauche, premier plan, une fenêtre ; — à droite, second plan, une cheminée, surmontée d'une glace ; ...


Les auteurs


Les catégories

Médiawix © 2024